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983 LE SYSTÈME PORTUAIRE MAROCAIN ET L’ATLANTIQUE À L’ÈPOQUE MODERNE AUX XVIIE ET XVIIIE SIÈCLES Leila Maziane Au cours du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle, il est possible d’invoquer tout un foisonnement de villes portuaires marocaines dont le destin est intimement lié à l’espace atlantique. La crise du commerce saharien et l’instabilité politique du Maroc avaient fait de l’ouverture sur l’économie atlantique une nouvelle réalité pour ses régions côtières. L’effacement progressif de la présence portugaise sur le littoral atlantique marocain à partir du milieu du XVIe siècle va libérer ses potentialités maritimes. Le Maroc peut ainsi disposer de toute une série de ports qui ont des caractéristiques qui leur sont propres et les activités qui en découlent s’insèrent dans des réseaux bien définis. C’est donc l’ensemble des réseaux de relations reliant ces différents ports à leurs hinterlands et surtout à leurs forelands qui définissent leur caractère voire aussi leur fonction et qui influent profondément sur la vie institutionnelle, sociale et culturelle des ces espaces ouverts. Ces mêmes composantes cherchent à s’équilibrer, l’une réagissant sur l’autre, car il est possible de classer ces ports atlantiques selon leur fonction dominante, ce qui nous permet d’opérer d’utiles comparaisons, même si certaines places portuaires remplissent des fonctions multiples. Certaines sont intimement liées à d’autres parties du monde atlantique. C’est le cas de Salé au cours du XVIIe et du XVIIIe siècles à travers la course et le commerce et dont le rayonnement maritime a été conditionné par tout un faisceau de relations de mer qui varient non seulement en fonction de l’arrière-pays et des activités du port, mais aussi en fonction d’une conjoncture extérieure changeante. Ce sera le cas aussi de Mogador et de Safi dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. D’autres places restent avant tout les satellites des principaux ports. C’est le cas de La Mamora, Larache, Arcila ou encore Fedala et Sainte-Croix réduits dès la fin du XVIIe siècle à des ports de seconde zone. Dans le présent texte, nous allons donc essayer d’appréhender l’évolution du système portuaire marocain à travers l’activité maritime intensifiée de certains ports du littoral atlantique du Maroc moderne. L’accent sera essentiellement mis sur le port de Salé mais aussi sur les petits ports évoluant dans l’orbite de cette grande ville maritime et dont la fonction reste foncièrement liée à la course, au cabotage et au commerce. LE SYSTEME PORTUAIRE MAROCAIN L’étude du système portuaire marocain au XVIIe siècle induit l’analyse de plusieurs aspects, dont l’interaction dynamique constitue la clé explicative de la forme, de l’extension et de l’évolution des villes portuaires du Maroc moderne.1 Pour ce faire, nous nous arrêterons de près sur ces différents éléments, à savoir les facteurs, les différentes fonctions des ports pendant la période qui nous intéresse et sur les résultats de leur spécialisation. Cette approche nous permettra certes d’intégrer les entités portuaires dans un tout cohérent et appréhensible, avec ses éléments, ses attributs et ses relations, ce qui établit une hiérarchie aussi bien dans le système portuaire que dans l’esquisse des différents sous-systèmes. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 984 Dans un premier temps, une attention particulière sera accordée aux facteurs qui ont conditionné le développement du système portuaire marocain au XVIIe siècle, car chaque période historique d’un système portuaire déterminé possède des facteurs, des fonctions et des résultats différents, par exemple, le Salé corsaire du XVIIe-XVIIIe siècles n’est pas le Salé du XIXe siècle. Les facteurs sont divers et sont d’ordre géographique, institutionnel, économique, technique et socio culturel. Salé aux XVIIe et XVIIIe siècles, ou les facteurs d’une ascension à l’américaine De par sa position géographique et les activités engendrées par l’armement en course et par le commerce, Salé est devenu dès le début du XVIIe siècle la place portuaire la plus importante du Maroc. Il remplissait la fonction de gateway ou «porte principale» d’un arrière-pays délimité et disposait d’un ensemble de caractéristiques qui lui étaient propres, du coup la vie politique, économique, sociale et culturelle s’en