CASTELLANOS, PORTUGUESES, ITALIANOS Y OTROS
POBLADORES DE CANARIAS A RAIZ DE LA CONQUISTA.
UNA CUESTION DE PROPORCIONES
CHARLESV ERLINDEN
Au cours des deux demieres annkes ont paru deux ouvrages qui
ont consacré une sérieuse attention a la démographie des Canaries
durant les premieres décennies apres la conquete. 11 s'agit de F. Fer-nundez
Armrste: The Cunury islam% ufter the conqüest. The ma-king
of a colonial society in the early sixteenth century' et de
E. Aznar Vallejo: La integración de las Islas Canarias en la Corona
de Castilla (1478- 1536). Aspectos administrativos, sociales y econó-micos
*.
Fernandez Armesto commence I'étude du peuplement colonial
a ses débuts par les Portugais et les Italiens3. 11 surmonte ce chapitre
de deux citations. L'une est de Chaunu: «Les Canaries constituent,
en fait una sorte de condominium hispano-portugais latent». On
peut d'emblée en souligner le manque de précision politique et juri-dique.
La seconde est de moi-meme: «Gli Italiani si sono dimostrati
I'elemento economico piu dinamico e competente de la vita isolana~.
11 y manque quelque chose comme «all'inizio» aprks «competente».
Quoi qu'il en soit, voili deux groupes ethniques dont l'importance
relative est signalée du coup. 11 s'agira toutefois ici de rechercher si
I'on peut mesurer leur irnportance demographique absolue, c'est-a-dire
si I'on peut se rendre compte de la proportion, du pourcentage
si I ' Q ~ x!efi?, qu'ittrignait &arun & crs deU:: g:=fipes !'ense:-
ble de la population. Une meme recherche devra ensuite etre faite
pour les autres groupes ethniques formant la population insulaire.
1. Oxford Ilniverrity Preis, 1982,244 pp.
2. Universidad de Sevilla-Universidad de La Laguna, Colección Viera y Clavijo,
n . O VI, 1983,466 pp.
3. pp. 13-32
14 Charles Verlinden
, Des le début de son exposé M. Femandez Armesto dit que les
Italiens et les Portugais étaient les groupes étrangers les plus proli-fiques4.
Cela peut-il se prouver? Ou faut-il simplement entendre
qu'ils étaient les plus nombreux? 11 note que les Portugais consti-tuaient
la plus nombreuse des communautés étrangkres aux Cana-ries5.
On peut s'interroger sur la nature de cette «communauté».
Formait-elle un ou plusieurs groupes bien distiricts ou s'agit-il seu-lement
de la totalité des étrangers d'origine portugaise? En d'autres
mots, est -il question seulement de proportion totale ou également de
répartition? Notre auteur cite immédiatement la Descrittione e his-toria
del regno dell' Isole Canarie de Leonardo Torriani6, qui, on le
sait,visita le5 les a la fin du XVIe sikcle. D'aprks cet Italien, non sus-pect
de sympathie excessive pour les Portugais, Tenerife aurait été
colnnisée si~rtoip~atr des Porti~gaisF~a, ut-il yenser que cela étalt du
la prolificité attribuée plus haut aux Portugais, puisqu'il s'agit d'un
témoignage largement postérieur au début de la colonisation? Ou
bien la situation démographique était-elle de cette nature dks le dé-but
du peuplement colonial? L. de la Rosa Olivera a envisagé com-me
possible une proportion de 80% dans les «reinos de Icod y Dau-te
» ou nord-ouest de i'iieg. ivíais a quei moment exactement? iious
reviendrons encore sur ce point. En attendant pouvons - nous songer
a un parallele avec la situation signalée a Saint-Domingue par M.
Bataillon9? 11 y eut la beaucoup de cristaos novos portugais qui
étaient souvent citoyens espagnols (vezinos y casados en España)Io,
qualité que certains avaient acquise, eux ou leurs parents, aux Cana-ries,
comme cela fut aussi le cas pour quelques Flamands". La pré-sence
de tant de Portugais a Tenerife fut-elle donc seulement transi-toire?
D'autre part on sait qu'il y eut aussi beaucoup de Portugais A
4. up. ¿;t. p. i 3
5. ibid. p. 15
6. Edite par D. J. Wolfel en 1940 et par A. Cioranescu en 1959.
7. Ed. Wolfel: Die Kanarischen Inseln und ihre Urbewohner (Leipzig, 1940) p.
158.
