LES CANAWIENS, COMPAGNONS DES PORTUGAIS
EN AMERIQUE. LEUR LECON
JOSE GENTIL DA SILVA
Au début du XVIe sikle, les Cauiaries offraient beaucoup de terrains
cultiver et les céduJas de reparbimiento de la fui du sikcle précédent montrent
17intér6t avec lequel on les peuplaitl. Les bras manquaient rendant nécessaire
la coiiaboration de «Guanches>~E,s pagnols et Portugais, plus quelques Gé-nois.
Pour supléer la pénurie des moyens de paiement, on pratiquait facile-ment
le troc; les promesses de paiement de sucre, de céréales, de Wail (dba-l
á~)l~es, t ransferts (trapaos) de ces avoirs animaient des éckmges et don-naient
lieu a des jeux de compensations entre créances diverses. 11 s'agissait a
la fin davantage de mobiliser l'épargne ou les gains des petites gens et des
ménages que de leur assurer des placements. Un monde terriblement ani-mé3.
Ne croyons suaout pas que dans la complicité dumotaire et des témoins
s'etaignest les tensions et s'efface l'esprit d'initiative. Faute de connaissances
sur les farnilles et leur type, la condition personnelle des colons et des culti-vateurs
ne suffit pas nous faire savoir quelles impulsions donnent a l'éco-nomie
leurs pratiques. 11 n'est pas question de voir ici comment ou dans que-lle
mesure grande propriété et petite exploitation usent les arnbitions des tra-
1. Cf. SERRA RAFOLS, Elías: Lar Datar de Tener+. Revista de Historia Canaria, 1959,
tome XXV, a. XXXII, n" 125.126, 127-128, pp. 254-269, ainsi que MORALES PADRON,
Francisco: El comercio Canario-americano. 5 ~ 1X0V~I, XVI I , XVI I I , %ville, 1955, p. 20 et s.
2. Cf. GENTIL DA SILVA, Jose: Ecbanges et froc L'exeníple des Canaries ou début du XVIe.
siécle. Annales, Economies. Sociétés. Civilisations, 1961, n" 5, pp. 1004101 1.
3. Peut-&re exaaement parce que la monnaie manque ce qui ernpéche les spéculations sur
les changa, 6. ARCILA FARIAS, Eduardo: Economia mlonial de Venewela. Mexim, 194¿, pp.
,a ,o r e r-L.,>- 2- T ---- c. ---- :- :--
1"- i J. LiC U&IUU uc I CIICI~IC aviilc lrnpsk ie sucre mmme moyen cie paiemenr er décrété une
arnende de 600 maravCdis A qui le refuserait: Fontes re- Canariowm, IV, La Laguna, 1949, p.
145. Cf. OTTE, Enrique: CanatiBs: Plaul bamiria europea en el siglo XV% IV Coloquio de Historia
Canarir hiricricana 1980, 1, Las Palmas, 1982, p. 157-173.
Les canariem, cootnpagnons des portugais 4
vdeurs4, éliminent les cdtivateurs et les terres, poussent au départ ceux qui
ont encore les moyens de s'endetter. Cela semble déterrniner plus fortement
Pémigration a des époques plus tardives; au XMe sikcle, les hommes et les
familles qui quittent les Canaries leur gagnent una réputation de sérieux5.
Aux premiers temps de la colonisation correspond a la fois une foae prtici-pation
au cornmerce atlantique et amkricain, interlope par la force des choses
et des rkglements depuis Philippe 11, et le développement d'aaivités qui font
des Antiiíes et du continent occidental le deuxieme.penaire commercial de
I'Europe, aprks PAsie, en attendant de prendre la premikre place et fmale-ment
ceiie qui est la sienne aujourd'hui dans les échanges mondiaux6.
Sous ces deux formes, commerce et production, ies Canaries ocmpent
dans I'histoire modeme une place trop mande pour +elle soit en propor-tion
avec leur population et leur richesse7. Cet exemple de ténacité d'une po-pulation
composite qui contribue activament a créer Péconomie atlantique
mérite réflexion. Du point de vue du cornmerce autant que de la produaion,
les Canariens sont en Arnérique les compagnons des Portugais -au leurs
complices dans leurs iles memes-, anonymes, semblables, confodus, ce qui
n'a rien d'étonnant au vu de la conquete et de la colonisation.
11 est vrai que les uns sont servis par un Etat, une politique, les autres
ne le sont @re, et YHistoire parle d'eux différemment, malgré les excellents
travaux des historiens canariens qui ont beaucoup fait afin qu'ils soient
mieux connus. Dans Jeur destin aussi, isleños et Portugais ont vécu autre-men:,
ces derniers étant caractérisés cornrne des marchands, certes excessi-vement,
les premiers, comme de braves travailleurs peu exigeants que par-
4. Cf. PERAZA DE AYALA, José: El contrato agrario y los censos en Canaria Anuario de
Historia de1 Derecho Espairol, 1955, XXV, p. 258-259.