trouvaient profondément imprégnée. Qu’en est-il exactement? Parmi les facteurs de cette ascension, il y a d’abord la part de l’espace qui reste très importante pour comprendre le développement du système portuaire marocain. Le facteur géographique nous invite en effet à analyser d’abord la situation du site de Salé avec ses caractéristiques aussi bien nautiques que terrestres, ses voies de communication ainsi que ses ressources naturelles et humaines. Salé est situé sur la côte atlantique du Maroc, à 50 lieues au sud du détroit de Gibraltar. Il s’étend sur la rive gauche de la rivière du Bu-Regreg, escarpée à 30 mètres au dessus du niveau de mer. Malgré certaines apparences, la côte reste défavorable à la navigation et souffre de cet inconvénient naturel qui accentue la précarité de l’accès aux ports. Elle est assaillie par d’énormes houles, les baies abritées y sont quasi-absentes. L’un des premiers facteurs qui intervient dans le régime de la navigation, c’est bien la houle, menaçante dès fin septembre ou courant octobre, comme le laisse entendre le chevalier Isaac de Razilly qui, à la suite d'un long et vain blocus, où il perdit force, ancres et câbles sur la rade de Salé, justifiait son départ par le fait que la côte “ne vault [valait] rien”.2 Il y a ensuite l'alluvionnement marin et fluvial, qui intervient dans son blocage, par la création d’une forte barre variable selon l’amplitude de la marée et la force du vent et qui rend extrêmement dangereux l'accès au port, surtout en hiver.3 L'épaisseur de cette couche de sable n'est nulle part inférieure à 7m et dépasse parfois 11m dans les parties qui assèchent à basse mer. Néanmoins, les courants creusent un ou plusieurs chenaux où la houle à tendance à être moins dure en raison de la grande profondeur. Ces chenaux n'acquièrent de stabilité relative que pendant la belle saison favorable à l'activité maritime.4 La barre ne pouvait être franchie qu’à marée haute et seulement par de petits bâtiments ayant un faible tirant d’eau, menés par des marins expérimentés capables d’emprunter ces chenaux instables. Outre la houle et la marée, le vent et la fréquence des brumes régissent également le régime de navigation qui reste difficile, souvent impossible pendant plusieurs semaines.5 Mais, la multiplicité des handicaps naturels de la côte salétine ne semble pas avoir empêché navigateurs et marchands d’y accéder dès la plus haute antiquité, car, les risques du mouillage une fois surmontés, l'accès vers l'arrière-pays ne rencontre plus de difficultés majeures. Salé fait partie de la riche province de Fès où une collaboration assez forte s’est tissée entre la vie maritime et l’économie relative aux fertiles plaines atlantiques. Celles-ci furent souvent l’objet de descriptions élogieuses de la plupart des voyageurs qui ont visité la contrée, comme Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 985 Léon l’Africain qui, vers le début du XVIe siècle, vantait longuement les champs et les vergers de la région salétine, l'abondance de ses eaux et l'importance de leurs marchés pour le commerce régional et avec l'Europe. Prospérité et abondance attestées aussi bien par Marmol à la fin du siècle que par le Père Dominique Busnot au début du XVIIIe siècle. Confirmant les témoignages textuels, les sources iconographiques permettent, elles aussi, d'entrevoir ce visage terrien du Salé maritime. Non seulement l'importance de l'espace vert et l'extension des espaces cultivés assurent le ravitaillement permanent de la ville et de son “Arrabal”,6 mais elles traduisent également le rayonnement économique, qui fît de Salé un grand centre commercial à l’époque moderne. Plan du port de Salé. Bibliothèque Nationale de France. La région régréguienne est adossée à de vastes étendues boisées. Le royaume de Fès possède des réserves forestières assez importantes qui s'étendent, au nord et à l'est, sur plus de 300.000 ha. Salé trouve son bois dans la forêt de la Mamora qui fournit épisodiquement de gros marchés de chêne-liège, de cèdre, frêne et sapin. D'après l’ambassadeur français Pidou de Saint-Olon, qui visita la contrée vers 1693, les larges coupes effectuées tout au long du XVIIe siècle prenaient directement le chemin du chantier naval de Salé pour monter les coques des navires corsaires: “Sur ses bords (fleuve de Sebou) au dessus de la Mamorre une grande forest, qui peut fournir à la construction de quantité de