8. El poblamiento de los reinos de Icod y Daute (Estudios Canarios, XIV, 1970),
pp. 35-43.
Y. Santo Domingo ((era Portugai~d ans B. Garcia Martínez et ai. (editj: ~ i s t o r i ay
sociedad en el mundo de habla española. Homenaje a J. Miranda (Mexico, 1970) pp.
113-120.
10. Texte de 156 1 (Bataillon: op. cit. p. 1 15).
11. 1bid.p. 117.
Castellanos, portugueses, italianos y otros pobladores ... 15
Caracas (Santiago de León) au début du XVIIe si&cle12e t mime a
Potosi13. A Caracas il y a parmi eux «des pobladores muy antiguos))
et Bataillon parle meme d'une ((aplastante superioridad numerica de
los Portugueses con respecto a todos los demas extranjeros»14.
Avaient-ils passé ou non par les Canaries? On voit qu'il y a la un
probleme qui n'a pas eté abordé pour les Canaries ni, surtout lors-qu'il
s'agit de dater finement -comme disait fuste1 de Coulanges-,
pour l'ensemble l'empire espagnol.
11 est certain qu'aux Canaries, certains Portugais étaient des
cristiios novos. Par exemple, Francisco Diaz a la Grande Canarie,
qui apparait devant 171nquisition en 1524 pour pratiques juives. C'é-tait
un laboureur illettré dont les parents avaient travaillé dans des
engeños de azucar a Madere d'abord, aux Canaries ensuite. Lui-mime,
a. ux Canaries, avait été forgeron et ouvrier dans des entrepri- , e.,o..,a..ae~~ n f i ~ ; ~ L ~ ~ , , ~ ~. ,- ,I ,~ .~ , ~ +D+ ~. ~.+~, ~~. - .L "a "A+ a b a ~UL-IL~IC-~ . IVILLIJ ~ U U I vbauc~uuy u a u u b a 1 u I c u E > a l a u11 LAC. a a 1 L paa
quelles étaient leurs connexions religieuses. A Daute, plusieurs plan-teurs
de canne a sucre portugais possédaient, semble - t - il, des exploi-tations
considérables16, mais,en général, les plantations portugaises
n'étaient pas tres étendues. La plupart des Portugais, mime dans cet-te
région, étaient-ils des ouvriers agricoles?17. 11 faudra y revenir.
Aux Antilles, nous le savons, ils occupaient toutes les fonctions et
s'acquittaient de toutes les taches possibles. 11 en est de meme dans
d'autres parties de l'empire espagnol, par exemple au VénézuelaI8.
M. Fernandez Armesto commence son développement sur les
Italiens en déclarant qu'ils étaient ((second to the Portuguese in
numben>I9. «Second» ici ne peut guere signifier que «moins», car il
est certain que, d'une facon absolue, aprks une masse dominante de
sujets castillans, les immigrants italiens, moins nombreux que les
12. J. A. Armas Chitty: Caracas. Origen y trayectoria de una ciudad (Caracas,
1967) t. 11, p. 4, doc. 7.
13. L. Hanke: The Portuguese in Spanish America with special reference to the
Villa Imperial de Potosi (Revista de Historia de America, n.O 5 1 (1 96 l), pp. 1 -48.
14. Bataillon, p. 120.
15. Femandez Armesto, op. cit. p. 16.
16. Ibid. p. 18.
17. C. Verlinden: Le r6le des Portugais dans I'économie des Iles Canaries au dé-but
du XVIe siecle (Homenaje a E. Serra Rafols, t. 111 (La Laguna, 1970).
18. Bataillon: op. cit. p. 120.
19. Op. cit. p. 21.
16 Charles Verlinden
Portugais, ne pouvaient, tout au plus, apparstre qu'en troisieme pla-ce
dans une échelle quantitative des colons immigrés aux Canaries.
A c6té des marchands et des marins qui passaient, ceux qui restaient
étaient surtout actifs dans la production sucriere ou ils apparais-saient
comme les principaux entrepreneurs agricoles et industriels
de$ les. Ce seul fait déja suppose qu'ils étaient peu nombreux, mais
puissants, constituant une élite économique enviée. L. de la Rosa
Olivera a étudié spécialement Francisco de Riberol tandis que 1. Go-mez
Galtier s'est intéressé a Franciso de Lercaz0. Trks important
était aussi Cnstoforo Daponte dont j'ai publié un acte révélateur de
1508 passe devant le notaire S. Paez en annexe a mon étude Gli Ita-liani
nell'economia delle Canarie all' inizio della colonizzazione
spagnola~".