5. Cf. RAMOS PEREZ, Dernetrio: Fases de !a emr&acio'n es paño!^ a Hispanoamérica en e/ sigo
XIX. Jahrbuch für Geschichte von Staat, Wiaschaft und.GeseUschaft Lateinamerikas. 1976, 13,
p. 165. HERNANDEZ GARCIA, Julio: Algwnos apdos de Ia em&rnnOn de l a irlas Camn'ru a
zYi~pa7~a.7:éKrrir: !a ~ep.?da.m itad I.Ir&b YLY (!&!O- !rP?S). !hd, p. 137-150, et b c~mmnnica-tion
de Lilian da Fonseca Salom2o a ce m h e colloque.
6. D'apres STEENSGAARD, Niels: Asian trode and ~vorIdm ar&. o r d e r~o f magnifnde in ibe
fong seuenfeenfh centuty. Actes du I= Colloque FrancePolonais d'Histoire, 11, Nice, 1982. Pour un
aspect de la concurrente entre l'Asie et l'hérique au service des puissances coloniales euro-péennes,
6. ALDEN, DauriI: Tbe grmtb and decline ofindigo prodwcrion in cohnial Brm2 A sfaaj in
comparative ecaomic bisfoty. The joumal of economic history, 1965, vol XXV, n" 1, pp. 35-60.
7. Cf. BRAUDEL, Fernand: La Méditerranée et le monde méditerranéen 2 Pepoque de PbiIipp II.
p d , 1947, P. 4 - 9 - rnn A:--: ru A T T X T T T n: r' '11. P A + I ~ A,.:., LLJ y +Y", .aiii>i qus L r i n u r l b , i irlir;. JS;, .~C rJirlu,ir6yxr ( ? 5%- ! O' "~yf " aD *d& -..-
infepréfafive. Tome VIII, 2, 1, París, 1959, p. 450, et, du meme, tome VII. Comfmdion grapbi-que,
París, 1957, pp. 64-65 et, surtout, 72-73.
5 &se Gentil da Siha
tout I'on attend ou Pon demande. Nous voudrions mettre en évidence ici la
richesse des interventions canariennes, leur compiicité étroite avec les Por-tugais,
le r6le douteux de PEtat dirigiste dans les économies et les sociétés
modernes, soit a propos de commerce, soit de production et emploi des
hornmes.
CANARIENS ET PORTUGAIS ENSEMBLE
STIMULENT LE COMMERCE ATLANTIQUE
Le Nouveau Monde prend deux sikcles pour-devenir ce grand partenai-re
commercial de PEurope et pour dépasser PAsie. Le départ est donné dans
les iles atlantiques et en particulier par les gens des Canaries et par les ports
isleños. La rkgle est fixée une fois pour toutes par Colomb lui meme qui, en
effet, part des Canaries, lui qui fit ses apprentissages portugais avec des nra-deimes8.
A la rigueur, il sacrifia a l'usage qui depuis longtexnps faisait des
Canaries I'avant-poste des découvertes d'lles nouvelles, quelle que fut la ver-sion
des deux couronnes, portugaise et castillane9.
Par la suite, plus que le commerce a longue distance de se1 ou de vin,
plus que la lente élaboration d'un marché mondial des textiles, la production
atlantique de sucre et son commerce ouvrent l'époque moderne. En effet si
ce n'est qu'a notre époque que I'industrie de I'alimentation prend la place in-mense
qu'est la sienne dans I'éconornie mondiale, la sucre en a été une gran-de
premiere. Le tour du monde de la canne a sucre se termine rapidement
grice aux gens de Madeira et des Canaries, au cours du XVIe sikcle. Des le
8. Cf. LE RIVEREND, Julio: Histoire éronomique de Cuba. La Havane, 1967, p. 27. Textes
dans Oewres de Cbristophe Coiomb présentées. traduites et annotées par CIORANESCU, Alexan-dre,
Paris, Gallimard, 1961, pp. 23, l'intention de Parniral; 30 et ss. sur les répaxations et les
transfonnations; la certitude de trouver «une autre caraveh dans I?le GrandeCanarie, 45; les
indignes des Lucayes comparts aux Canariens, 119; la comparaison du pays aussi avec Tenerife,
il est plus beau encore, 123; la distance des iles Carib ... aux Canaries, 155; le tout expédi.5 «en
vue des Iles Canariesn, 187; et encore, lors du troisihe voyage, sur les betes A prendre aux Ca-naries
p. 218; le nouveau départ des iies, 222, 230; les rkferences anciennes, 234; la necessit.5
d'hommes et le rappel du'sort des Canariens, d'autres rtférences aux Canaries, 251; puis le qua-trikme
dépaa, 269.
9. Cf. PEREZ EMBID, Florentino: Los descub~mimtoms el Atlántico basta el hafado de Torde-silh.
Seviila, 1948, p. 217; RUMEU DE ARMAS, Antonio: Epoh en al &ca afiánfica. Ma-drid,
1956; et, natureilement, MORALES PADRON. Francisco: El comercio canario-americano.
citC p. 13 et. s. Cf. LOBO CABRERA, Manuel: Rekraom mtn Gran Canaria, &wy
Amtn'cu a ha& & la hafa & h mgmr. ii Coloquio de Historia Canario-Americana (1977, Las
Palmas, 1979, pp. 75-98.