vaisseaux”.7 Nous lisons encore, dans un document de 1808, que le raïs Ben L’asri reçut l'ordre de couper le bois nécessaire pour la construction de trois frégates.8 Les navires corsaires sont fabriqués avec du chêne-liège,9 bois excellent, dont est faite la coque des navires. On le voit, le bilan des facteurs géographiques pouvant expliquer la fortune du Salé corsaire reste pour le moins mitigé. Car malgré le caractère dangereux des approches maritimes du site et les inconvénients croissants d'un port inaccessible aux navires de fort XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 986 tonnage, l'essor de Salé s'explique pour une partie par la valorisation par les hommes d'un certain nombre de conditions naturelles favorables. Ces atouts bien réels n'ont pu peser qu'en fonction de la capacité des hommes à les valoriser. Derrière la grandeur de Salé, patente dès le début du XVIIe siècle, il y a les Salétins ou plutôt les “Nouveaux-Salétins”. Qui sont ils? Le rôle joué par les étrangers fut primordial dans l’épanouissement maritime de la cité portuaire Salétine. Il s’agit dans un premier temps des Hornacheros et des Morisques chassés d’Espagne. Selon l'historien canarien Luis Alberto Anaya, Salé aurait accueilli à lui seul 3.000 Hornacheros et environ 10.000 Andalous.10 Ils trouvèrent là, à cinquante lieues de Gibraltar, le point idéal d’où partirait leur vengeance. L’attachement à la patrie perdue explique leurs visées politiques, militaires et économiques, qui prirent la forme d’une active guerre de course, car, dès leur installation sur la rive sud du Bû-Regreg, les nouveaux Salétins se lancèrent sans merci dans l'armement des navires, en organisant et commandant eux mêmes des opérations visant, dans un premier temps, les intérêts espagnols et par la suite l'ensemble des intérêts des puissances maritimes européennes. Les revenus de la douane ainsi que le décime du butin corsaire alimentaient les finances. Salé devint incontestablement le grand boulevard de la course. Ses corsaires sont partout et rabattent vers le port marocain captifs et marchandises.11 Mais, les Morisques ne furent pas les seuls à assurer le commandement des navires, cette tâche fut également assurée par les renégats. En effet, la première moitié du XVIIe siècle, marquée par des conflits religieux en Europe, conduit les plus audacieux à tenter la fortune sous les cieux barbaresques. Les promesses de butin de la course et ses campagnes aventureuses ne manquent pas d'attirer nombre de ces bannis, rebelles et déclassés qu'on appelle communément les renégats et qui espéraient trouver ainsi une solution à leurs problèmes quels que pussent être les risques encourus.12 Ils disposaient d’un savoir faire qui permit aux Barbaresques de transformer leurs techniques de navigation, en particulier dans la guerre de course. Salé est l'un des points vers lequel vont converger ces hommes, aventuriers dans l'âme. Aussi à l'aise les armes à la main sur le pont d'un navire, à l'attaque ou aux razzias, ils utilisent ce port corsaire comme une base logistique qui leur permit de porter les coups les plus sévères à la marine marchande européenne. Ce sont bien les Hollandais qui seront les instigateurs de la navigation à voile au détriment, du moins en partie, de la navigation traditionnelle, car les Salétins par exemple continuaient à armer concurremment les deux catégories de bâtiments. Grâce à leur appui, la course connût un développement inattendu. On les trouve, évidemment comme capitaines de navires corsaires. C’est le succès de ces opérations qui décidaient de leur promotion dans la société salétine. Ainsi la course a vu s'accroître le nombre de raïs d'origine européenne. Presque toute l'Europe y est représentée, à tel point que le Trinitaire français Pierre Dan n’a pu s'empêcher de souligner que la plupart des corsaires furent renégats.13 Des plus redoutables sur mer, on retient, un groupe solide de Hollandais, comme le célèbre Morat-Raïs, dont l’apparition sur le terrain salétin coïncide avec la naissance en 1627 de la “République de Salé”, dont il deviendra le premier gouverneur.14 Il portera, par la suite, le titre d’Amiral de la jeune cité corsaire et président du Divan à la fin des années 1620. Comme adjoint, il désigne un de ses compatriotes, Mathys van Bostel Oosterlynch.15 Dans son entourage, le Castillan Juan Rodelgas compte huit “renégats” flamands.16 C’est