M. Fernandez Armesto publie en appendice2? un projet, non
exéc-~ltéd, e confiscation de bien$ d'importants entrepreneurs génois
de plantations sucrikres a la Grande Canarie vers 1500. 11 procede
des Diversos de Castilla (1, 735) aux archives de Simancas. 11 vaut la
peine d'en reproduire ici quelques passages.
«Las faziendas que tienen los Ginoveses en la isla de la Grand
Canaria ...
dos engenios de Francisco de Riberol, Ginoves, el uno se dize
El Sirago con sus tierras que lo rrenta trezientos mil maravedis.
El otro engenio del dicho Francisco de Riberol esta en Galdar ...
trezientos mill maravedis cada año.
Otro engenio en Galdar ques de Pedro Cairrasco, Ginoves, que
vale.. mas de mill ducados de rrenta.
Otro engenio questa en el Agaete ques de Francisco Palomar,
Ginoves. Vale ... mas de dos mill ducados de rrenta.
Otro engenio de Gironimo de Cairasco ques en la villa del Real
de Las Palmas que vale de rrenta ... mas de mill e dozientos docados.
Otro engenio en Galdar que fiso Gironymo de Oredio ... Vale de
rrenta tresientos mill maravedis.
Tiene Bautista de Riberol una fuente e un pedaco de la dehesa
de Galdar ... quinientos ducados de rrenta.
20. L. de la Rosa: Francisco de Riberol y la colonia genovesa en Canarias (Anua-rio
de Estudios Atlánticos, t. XV111 (1972); l. Gomez Galtier: El genoves Francisco de
Lerca (Revista de historia canaria, t. XXiX íi9ó3j.
2 1. Economia e Stork (1 960) pp. 149- 172.
22. Op. cit. pp. 2 1 1 sq.
Castellanos, portugueses, italianos y otros pobladores ... 17
Tiene mas el dicho Bautista de Riberol casas e huertas e otras
faziendas gruesas.
Tiene mas Gironimo de Oredio casas e huertas e tiendas e otras
faziendas de mucho valor.
Tienen otros Ginoveses otras muchas faziendas gruesas de-mu-cho
valor.
Asi que valen a lo menos las faziendas que tienen los Ginoveses
en la dicha isla de Grand Canaria ... dos cuentos e seyscientos e se-senta
mil1 maravedis~.
11 n'en faut pas plus pour mettre en relief le caractere élitaire de
la présence des entrepreneurs capitalistes génois. 11 y avait aussi des
Lombards, des Florentina et d'autres Toscans, mais dans une posi-tion
moins frappante et enviable?'.
A c6te de quelques Francais, d'Allemands autour de I'entreprise
des Weizer a La Paima, de rares Caraians, ci'assez nombreux Níoris-cos
a Lanzarote, d'indigenes plus ou moins métissés, libres ou non,
de Noirs esclaves ou affranchis, le groupe d'immigrants de loin le
plus important est celui des Ca~t i l l a n s1~1 ~y .a vait parmi eux pas mal
de juifs et de nouveaux chrétiens; quelques Basques aussi. 11s ve-naient
dYAndalousiem, ais aussi d'autres régions, généralment mariti-mes,
du complexe politique castillan. M. Fernandez Armesto est d'a-vis
que beaucoup passérent en Amérique, de sorte que vers 1520 le
courant d'émigration vers I'archipel se tarit25.
L'auteur fournit d'utiles indications sur la densité du peuple-ment26.
Dans les environs de La Laguna, entre 1497 et 1525, 509 fa-negadas
-quelque 250 hectares- de terre sont entre las mains de
Portugais et 380 entre celles d'ltaliens. Les premiers, toutefois, em-ployaient
plus de main -dYoeuvre de meme provenance que les se-conds
qui, tres certainement, utilisaient aussi de la main- d'oeuvre
portugaise. Dans d'autres régions de Ténérife les proportions sont
fort différentes. Ainsi a Taoro il y a 14 fanegadas de Portugais contre
i5G ci'iiaiiens ei 206 de Basques. Des conciusions ciémographiques,
on le voit, sont impossibles sur cette base, meme lorsque a Icod et
Daute il y a 2.246 fanegadas de Portugais, contre 470 dYItaliens.E n
23. Femaiidc-z Aiiiíe~iüü. p. ~ i ip.. 23.
24. Ibid. p. 4 1.
25. lbid p. 46.