Les canariens, compagnms des portngair 6
sikc!e précedent les pays les plus habités et les plus urbanisés de l'Europe, les
Pays-Bas, la France, l'Itaiie, achktent leur sucrelO. Mais les iles doivent en
meme temps ravitailler les Antillas. Ferdinand le Cathoiique leur enjoint en
151 1, d'envoyer l'ile Española, du bétail et du fromage, ainsi que des fari-nes,
des sucres, du vin et des conserves, en sornme le nécessaire. Ce sera
fait ".
Nous savons parce que Francisco Morales Padrón nous l'a appris que
des Canaries arrivent au Nouveau Monde des plantes et des animaux que ce
grand continent avait ignorésl*. Ce n'est que sous Phiiippe 11 que ce com-merce
des Canaries avec 1'Amérique gene et est interdit en obéissance k une
politique dirigiste nouvelle13.1e prétexte ou la raison est qu'un grand norn-bre
de Portugais que ces trafícs intéressent, introduisent des marchandises
étrangkres. Entre autres, les actes des notaires et les registres de la Contrata-ción
ont gardé des vestiges de ce cornmerce avec Española, Nombre de Dios,
Santo Domingo, Puerto 13ico14.
11 est certain que les Portugais fraudent -et que cela arrange les isiet?o~-,
ils offrent des conditions de fret avantageuses, au grand dam des armateurs
et des chantiers navals de Guipúzcoa; en effet, les cargaisons, essentielle-ment
du vin et des merchandises canariennes, comprennent aussi fd portu-
@S, indiennes venant du Portugal, draps rouennais fabriqués k Paris, coute-llene
allemande, verrerie vénitienne, vaisselie génoise15. La complicité des
deux peuples est fmalement cette association dans la fraude, les islet?os utili-sant
les embarcations des Portugais qui annoncent leur départ pour Cap
Vert ou le Brksil et gagnent les Indes de Castilie. 11 y a mille mderes de
tromper la loit et le fisc qui, toutes, dénoncent la connivence des Canariens
et des ~ortugaisl<
10. Cf. notamment BERTIN, Jaques et al.: Ath des ~~~Ihrwrei>sn hs. París, 1971,15: C~umc
a ZUCTI, et le toujours beau livre de L I P P W , Edmund 0. von: HistOtia do q'car. Des& a
mois remota até o comefo da f&q& do & befmaba Trad. COUTINHO, Rodolfo. Río de Ja-n&,
1941-1942, VOL 2 en particuiier, p. 11 e SS. Cf. DENUCE, Jan: L'Ajiiue aw XVlc s. d k
mmmca mw5bir. Anvers, 1 937, p. 24.
11. D'aprts MORALES PADRON, Fraucisco: El comercio mmario-mmmcanoC. ite, p. 172. Cf.
LOBO CABRERA, Manuel: Gran Cm& e Indk barfa L creacih dc/ juez & ngaihnr, 1566. N
Coloquio de Historia Canario-Americana (1980), 1, Las Palmas, 1982, pp. 109-156.
12. MORALES PADRON, Francisco, op. cinf, passim.
13. Idem, Ibidcm, pp. 176-177, 281, et passim.
14. Idem, lb&> p. 320 et s.
15. Idem, Ibúicm, les cargaisons en 1551-1567, et p. 280-281.
16. Idem, Ibúim, p. 176, 281-282
7 Jose Gentil da Silva
Quoi qu'il en soit, en s'étendant, la révolution du sucre passe de Madei-ra,
des Canaries et de SZo Tomé, en Arnérique, vers 1565, Ies Franpis de
Rouen ont le choix entre la production de ces iles et aussi des Antilles (en
plus il est vrai, de celle de Berberie, ainsi que de telle autre venant de Lis-bonne
sans qu'il soit question de sucres brésiliens)17. En revanche, les Por-tugais
portent au Nouveau Monde la production isleña, vin, brai, que les en-genbos
du Brésil sucrier achkteront toujours aux canaries18.
Le vin des iles introduit en Amkrique des habitudes alimentaires euro-péennes,
mediterranéenny. Aw XWe et XWIIe sikcles, Peau-de-vie suit le
vinf9. Ce sont de grandes tendances d'une participation active au développe-meEt
des espzces at!,iyes cpe cc~?~p!&nth mu!tipks é ~ h r n g e sL~e~s .
iles demeurent une sorte de panier percé pour les autorités sévillanes qui leur m
D
reprochent notarnment de laisser passer a destination de Buenos Aires, donc E
de Potosi et Lima, des rnarchandises, des outils, que les Portugais disent ern- O
d barquer pour le ~ r é s i l ~Dla.n s le sens contraire encore, les Canaries aident a -
m
O
la contrebande, néerlandaise ou anglaise, par exemple de bois-brésil qui évite E
E
2 le Portugal et ses d o u a n e ~J~us~te. retour des choses, c'est par les Canaries E
qu'au XWe sikle le sucre brésilien gagne les pays- as^^. Naturellement
-
ceci gene beaucoup moins l'adrninistration sévillane que les trafics avec YA- 3
mérique espagnole: le commerce avec le Brésil est trks convenable pour les
- -
0
m
Canariens et doit leur suffire ou du moins te1 est Pavis a SévilleZ4. E
Mais non, bien que le Brésil soit déja un géant, les gens des iles rétor- O
quent que Pétroitesse de son marché ne satisfait pas les capacités marchandes n
de ~enerife'~c,e qui prouve plut6t que les intérkts portugais alliés des isleños a-E
2
n
17. Rapprt sur le commerce a Rouen, dans Archives Simón Ruiz, Valladolid, leg. 196, sec. n
n
N. Cf. sur les interdits portugais, FREDERIC, Mauro: Le Pottugais et PAthntique. Pds, 1960,
p. 287. Commentaire de Pydd de Laval, sur le sucre du Brksil vendu en France sous l'étiquette 3
O
de Madhre, Vyage ..., París. 1615,II, ch. XXVI.