bien lui qui conduisit l'extraordinaire expédition vers Reykjavik en 1627, d'où il ramena 400 captifs. D'autres renégats se joignent au cortège : 'Alî Baudry,17 Mohammad Hâj Candîl, Roussay ou Ramdan d'origine française; Chafar, Anglais; des Portugais tel que Cha'bân-raïs et un autre «Turc de profession», selon l'expression du temps, Pérez le renégat, qui éveilla l'attention de plus d'un chroniqueur, et est d'origine espagnole. Le port ponantais abrite également un lot non négligeable de renégats d’origine italienne. C’est le cas de Morat Genois ou Genevois et Venetia, dont les noms Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 987 renvoient directement à leur origine. Certains renégats se virent confier les plus hautes charges administratives en constituant la corporation dirigeante de la cité corsaire. L'essor de la course salétine s'explique également par l'attraction d'éléments dynamiques venus de l'extérieur, des rives de la Barbarie.18 Des corsaires renommés s’installèrent dans les cités corsaires de l'Empire des Chérifs. On citera à titre d'exemple, 'Omar El-Hâdj, un corsaire tunisien qui s'établit à Salé19 ou encore Kara Mustapha, un corsaire turc du Peñon de Velez.20 On relève également des noms renvoyant à des origines levantines; C’est le cas de Mohamed Turkî et de Yahyâ Trabelsî.21 Parmi les acteurs décisifs de l’activité corsaire, il faudrait également ajouter les pirates de la Mamora qui figurait parmi les repaires de piraterie les plus redoutables du Maroc atlantique et qui avait accueilli à son tour les pirates de Larache à la suite de la cession de leur port aux Espagnols en 1610.22 En effet, dès 1614, ces derniers prennent pied au port de la Mamora. Et pour assurer la continuité de leur mouvement, les pirates choisissent le chemin le plus court, mais le plus sûr aussi, qui les mène à Alger23 et surtout à Salé.24 Au fait, toutes les circonstances ont été favorables à ces aventuriers nordiques et l'infrastructure salétine était telle qu'elle n'a pas osé manquer la chance d'accueillir les éléments qui allaient contribuer activement à sa prochaine grandeur. Grâce à un important contingent de Morisques et un gros lot de renégats et de pirates installés à Salé, la rive gauche du Bû-Regreg est lancée dans le monde de la course. En fait, le facteur humain a eu une place de choix dans l’affirmation des aptitudes maritimes de la jeune cité corsaire. Et si le XVIIe siècle est considéré comme le siècle d'or de la course salétine, l'apport des étrangers y était pour beaucoup. D’autres facteurs ont contribué à faire de Salé un grand port, dont les facteurs institutionnels. Les nouveaux Salétins ont su profité de la désagrégation du pouvoir central au Maroc pour continuer à armer en course pour leur propre compte. Ainsi, ils ne tardent pas à se rendre indépendants de toute tutelle makhzenienne en s’érigeant en “République” dès 1627. Désormais, le pouvoir appartient à un gouverneur ou caïd élu annuellement et assisté d’un conseil ou Divan composé de seize membres. La Qasba devint alors la capitale du nouvel Etat. L’administration portuaire revient à un amiral, aidé par des intendants pour la surveillance des chantiers en construction et l’entretien de la flotte. Quant aux activités du port, elles se sont concentrées dans les mains des élites locales, le plus souvent issus de familles morisques. Ce nouveau statut influa profondément dans la concentration des efforts navals et de fortification de la cité. Aussi, le système défensif s’est vu amplement renforcé avec la construction de nombreux ouvrages côtiers pour pouvoir se défendre des croisières anti-corsaires européennes. Mais, de l’année 1641, qui vit la fin de l’épisode de la «République» corsaire, à l’année 1660, l’histoire politique de la région passe sous la domination assez légère des Dila, ce qui équivaut encore à une quasi-indépendance. Avant de passer définitivement sous l’autorité des chérifs ‘alawites en 1666, Salé s’était pliée à l’autorité du raïs Ghaïlân en 1664. La ville fut alors administrée comme les autres villes du pays. Néanmoins, vers la fin du XVIIe siècle, cette charge semble avoir subi quelques changements signalés par Jean- Baptiste Estelle, le consul de la nation française dans ladite ville. Il rapporte que l’agglomération salétine comprend pas moins de quatre caïds : A côté de ceux placés à la tête de Salé le Vieux, Salé le Neuf et la Qasba