26. lbid. pp. 48-68.
18 Charles Verlinden
tout 6.855 fanegadas y ont été distribuées d'apris les Datas de Tene-rife,
total dont les Portugais sont fort loin de tenir 80°/o, taux auquel
L. de la Rosa a estimé leur présence dans le peuplementZ7.
Deux autres éléments encore sont mis en avant par notre auteur.
11 rappelle que M. A. Ladero QuesadaZ8 a estimé pour 1522 a entre
9.000 et 12.000 habitants la population totale de Tenerife sur la base
de la quantite de céréales requise pour l'alimenter. D'autre part, le
vecindario de 1514 donne 325 résidents pour La Laguna, tandis que
Alonso de Lugo prétend qu'en 15 17 il y en avait 600, ce qui donne-rait
un accroissement extrement rapide de 9 1,3% en trois a n ~ ! ~ ~ .
M. Aznar Vallejo signale d'abord, d'apres les archives du cabil- m -
do de Tenerfie, qu'en 15 13 la population guanche comptait 600 per- E
sonnes libres. D'autre part, l'inquisiteur de l'éveché donne 1.200 fa- O
milles aborigénes pour tout l'archipel en 150430,c e aui d'apres le n--
meme auteur permettrait d'admettre un chiffre de I 4.000 indigknes m
O
E
pour I'ensemble des illes. SE Parmi les conquistadores il est tres difficile, sinon impossible, -E
d'isoler le nombre de ceux qui resterent dans les iles de facon a en
modifier la démographie3'. Le pauplement initial fut incontestable- 3
ment dificile, car on constate que, trés t6t déja, les administrations
- -
0
m
locales insistent pour que le pouvoir central empeche le déplace- E
ment des colons d'une ile a l ' a ~ t r e ~O~n .e ssaye aussi d'attirer du O
peuplement forcé. L'auteur fixe l'attention sur un document de 1505 n
(4 aofit) analysé de la facon suivante par Francisco Morales Padrón -E
dans ({Canarias en el archivo de protocolos de se villa^^^: «Poder del a
2
Comendador Lope Sanchez de Valenzuela, capitan del Rey nuestro n
Señor, vecino de la ciudad de Baeza, a Alvaro Beltran, su mayordo- n
mo, vecino de la villa de Moguer, e a Anton Garcia, vecino de la O3
Ciudad de Cordoba, para que en su nombre puedan llevar e llevan,
ellos o qualquier dellos, a la Ysla de Grand Canaria ciertos onbres
27. Cf. ci-dessus n.8.
28. La economia de las islas Canarias a comienzos del siglo XVI (Anuario de Es-tudios
americanos, 1974).
29. Fernandez Armesto p. 67. Par erreur ce pourcentage est considéré comme
annuel a la n. 46.
30. Aznar: op. cit. p. 152.
31. Ibid. p. 153.
32. Ibid. p. 154.
33. Las Palmas 1961 -62, p. 88 n. 243.
Castellanos, portugueses, italianos y otros pobladores ... 19
que yo tengo cogidos para llevar a la dicha Ysla de Canana, e asy Ile-vados
los puedan compeler e apremiar que hagan e cunplan todo
aquello que son obligados a hazer en la dicha Ysla, segund e para lo
que los tengo cogidos, e sobre ello pueda fazer e faga todos los autos
e diligencias e requerimientos que yo mismo faría e fazer podría pre-sente
seyendo, e quand cunplido poder yo he e tengo». 11 s'agit d'en-rolements
forcés de Castillans de Moguer et Cordoue, saisis manu
militari pour etre embarqués pour la Grande Canarie. 11 est bien cer-tain
que de tels hommes devenaient généralement des résidents per-manents
puisque leur retour ne pouvait s'opérer que par la fuite. Ces
pratiques semblent s'itre continuées assez longuement, car en 15 16
on voit que le cabildo de Tenerife décide d'accorder un asiento a un
Génois pour qu'il am6ne dans I'ile de nouveaux colon^^^. Alonso de
Lugo déja avait eu recours a une politique d'importation de colons.