18. Cf. par exemple, dans Docllmmtarpra a bhtória do q'car. 111, Rfo de Janeiro, 1963, p. 97
et. s., &j~/io de Mm de Si, en@ de Seqzipc do C&. 1569-1579, des évaluations de brai des Ca-naries,
p. 168 et 181 (1572-78), p 381 et 398 (1574-78).
19. D'aprh MORALES PADRON, Francisco: El mmemo canario-amen'c(u~oc, ite, p. 320 et s.,
p. 327 ei s. et, pour le XVIIIe s., p. 332 et s.
20. Cf. FREDERIC, Mauro: Le Portugal ef PAfiantique, cite, p. 287,364.
21. Selon MORALES PADRON, Francisco: El comercio canario-americano, cité, p. 287, 288,
306 ei passm.
22. Id. Ibidem, p. 288. Cf. FREDERIC, Mauro: Le Portugal et PAflantique, cite, p. 140, a pro-pos
du bois-brésil et de la contrebande anglaise.
23. FREDERIC, Mauro: Ibidm, p. 230.
24. Cf. MORALES PADRON, Francisco: Elcomercio canario-americmo, p. 306,309.
Les canariens, compagnom des portugais 8
n'entendaient pas se passer des trafics avec les possessionshispaniques. Ajou-tons
les complicités anglaises ou néerlandaises avec les Portugais et nous re-trouvons
le sens du duel entre Séville et les Canaries que Francisco Morales
Padrón a si parfaitement démontréZ6. Que dans I'échiquier portugais, les Ca-naries
soient une pittce importante, I'utilisation faite épisodiquement a I'épo-que
de ltnion des deux couronnes le démontre2'. Des chiffres témoignent
du fait que les Canaries comptent davantage dans le commerce de Funchal
que les Asores, le Brésil et les établissements portugais de 1 ' ~ f r i c p eE~t~ le. s
vins que les embarcarions portugaises portent en Guinée viennent des Cana-ries
aussiZ9.
Puis quand la guerre ravage les c6tes brésiliennes et menace d'asphyxie
le p a d e R-hia, i! n'y a par ~ G !Pes p f i s de Lirhnnne, Pcrtc et \&iza, Ma-deira
et Cap Vert qui sont alertés, le roi sollicite également les Canaries.
Apres que les deux pays soient a nouveau séparés, les bitiments poaugais
continuent naviguer entre l'archipei et le Nouveau Monde avec des mar-chandises
anglaises et néerlandaises, c'es: certain30. En compensation du vin
des Canaries arrive aussi a ~i sbonne~A' .u début du XVIIIe sittcle, le plus
haut responsable du commerce sévillan considere que ces lles sont i'entrepot
de toutes les nations européenne~~~.
Evidemrnent, la situation géographique meme oblige les navires et les
flottes a passer devant les Canaries, parfois a chercher refuge dans leurs
25. Id Ibidem, p. 288, 310.
26. Naturellement tout ceci se trouve dans son ouvrage, nous ne voulons qu'ajouter le róle
positive des Portugais et l'alliance entre eux et les Canariens, en dehors des prétenrions dirigistes
des deux couronnes forcées de s'adapter aux conditions intemationales, tout autant, il est vrai,
que les entreprises des deux pays.
27. Cf. notarnment, ROSA OLNEXA, Leopoldo de la: Catdogo de¿ Archivo Mxnikt$d de La
Lagxna. Revista de Historia Canaria, 1959, p. 245, (1 6 1 S), et Docymmtos v~hama~nmportxgxesd,
Lisbonne, 1960, n" 109, p. 468 (1622). Par les Canaries arrivent des infonnations sur les navires
m s » et corsaires.
28. Cf =EDEiÜC, ivíauro: úr "orixga~'e~i " A i q x eci,té , p. 496.
29. Id Ibúirm, pp. 357, 358, 359, 360.
30. Cf. Docymmtar xltrmarfarportwgxeses. N, Lisbonne, 1966, no 268, p. 563: In.rfrx@ secreta
para o mnde de Torre, D. Franristv rie Macadbar, capitrú, gnd.., sobre a gxerra do Brasil. (Madrid, du
21 juiliet de 1638). Cf. MORALES PADRON, Francisco: E¿ mm&o uu~~~rfo-amrnc~imté op,p .
288-289, Real Ceduia, du 14 novembre 1648, et p. 311 (1676).