existe, en outre, un gouverneur du port spécialement chargé de s’occuper des marchands européens et de la navigation.25 Il semble XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 988 que les nouveaux maîtres du pays aient porté toute leur attention sur le Qasba, dont l’importance stratégique ne pouvait leur échapper et ce au détriment de la ville proprement dite. L’ère des magistrats quasi-indépendants, comme le laisse croire le consul Louis Chénier, était bien révolue.26 Le processus de fortification fut poursuivi. Le sultan Mûlây Er-Rachid (1666-1672) agrandit l’enceinte et renforce la défense de la forteresse du côté de la médina. Il prolonge les remparts dans la direction Sud-Est et les termine par les deux bordjs visibles jusqu’à nos jours. Quant à son successeur, son frère Mûlây Ismâ’îl (1672-1727), il fît réparer plusieurs murs de l’enceinte et fit «remettre à neuf» quelques tours dominant la rivière. Les facteurs technico-économiques furent également décisifs quant à la constitution du système portuaire marocain. En effet, les facteurs relatifs aux techniques de la construction navale furent à l’origine de l’essor de l’activité corsaire qui nécessitait un matériel naval adapté à ses entreprises avec une exigence essentielle. Des navires possédant des caractéristiques communes: d’être assez fin voilier, avoir un armement conséquent en artillerie et armes légères, les équipages pléthoriques. Les nouvelles techniques de construction navale firent leur apparition dans les ports corsaires maghrébins dès le début du XVIIe siècle. Un Hollandais de Dordrecht leur enseigna la manière de construire des “vaisseaux ronds” (c’est-à-dire des voiliers à phares carrés en usage dans l'Atlantique) et de les manoeuvrer, contribuant ainsi à l’expansion de leurs marines.27 Néanmoins, la navigation à voile s'est imposée à Salé plus que dans les autres cités corsaires barbaresques, car il reste le seul port corsaire du Maghreb- du moins jusqu'à la reprise de La Mamora en 1681 et de Larache en 1689 - donnant sur l’Atlantique. Une seconde considération présida à la formation de la flotte salétine, les navires devaient, en effet, avoir des dimensions assez réduites et surtout un faible tirant d'eau, pour surmonter le problème de la barre de la rivière du Bû-Regreg et pouvoir ainsi utiliser le mouillage.28 La première considération, qui est de faire face à l'Océan, écarte relativement l'usage des galères qui, jusqu'au XVIIe siècle, formaient le gros des forces maritimes des places corsaires barbaresques. C'est ainsi qu'au cours de ce siècle, les Salétins ont renoncé progressivement à l'emploi des galères pour adopter des navires à voiles, légèrement armés en général et maintenant souvent l'usage des avirons pour faciliter la marche et la manoeuvre. Toutefois, l'emploi généralisé de la voile, n'a pas totalement banni l'utilisation des «vaisseaux longs» ou des navires à rames qui permettaient de courir sur les flots au cours de la belle saison, même quand il n'y avait pas un souffle d'air. Ceux dont les noms reviennent le plus souvent dans les documents de l’époque sont: les brigantins, les chebecs, les polacres, les frégates à voiles latines dont il convient de rappeler les caractères essentiels. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 989 Quelques types de navires marocains armés en course au XVIIe siècle. En effet, la flotte corsaire salétine a longtemps conservé l'usage des avirons comme moyens auxiliaires pour faciliter l’évolution et la manoeuvre des navires, ainsi que pour entrer et sortir des ports. Deux qualités la caractérisaient: la vitesse car l'efficacité de leurs entreprises dépendait principalement de leur grande mobilité, aussi bien pour rattraper leurs proies que pour échapper à un ennemi souvent dangereux. Ils “font toujours chemin, écrit Jean-Baptiste Estelle, pour peu de vent qu'ils ayent, à cause des grandes voilles dont ils sont couverts”.29 La deuxième qualité est la légèreté. L'existence de la barre, comme on l’a déjà signalé, aussi bien à l'embouchure de la rivière du Bû-Regreg comme dans la plupart des rivières marocaines, fut la raison déterminante de la légèreté et de la petitesse des navires qui, en plus, calaient peu d'eau à cause du manque de fond du port.30 Le consul Jean-Baptiste Estelle nous offre à ce sujet une description plus précieuse: «Ils sont (le port de Salé et de la Mamore) de très-difficile