Dans la residencia que fit de son administration Lope de Sosa on
trouve que «dicho Adelantado a tenido mucho cuidado en traer 60-
bladores en esta isla ... e vadeava a los vecinos que venian a poblar,
de su propna hacienda, dandoles yeguas e potros e cabras y aun es-clavos
e... que a algunos de los que venian pagava los fletes»35.
Tous ces nouveaux venus, tant spontanés que forcés, étaient
beaucoup plus nombreux que les quelques conquistadores qui reste-rent
aprks la soumission de; les. Parmi 1 .O16 titulaires de reparti-mientos
figurant dansJes libros de datas de Tenerife, M. Aznar Va-llejo
compte que seulement 126 avaient pris part a la c o n q ~ e t e ~ ~ ,
c7est-a-dire I/8 du total, ce qui prouve le caractere tardif du peuple-ment.
D'ailleurs lors de la residencia de ]'Adelantado déja utilisée et
datée de 1509, un témoin qui reside depuis sept ans «a visto el creci-miento
e población de los dichos vecinos de la dicha isla (Tenerife),
e que acavada la conquista dende en tres años vino este testigo a esta
dicha isla y otra vez que puede aver los dichos siete años (=1502),
poco mas o menos; alló muy pcos vecinos y que en esto de la dicha
población el dicho Adelantado ponía mucho cuidado y trabajo, gas-tando
de sus bienes para los fazer asosegar e aficionar a los vecinos
34. E. Serra Ri fol~e t L. de la Rosa Acuerdos del cabildo de Tenerife, t 111
(1514-1518)(F. R. C. XIII) (La Laguna, 1965) p. 161.
35. L. de la Rosa et E. Serra Rafols: El adelantado D. Alonso de Lugo y
su residencia por Lope de Sosa (F. R. C. 111) (La Laguna, 1949), p. 58.
36. Op. cit. p. 154.
20 Charles Verlinden
que sosegasen y estoviesen en la dicha isla, lo qual aun hoy en dia lo
hace»37. Ce peuplement est celui qui compte.$Il est lent, mais conti-nu
et originaire évidemment avant tout d'Andalousie et d7Estrema-dure.
C'est lui qui forme le fond stable de la population, car ces gens
que l'on a dC attirer, n'ont pas, pour la plupart, sufisamment de
moyens pour émigrer plus loin,notamment en Amérique. Ce sont
eux qui sont l'élément déterminant de la castillanisation de la popu-lation
et qui font qu'il ne peut etre question, dans quelque sens que
ce soit, de condominum luso-espagnol. En effet, ce que l'on a appelé
beucoup plus tard aux Etats Unís le emelting pot» fonctionnait a
l'avantage de l'espagnol et les influences portugaises ne furent que ,,
secondaires, comparées a celles de la masse c a ~ t i l l a n eR~e~m. arquons D
E que M. Aznar ne fait pas ce genre de réflexions et n'essaye pas non
Y'&&!ir p ~ ~ r ~ e ~dt 'yeng~ee ~b!prc ur !es grcuprs ethfii- O
-
ques. Je crois cependant que, sur la base du fait linguistique et des =m
O
E diverses constatations auxquelles nous ont amené tant F. Fernandez E
Armesto que E. Aznar Vallejo, nous ne nous hasardons pas trop loin 2 E
si nous supposons que le groupe castillan -c'est-a-dire andalou, =
estremeño et meme basque, auquel il faut joindre évidemment les 3
nouveaux chrétiens de meme provenance, constituait au moins - - 0
75% de la population de l'archipel des le premier quart du XVIe si& m
E
cle. D'autre part, les 25% restant -ou meme moins- devaient etre O
formés de Portugais, d'Italiens, les premiers beaucoup plus nom-breux
que le seconds, de quelques Catalans, de Moriscos, d'indigenes n
-E
canariens, plus ou moins métissés, et d'esclaves noirs. a
Une remarque importante de E. Aznar Vallejo -certainement 2
n
fondée en considération des renseignementes, d'ailleurs pauvres, que 0
l'on peut tirer des registres paroissiaux- souligne que «en el desar- 3
rollo de la población tenia mayor importancia la immigracion que el O
crecimiento vege t a t ivo~S~i~tu.a tion caractéristique de tous les déve-ioppemeriis
initiaux des ciémographies ~oioniaiesp, ar suiie de ia iai-ble
présence des femmes durant les premieres décennies.