31. Cf. RAU, Virgink SxbsUiiarpara o eshrdo do mmimto dosport01 de Faro e Lisk durante o
século XVIi. Anais da Academia portuguesa da Historia, 2e ser., vol. 5, Lisboa, 1954, p. 245.
Aussi des cérdes, pour iisibonne, SeNbai, AV&, Sati, d. ¿Oii¿, CABREM, Manuei: Proto-m
h de Abnro Gx- (1520- 152 1). La Laguna, 1979, p. 80,94,104.
32. Cf. MORALES PADRON, Francisco: E¿ mmerao ranarfo-azmfm, cité p. 313.
9 Jose Gentil da Silva
ports33. Mais ce n7est que détaii: l'ailiance Canario-Portugaise, avec ses con-séquences
qui contrarient la politique castillane, a une signification profonde
dans la lutte qui oppose les peuples européens au régirne de monopole. Cer-tes
tous ces peuples n'ont pas les memes motivations, mais ils oeuvrent en-semble
contre le dirigisme de 17Etat espagnol, en attendant de tomber dans
celui des grands groupes d'intérets et de pression internationaux.
CANARIENS ET PORTUGAIS
OU LA DUFFICULTE D'ETRE ENTREPRENANT
Ce sont les pratiques des Canariens et des Poaugais, ces compiices de la
fraude, ces compagnons des migrations atlantiques, qui nous intéressent ici.
Nous avons évoqué la grande düférence qui les sépare: les Poaugais sont a p
puyés par leur couronne (moins spt5cifiquement de 1580 a 1640, peut-on
prétendre), tandis que les Canariens sont les sujets peu respeaueux d'un Etat
qui a réglé le commerce arnéricain contre eux et en faveur de Séville. 11 n'en
demeure pas moins que cene relation Natiodtat fait problbe dans PHis-toire,
probkme qui peut etre paaiculikrement étudié h propos de ces épo-ques
qui voient poindre l'Etat national en Europe.
Ceci n'a rien de simple. Que ce soit en Asie ou en Amérique, les Portu-gais
agissent trks souvent h la lisiere des positions étatiques sinon a leur exté-rieur
et contre elles. Cela s'appelíe contrebande, corruption, faqons de parler
légalistes. En Afrique aussi ou, meme, en Europe, dans le roy'aunne, les Por-tugais
ne respecterent pas systématiquement l'intéret national, h quelques ex-ceptions
prks, trks honorables et notables peut-etre au XIXe sikcle. Qui plus
est, la politique de la couronne, l'action des responsables et la doctrine des
«par&», tout a été paaagé entre la suivisme imposé par les puissances (ou si
l'on veut, l'influence des conjonctures) et l'affirmation des intérets natio-f
l z~sr,= emefifit et f&!ement e x n r ; m i s i rixisi .-si .-A+ A 1'P---.-a A-n e-:- A' A y I X I I n C b , yuL Lb U V I C Lí 1 CipyUL Ulr3 IU13 U 11-
vis, h celle du marquis de Pombal, ou au XIXe siecle, par traditionalistes et
dibéraum.
A cela il y avait des raisons; si PEtat poaugais est Itn des prerniers en
date du continent européen, il a du infléchir souvent des orientations natio-
33. mxr, U. ?.AV, Virgiria e: &?MES YA 8LVA, Maíh Feriiail& GJ m~~nysrnfios
do Arqniuo da Caco de Cadaval respeituntes ao B r d . 11, Coimbra, 1958, p. 238, n" 328, ainsi que
toute ia litterature sur les ((arribadas maliciosasx, notamment, ARCILA FARIAS, ]Eduardo: Eco-mmia
mIoniuL de Vmcz~(eJac,i té pp. 65, 67, 134.
Les canariens, compagnons des porfngais 1 0
nales, en sacrifiant a des modeles étrangers dont des calculs cornmandés par
des intérets irnrnédiats (souvent mal eitendus))), semblent irré~istibles~~.
L'engagement en Afrique avait été en quelque sorte une fuite en avant dans
le dessein d'éviter le guépier que reprtsentait pour la couronne portugaise le
duel entre les puissances eur~pé enne sC~e~t .e ngagement, sans les évéments
malheureux qui ont condamné le roi Sebastigo aupres des historiens, ettt
changk le cours de l'Histoire. La Nation ne s'y trompait pas. De toute évi-dence
ce n'est pas ce que les Britanniques ou les <dillemands» pensaient de
leurs intérets propres, impériaux, 2 l'époque bourgeoise, qui a motivé les
Portugais (ou les Canariens) du XVIe siecle. Beaucoup d'historiens prati-quent
l'anachronisme.