entrée; car il faut entrer dans la barre et ses rivières. Il y faut bien des circonstances: il faut que les marées soient grandes et que la mer ne soit point agitée, et si encore il faut souvent que les vaisseaux de Sallé, qui ne sont pas grands comme je diray, ostent leurs canons, à cause du peu d'eau qu'il y a sur les barres; et avec toutes ces précautions, il s'en perd très souvent, ce qui cause que ces corsaires sont petits, pour être par là en estat de pouvoir entrer dans ces rivières facilement».31 C’est au fait la légèreté de leurs navires qui fit des Salétins les corsaires les plus redoutés du Maghreb, et un dicton des vieux marins disait qu’on n’échappait jamais de leurs mains.32 Les vaisseaux corsaires sont généralement munis de deux mâts, ayant, comme le note avec raison le consul français, une voilure disproportionnée par rapport à la coque: “Un de leurs vaisseaux de vingt canons a autant de voiles que ceux du Roy de quarente”.33 Ils marchent à la rame et à la voile en même temps pour faciliter l'échouage, car pour ne pas être esclaves des vents et pour pouvoir naviguer même par calme plat, les Salétins ont toujours conservé des bancs de vogue. En maintenant les avirons, à bord des navires de tous types, ils ont pu adjoindre à la vitesse, une grande liberté de manoeuvre et d'évolution. Le concours des rameurs était de taille pour pouvoir franchir la barre du Bû-Regreg, étant donné que la pratique des chenaux de sortie du port ou d'accès au mouillage restait très délicate. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 990 Au facteur technico-économique, pourrait s’ajouter éventuellement, le facteur socio-culturel qui est à la base de tout ce qu’on a vu antérieurement: l’organisation sociale, mentalités, groupes sociaux et ethnies, culture et maritimité. Ses protagonistes sont un conglomérat d’armateurs, de commerçants, de marins, etc. Les Fonctions de Salé et les résultats de sa spécialisation La fonction portuaire de Salé peut être expliquée à travers la notion du port en tant qu’espace dépendant de son hinterland et de son foreland, autrement dit de son arrière-pays et de son avant-pays. a. Salé au XVIIe siècle, port corsaire par excellence Dès le début du XVIIe siècle, la course a servi de tremplin pour un essor portuaire de la place salétine. Elle fut une source de richesse et occupa une place de choix dans l’animation de la vie économique urbaine qui a été initialement déterminée par l'investissement corsaire, engagé en fonction de calculs sur sa rentabilité potentielle. Cette activité occupa également une place importante dans l'animation du marché régional, voire national, car la course n'a pas seulement entraîné un afflux continu de prises et donc de richesses, qui devaient être vendues sur place ou réexpédiées à destination des grands ports européens, elle s'entretenait elle-même, en renouvelant sans cesse les moyens qu'elle devait mettre en oeuvre. Les Salétins ramenèrent de leurs campagnes des navires marchands qu'ils convertissaient aussitôt en navires de course, (pour l’année 1669, 40% des navires composants la flottille corsaire étaient des navires de prise et un peu moins de 30% pour 1671) ou ils se servaient des voiles, cordages et agrès quand le navire était reconnu inapte à cette activité. Ils se servaient aussi et surtout des hommes parmi lesquels, ils trouvaient des artisans qualifiés dans les métiers de mer surtout pour les postes requérants une certaine technicité. Les sources de la première moitié du XVIIe siècle signalent qu’en dix ans, entre 1620 et 1630, les Salétins auraient pillé “plus de mil vaisseaux chrestiens de toutes les nations”.34 La course scandalisait la Chrétienté qui avait tendance à la surévaluer, comme ce fut le cas du Père Mathias de San Francisco, qui alla même jusqu’à affirmer sous serment avoir vu le chiffre de 27 millions de ducats inscrit sur les registres de la douane pendant la période décennale de 1629 à 1639,35 autrement dit la moyenne des revenus aurait été de l’ordre de 2,6 millions de ducats environ par an. Entre 1668 et 1689, près de 70 prises françaises sont conduites dans les différents ports marocains. On recense 31 prises ramenées par le raïs Ben 'Aïcha dans un espace de douze ans et plus exactement de 1686 à 1698, à Salé, et dont quelques-unes amenées à l'extérieur de ce port. Pas moins de 23 prises auraient été effectuées en une année, entre juillet 1668 