37. Residencia pp. 66 sq.
38. J. Perez Vidal: Esbozo de un estudio de la influencia portuguesa en la cultura
tradicional canana (Homenaje E. Serra Rafols, t. 1 (La Laguna, 1970) pp. 371 -390. Cf.
surtout p. 386: Desde el punto de vista semasiologico se observa, ante todo, que la
gran massa de seres e ideas preponderantes y mas corrientes se halla representada en
Canarias por voces castellanas».
39. Op. cit. p. 158.
Castellanos. portugueses, italianos y otros pobladores ... 2 1
Le travail de Francisca Moreno Fuentes: Repartimiento de
vecinos de La Laguna en 15 1 440 utilisé ar E. Aznar Vallejo, de me-me
que celui sur La tazmia de la isla de Tenerife en 1522 de la
meme histonenne, donnent comme chiffres totaux relativement surs
de la population pour 1552, 5386 habitants pour la capitale, 7220 en
1561 et 17.641 pour toute l'ile a la meme date". Ce dernier chiffre
fait apparat comme élevé celui proposé par M. A. Ladero Quesada4*,
soit 9.000 a 12.000 personnes, pour 1522. Pour les autres les on ne
dispose pas de chiffres comparables. Pour la répartition par groupes
ethniques E. Aznar Vallejo se base sur 80 testaments comportant
I'identification ethnique du testateur4'. Cela donne 40% de Portu-gais,
28,7596 d'originaires de territoires de la Couronne de Castille,
28,75% d'indigknes. L'impression generale que j'ai essayé de creer
quant a la démographie des groupes ethniques au débout de la colo-nisation,
en partant d'élément réunis par F. Femandez Armesto et
E. Aznar Vallejo lui-meme, ne permet pas de prendre cette évalua-tion
pour autre chose qu'un échantillonnage ne correspondant a au-cune
réalité d'ensemble. La prédominance absolue de la langue es-pagnole
et son adoption par tous, les autres groupes ethniques pre-sents
prouve jusqu'a l'évidence que l'hypothese formulée plus haut
de 75% de sujets castillans est modéree. Sans doute faut-il porter ce
chiffre plus haut des le milieu du siecle.
Le remarquable développement que M. Aznar Vallejo a consa-cré
a ce qu'il appelle la «proyección g e o g r a f i c a~p~e~rm et tout
d'abord de constater la rapide diminution de la population indigene
ou du moins sa castillanisation. En effet, les paroisses a base indigene
de Galdar et Telde reculent des la fin du XVe siecle au point de vue
démographique devant Las Palmas, essentiellement castillane. A no-ter
que, vers la fin du XVIe siecle, Las Palmas avait une population
qui montait a plus de la moitié du total de celle de toute l'ile45. Puis-sant
facteur de castillanisation évidemment, pour autant qu'il en fCt
encore besoin. 11 en est de meme a Tenerife oU La Laguna comptait
40. Anuario de Estudios Atlánticos, 1978.
4 1. Aznar op. cit. p. 159.
42. Cf. ci-dessus.
42. Op. cit. e. ióO.
44. Op. cit. pp. 161 - 167.
45. bid. p. 162.
Castellanos, portugueses, italianos y otros pobladores ... 23
tiellement sur la base de laur prédominance linguistique. Les 25%
restants n'ont fait que se rétrecir et ont donc cédé de plus en plus de
place a des Castillans toujours plus nombreux. Les Portugais comme
les Italiens ont été absorbés, de meme que les indigknes. Les Italiens
n'ont jamais constitué qu'une élite économique, assimilée par maria-ge
et naturalisation. Las Portugais, plus nombreux ne sont pas tous
restés. Le dosage basé sur des impressions d'ensemble auquel j'ai es-sayé
d'aboutir, de meme que le rythme que j'ai cru distinguer pour-ront
h e affinés par l'accumulation de plus de données créant des im-pressions
plus nuancées, mais il semble bien que le stade statistique
critiquement vérifiable ne sera jamais atteint. C'est pourquoi il est
évident que la recherche du pourcentage que représentent les divers
groupes ethniques dans I'ensemble de la population insulaire durant
les années qui suivent la conquete ne dépassera jamais le stade des
impressions toujours plus motivées et nuancées vers lequel pourra
+-*J..- 1- ..-nho-nho
LL. I IUIi~a i k b i i b i u i ~