La Nation se trouva amputée par l'exclusion des PortuMs de confes-
D
sion juive. L'établissement de rapports capitalistes de production n'a pas atti-ré
les Poaugais qui au salariat préférerent toutes sortes d'initiatives et d'en- E
treprises farniliales (celles des soi-disant grands marchands) ou individuelles m
(hornmes d'affaires qui disposent des fonds que leur mesurent ces grands
marchands, négociants itinérants, marcates, pombeiros). En quete d'interlocu-teurs,
ils tentent de sortir des schémas «italiens» ou méditerranéens, sont
contrés par l'Islam, puis par les compagmes capitalistes du Nord-ouest euro- $
péen. --
0
Les gens des Canaries sont de ces interlocuteurs sur qui Pon peut comp
ter; au vrai, ils le sont dans les iles, beaucoup moins dans les territoires por- E
tugais. En effet, les Portugais tellement a I'aise chez les autres deviennent E
mesquins chez eux. 11s connaissent leurs faiblesses, i l'époque ils sont peu
nombreux. Vers la fui du XVe siecle, 2 Madeira par exemple, les noirs leur
font peur, on en voit, trop et le roi hesite en faire rapatrier certains de ses su-jets,
redoutant des soulkvements et la subversion qui ~nenace~~.
Quant aux Canariens, quels qu'ils soient, esclaves ou libres, les premiers
étant de toute évidence des aGuanches», leur expulsicm a été décidée i plu-sieurs
repfises jusqu'au debut & xTvT' si&le, faute &-ir &e jaITiSsS -dvie
d'efkt37. Les fabriq-ts de sucre s'en trouvaient protégées; le roi lui-meme
34. Eixpressions prisses CHANIER, Paul: A propar & dcux onurages. Unc S&@ CCwMmiqnc,
+cl/el. Nice-Matin, 21 juin 1982, p. 17.
35. Qu'il nous soit p-S de renvoyer Hutoin maritimc dw Portugai~ (sous presse).
2~ PC X I A N ~ N T D P - D ~A I T ~ T TOT rlrlrrnr .. ,;,A , A-.,,., . AA,, A..-..,;.,~ lri.+r(ficfi
a". u. LlLVI. IW.LN.\V i..IU"YI> YLY."~. ."" ",& .,,," "7".li ... y-.- --"------
da Madeira, 1960-1961, VOL XII, p. 93 et s.
37. Id I*, p. 93-94.
11 /ose Gentil da Sj¿va
éditait des dérogations. Cependant, les citoyens de Funchal qui en 1505 dis-cutent
de la question s'expriment encore pour l'expulsion de tous les Cana-rias
libres, les esclaves devant seuls demeurer dans l'ile, au risque d'avoir a
répondre de leurs méfait~~~.
Or aux Canaries les Poaugais se trouvaient bien; tres nombreux a s'éta-blir,
ils avaient remplacé les indigknes et ne les estimaient gukre39, les soup
connant de persister dans leurs errements et d'etre de mauvais chrétiens.
Certains travaillaient a la fabrication ou au raffinage de sucre, d'autres s'é-taient
vu attribuer des terres, posédaient des fermes, des immeubles, étaient
éleveurs; au XVIIe siecle il y en a toujours qui disposent de terres et de biens
ou négocient40.
Le fait est qu'a propos de i'action islena en Amérique et entre autres, de
l'introduction de la canne i sucre, les indications concernent les Canaries
plut6t que les Canariens. Nous ne discuterons pas si l'Espaiiola reqit la can-ne
de Parchipel ou de lyEspagne; elle ne devait pas partir de Madeira. Peut-ktre
des appoas canariens successifs précédkrent les premiers ingenios4'. Mais
les maestros de awcar engagés aux Canaries pour le premier tragibe de San
Domingo, qui étaient-il~?~Q~u.' importe, les possessions castillanes, par
exemple, l'Espafiola, ne pouvaient demander des maestros de ytagenios qu'au
gouverneur «des iles de la Grand Canaria», fussent-ils Canariens, Portugais
ou, pourquoi pas, ~ é n o i s ~ ~ .
38. Id. Ibidem, p. 94.
39. Cf. SERRA RAFOLS, Eiías: Los úuimos canarios. Revista de Historia canaria, 1959, p.
15 (texte de 1502).
40. Cf. SERRA RAFOLS, Eiías: Lar Data de T d e , cité pp. 259-260, n" 125-6, 127-8, et
ROSA OLIVERA, Leopldo de la.: Catúiogo, cité p. 250,251. Cf. GUIMERA RAVINA, Agus-tfn:
W repartimimto de Daute (Tenmjce), 1498- 1529. 111 Coloquio de Historia Canario-Americana,
1978,I. Las Palmas, 1980, pp. 113-158.
41. Cf. FERNANDEZ DE OVIEDO, Gonzalo: Historiagmerdy Nafuraf de fas India, Islay
Tierra Firme del Mar Ocho (15461, p t 1, livre 4, ch. VIJi, cite par ORTIZ, Fernando: Contra-punteo
mbano del tabmy el apícar. Aduerfmn'a de sus contrates agarios, económicos, bistórimsy sm'aies, su
etnqofía y su trm~(mituran'ónL. a Havane, 1963, p. 342, et WRIGHT, Irene A.: Dmmmts. T k
commcrcemmt 4 t h cane sugar industry in America, 1519- 1538 (1563). The American historial re-view,
1916, vol. XXI, n" 4, p. 755. Cf. RnTEREND, Julio Le.: HUtoire émmiqut de Cuba, cite,
p. 109.