et août 1669: 19 anglaises et 4 françaises, “desquels les sept derniers sont tous très riches, et quatre entre autres qui estoient chargez de cassonade blanche et sur l'un desquels il y avait dix mille pièces de huit”.36 En 1682, entre septembre et fin novembre, plus de 30 navires anglais sont capturés.37 Et l'année suivante, les corsaires marocains réussissent à mettre la main sur 14 navires marchands.38 Entre 1732 et 1734, pas moins de 12 bâtiments anglais sont interceptés et 144 hommes faits prisonniers et conduits au Maroc.39 Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 991 Salé d’après Olfret Dapper, Description de l’Afrique 1686. ARMEMENT CORSAIRE ET ACTIVITE PORTUAIRE La puissance de l'armement corsaire à Salé a évidemment stimulé l'activité de branches essentielles de l'économie portuaire, au premier rang desquelles les industries navales, pour la mise en état d'une quinzaine de navires armés chaque année, pour la reconversion des navires de prise et pour les réparations fréquentes qu'exigeaient beaucoup de corsaires. D'abord, la construction de bâtiments neufs de faible tonnage pour la course a intensément stimulé la construction navale locale, au point de provoquer souvent une véritable pénurie d'approvisionnements ce qui expliquerait le recours à l’étranger, notamment aux pays nordiques. Une intensité qui a, sans aucun doute, contribué à entretenir l'activité des chantiers même au cours de la période de crise. Mais pour l’économie portuaire, la construction navale reste moins intéressante par les emplois qu’elle est susceptible de fournir à la main-d’oeuvre locale. Les effectifs humains embarqués sur les corsaires stimulent également l'activité de secteurs travaillant pour le ravitaillement des navires, telle la boulangerie. La course stimule d’autres emplois. Ce sont avant tout les emplois à la mer, comme rameurs ou Marins, soldats, canonniers, pilotes, timoniers... Avec plus de 2000 hommes embarqués dès l'essor de cette activité au début du XVIIe siècle, elle employait à elle seule un nombre important de la population. Lors des poussées maximales de l'armement, qui coïncident avec l'indépendance de Salé entre 1627-1640, la course suscite un appel de main-d’oeuvre allant bien au-delà de la région avoisinante, jusque dans les montagnes lointaines. Elle va même jusqu'à garantir l'emploi à une population maritime d'au-delà des frontières marocaines. Les rangs de la course salétine se sont vus renforcer d'un mémorable soutien anglo-saxon né de la prise de la Mamora en 1614 et de l'afflux de renégats hollandais. On retrouve également sur les navires marocains, des Barbaresques. Pendant la période ou Salé s’est érigé en république, la capacité maximale d’embarquement était évaluée à 4.000 hommes, ce qui signifie que la capacité d'embarquement offerte par la flotte corsaire pouvait XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 992 s'élever à plus de 20% de la population active. Entre 1669 et 1727 elle ne dépassera pas la moyenne de 2.000 emplois pour le marché local. b. Salé au XVIIe, premier port commercial du Maroc - Le commerce des marchandises Les retours de campagnes raniment tous les secteurs: les ventes, les marchandages, les adjudications de captifs. Les prises contribuent avant tout à faire de Salé un grand marchés cosmopolite, attirant des acheteurs et des hommes d'affaires spécialisés dans ce genre de commerce. La prospérité de la «Rochelle d’Afrique» s’est accrue davantage par le trafic et devient ainsi la première place du Maroc pour le négoce. Par un contraste apparent, marocains et européens admettent la coexistence de la course et du négoce, “deux bénéfices valent mieux qu'un, l'adresse consiste à se les ménager tous”.40 Loin de ralentir l'activité commerciale, la course contribue à son développement. Cette coexistence de la liberté de commerce et de la course provenait d'une double nécessité: d'un côté, le Maroc ne pouvait se passer de nombreux articles de l'Europe et, de l'autre, les corsaires auraient été fort embarrassés pour écouler des prises qui n'avaient pas d’acquéreurs sur place, sans la complicité étroite et constante des marchands européens et des marchands juifs qui les réexpédiaient ailleurs, vers des ports aux potentialités commerciales plus larges comme Cadix et les ports français avec de gros bénéfices.41 Le 28 mars 1697, Estelle, Le consul de la nation française à Salé, informe