42. Tout comme ceux qui étaient venus A Cuba, d'aprks Oviedo, il s'agissait de Canariens, ou
de gens venant des Canaries, 6.S ANDOVAL, Fernando B.: La industria del azríc~yrm Nucua Es-pak.
México, 1951, p. 13, et. WRIGHT, 1. A.: Do~umf sc,i té p. 757.
43. Cf. WRIGHT, 1. A.: Dmments, cité p. 757, et ORTIZ, Fernando: Cotttrapunto mbmo del
tabmy el azrícar, cite, p. 41 1.
Les cananins, compagnom des portugais 12
Quoi qu'il en soit, le nombre des établisse,ments grmdit et leur produc-tion
gagne PEspagne; la qualité s'méliore, cenes, il faut du h n matériel,
des 3rma.r d'Aveiro (Portugal), considérées les rneilleure~~A~u. début du
XWe siecle encore, un natif de Madeira, Antonio de Matos, se distingue a
i'époque oh la couronne concede des p r h a partager entre ingenios et trapi-c
h e ~L~e~ v.o lume de la production atteint 55.505 arrobes, ce qui de toute
manikre aucune comparaison avec ce que le Brésil ~ ue xt ~ o r t e rM~ ~ai.s le
Brésil n'est-il pas aussi client des Canaries?.
Ce son-t. p récisément les impulsions dues aux juifs brésiliens qui relan-cent
encore cette procuaion amé r i~a ine~C~et.t e révolution de la douceur
avec ce qu'elle a jouté a la suralimentation de certains européens, se pour-suit.
Des qumtités croissantes de sucre pamiennent en Europe parce que
i'on utilise de la canne plus riche en sacchorose, de meilieur rendement, de-masidant
moins de travail. Les centres producteurs se multiplient a la Haba-na
(Cuba), Spanish Town ('Jamaica), San Domingo (Espaiíola), Basse Terre
(Guadeloupe), Roseau (Dominicana), Foa des Franpis (Martinique), Cas-tries
(St. Lucia), Bridge Town (Barbados), Kingstown (St. Vincent), Port of
Spain ( ~ r u i i d a d )L~e~s .h ispaniques ont perdu la partie en excluant les Cana-riens
et leurs alliés.
44. Les ~ecinosu¿ la Habana, le 14 juillet 1596 et le 1 aoút 1597, A propos de grandes récoltes
prévues, constatent qu'il «nos faltan dos cosas principales que son calderas de cobre y formas de
barro porque en la isia no lo hay ni quien lo sepa hacer y el barro para las formas es tan ruin que
todas se quiebran y el capitán Juan Rodrfguez Qumtero ha concertado con nosotros de traer a la
ci~dady &a nosotros, dentro de ocho meses cincuenta mil formas de las de Abero del reino de
Portugai que son las mejores que se hacen y de donde se proveen de ell& en las islas de Canarias
y en la isla de Madera y otras partes adonde se fabrica el dicho azúcar porque no las hay ni se ha-cen
en Castilla ni en las dichas islas que sean de provecho», mais le capitaine ne veut pas passer
par Seville. Cf. WRIGHT, Irene A.:B estabhcimimfo de la indumia azucarera en Cuba. La Reforma
social (La Havane), 19 16, vol. W , no 1, p. 37.
45. «Casado con natural y tiene casa propia». Cf. WRIGHT, 1. A.: El cstabLecimiento de la in-
&a azwurera. .., cité, p. 42. RIVEREh13, JuBo Le: Histoire émmique de Cuba, cité, p. 11 1; ain-si
que ORTIZ, Fernando: Confr~buntcocu bano. cité pp. 442-3, 449.
46. RIVEREND, Julio Le: Hütoire immique de Cuba, cité, p. 112, vers 1620; mais en 1670,
les expoaations atteignent 80.000 arrobes. A propos du Brksil, d. FREDERIC, Mauro: Le Por-tugal
ef I'Athtique, cité, p. 23 et s. Au debut du XWe siécle, ie 1.000.000 d'arrobes avait été
largement dépasse, tan& que la prduction de Madere avait renile aprks !es 200.000 de 1574,
les Asores demeuraient beaucoup en dessous et St. Thomas exportiit 100.000 m b e s a destina-tion
d' Anvers en 1554 d+.
47. Cf. ORTIZ, Fernando: Contrapunteo nrhno, cite, p. 341, VON LIPPMANN, Edmund,
O.: =tO,?'a dc &ar, e&. &se, 9, p. 114, ef CA-NARR-AVA, Alice P.: A indufria do q ' u r nar il-bar
inglesas efian~sard o mar dar Ant ihs (1697- 1755), Sáo Paulo, Thkse, 1946, p. 11 et s., p. 14,
note 46 (d'aprh J. B. Labat).
Encore devant les menaces portées contre la Jamaica espagnole, les Ca-nariens
«travailleurs et utilesn étaient apparus comme lknique possibiiite de
salut. L'Etat espagnol ne disposait cependant pas des moyen< indispensables
pour réunir la flotte nécessaire a leur t r a n s ~ ~ o r1t1~ n~'a . p as su encadrer les
initiatives ou n'a pas voulu considérer l'ensemble des intédts nationaux,
dans leurs alliances complexes. D'autres font venir ces travaiileurs qui ne
mesurent pas leur travail ni leur peine. Des formes d'Etat différentes laissent
des groupes d'intérkts «imrnédiats» calculer l'action economique et engager
les travailleurs les plus rentables, les moins rétribués, prets a payer leur dé-placement
sur leurs gages fiiturs, irlandais ou is~eñm~*D. es cornpagnies que
le profit seul détermine ne s'embarassent @re de l'intéret des homrnes, de
leur avenir, des difficiles calculs aiixquels sont condamnés les Etats dirigistes
de Ia péninsule. Le travail du sucre, celui des chemins de fer qui deviennent
nécessaires, augmentent encore la peine des travailleurs pour que les profits
grandissent51.
BILAN
Certes, les Portugais font par la suite des choix qui ne sont pas toujours
permis aux Canariens, ils cherchent a émigrer vers les villes, brésiliennes ou
d'Amérique du Nord, tout en acceptant d'ktre jardiniers, plutOt negociants,
internédiares dont les Anglo-Saxons eux-memes utiiisent Ia rage de vivre ou
de survivre. Aux Canariens est demandé toujours'de se dévouer poirr rem-placer
les esclaves. 11s ne seront pas les se&, mais sur eux on peut toujours
48. D'apres Ed. VON LIPPMANN, O.: Op. Cit., 11, p. 113, et SS.; et CANABRAVA, A.
P.: A indústria do a@car nas ihas inglesas e francesas do mar das Antihas, citt, p. 2. et SS., p.
25, p. 30. Cepmdant, dans les Barbades et en Jamaique, les techniciens cubains .défouvrent une
produaion que l'esclavage maintient en retad relativement méme A celle de leur ile et qui ne '
gagne rien aux pmgrks anglais, ceci indiqué par MORENO FRAGINAL. Manuel: El ingenio.
El mapI+o etdómim s0c1'd cwbano del dw, 1, 1760-1860, La Havane, 1964, p. 23 (en 1794) a
deja afirmk par CANABRAVA A. P.: Op. cit., p. 74.
49. D'aprks MORALES PADRON, Francisco,]amaica esplñoh. Séville, 1952, p. 373. Sur
cette incapacite 6. aussi, FERRAND DE ALMEIDA, Luis: A dipIomMaprfugucsa e os Emites
meridi~naid~o Brani, 1 (1493-1700), Coirnbra, 1957, p. 508 (1687).
z n f. pvfoncx~EnD A P T X - A ~ EC x a 1. E? :---A -LA
JV. RL~LYV I I\IIULL\-W, I I I ~LUGI .w ~ ~ I uI II=~,p . ,1 46147.
51. Cf. ORTIZ, Fernando: Cmtirapnnteo cubano, citt, p. 521 et s., Ed. VON LIPPMANN,
O.: HistDn'a do afúmr. 11, p. 299 et s., VILLENEUVE, Roland: Contrün/fim 2 PhLrtoire dn snme de
bctteraw et de son fmcpmmt en Frma pmdmt la pnmiire moifii ¿u XIXc ~iicle( 1806- 18481, thkse,
Paris, s.d.
Les canariens, compagnons des portugais 1'4
compter, y compris au Bresil, les historiens brésiliens le savent et nous I'ap
prennent. Par leur choix de vie urbaine, les Portugais se voient refuser les
régions hispaniques ou leur commerce ne reviendra que beaucoup plus tard,
avec leur indépendance.
Le biIan sur les connivences entre Canariens et Portugais compte
moins en ce qui concerne leurs avantages y compris d'un point de vue maté-riel,
que en relation a cette révolution menée par l'introduai~n en Amérique
des habitudes de consommation méditerranéennes et européennes et par la
création d'un puissant moteur qui change ces habitudes de consommation en
Europe meme, boulwerse les rapports de. force entre les continents. A la
suite, Papport de la production sucrikre antilíaise et américaine, aprks que
Canariens et Portupis ensemble aient fait compléter son tour du monde a la
canne sucre, suscite une autre révolution, celle qui avec le sucre de bettera-ve
coxeme les paysans du continent européen.
A tout cela les Etats ont participé maigrement. Leur dirigisme en pé-ninsule
ibérique leur a interdit de mesurer toute l'arnpleur des initiatives et
des imovations isiegus et portugaises. Le compagnies dont les calculs sont
cornmandés par des «intérSts» i courte vue mknent k des erreurs que lui
meme, Adam Smith a condamnées, a des résultats que les économistes dé-noncent
aujourd'hui, en refusant que Péconomique soit une (hypocrisie so-cialement
nécessairen. Peut-&re ce bilan plaide-t-il surtout pour cette inno-vation
que les sociétés et les Etats condamnent facilement tout en la récla-mant.
Canariens et Portugais, compagnons en Amérique, ont donné ensem-ble
la preuve de combien I'invention et la pratique économique peuvent
changer des habitudes parmi les plus conservatrices, celles qui concernent
l'alirnentation. 11s ont expérimenté comrnent cela est et s'ils ont réus-si
ce n'est pas néccessairement en leur propre bénéfice. Mais cela est une au-tre
histoire qui releve des motivations des homrnes, ce grand sujet.