Pontchartrain qu'en temps de guerre, “on apporte en cette ville de Salé beaucoup de marchandizes de prises faittes sur les Hollandais et Anglais, dont ils eu ont fait des ventes très considérables”,42 car, comme le constate Salvago, sans ce trafic, les corsaires ne tireraient que peu de bénéfices: “l'écoulement des prises est la vraie raison de la course”.43 Pour la période de 1618 à 1626, la valeur des prises faîtes par les Salétins ne serait pas inférieure à 15 millions de livres,44 soit une moyenne annuelle d’environ 1,6 millions de livres. La vente des cargaisons contribue à développer les transactions sur place. Parmi ces cargaisons de denrées prosaïques: les draps, les toiles, les lingots d'or et d'argent, les meubles et la main-d’oeuvre. Il y avait un bon nombre composées de denrées plus précieuses, comme celles provenant de l'Amérique et qui affluent parfois en quantités massives, comme ce fut le cas en 1693 et 1694, lorsque le rais Ben ’Aïcha conduisit deux prises chargées de cacao, cannelle, girofle et du sucre; la première, portugaise rapporta 50.000 livres et la seconde, française pas moins de 80.000.45 A Salé, la recrudescence des opérations corsaires allait en parallèle avec la dynamique commerciale de la place. Autour du XVIIe et début XVIIIe siècle, les navires anglais, hollandais et français fréquentaient plus ou moins régulièrement la place portuaire salétine, qualifiée d’endroits du plus grand abord, et d'où les marchandises sortent plus facilement.46 Pour la France, l'avantage qu'elle trouve dans le commerce avec les ports marocains “est qu'elle y débite ses propres denrées, qu'elle y fait valoir ses manufactures, que les marchands n'y portent point d'argent et qu'ils en rapportent toujours des marchandises de plus de valeur que celle qu'ils y ont porte”.47 La présence des navires français à Salé est constamment signalée. Au cours d’une traversée en 1682, l’ambassadeur français Saint-Amans affirme en avoir vu plusieurs en même temps que les hollandais.48 D’après le consul Estelle, 16 navires seraient passés entre les mois de février et novembre 169749 et 12 bâtiments dans l’espace de cinq mois de l'année suivante.50 Les navires anglais sont également nombreux; ils sont près d'une centaine à venir annuellement entre 1720 et 1727.51 Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 993 Ne disposant pas d’une véritable marine de commerce, les Marocains attendent qu'on leur offre les marchandises d'Europe à domicile. Les commerçants européens ne manquent pas à Salé. Les importations marocaines consistent en draps, toiles, papiers, opium, tabac, verre, fer, plomb, acier, cotonnades et épices, sans omettre la poudre, les armes et les agrès pour les navires.52 En général, la contrebande avec les ports marocains a toujours été active malgré les interdictions pontificales et celles édictées par certaines puissances européennes. Les corsaires marocains ont su utiliser les rivalités intra-européennes, en signant des traités avec les uns et en faisant la guerre aux autres. Et à chaque traité d'amitié ou de paix, on stipulait la fourniture de matériel naval, de nouveaux canons, de la poudre, des boulets, etc. Du port de Salé on exporte les produits suivants: Cire brute, cuivre, cuirs, laine, étain, peaux, amandes, dattes, gomme arabique, indigo, ambre gris, ghazoul, maroquins, miel, savon, nattes, suif et même parfois du blé, bien que sa sortie du pays soit prohibée.53 Les marchandises chargées ou déchargées à Salé acquittaient un droit de 10% à 25% payé soit en nature, soit en espèce ad Valorem.54 Les revenus des douanes marocaines restent importants d'après les consuls européens accrédités à Salé. Seignelay évalue le montant des bénéfices de la douane à 200.000 livres entre le mois de janvier 1697 et juin 1698,55 pour ajouter que les navires français ont rapporté plus de 20.000 écus au trésor en1698.56 - Le commerce des hommes Une autre activité contribuait également à l’animation du marché salétin. Il s’agit du rachat négocié des captifs. La “marchandise humaine” représentait une valeur considérable. De 1618 à 1626, le nombre de chrétiens capturés par les Salétins aurait atteint les 6.000 âmes, soit une moyenne annuelle de 660 captifs, et si l’on considère que la valeur moyenne de chacun est de 600 livres, on arrive à un total de 396.000 livres environ par an. En fonction de leur sexe, de leur âge, de leur force, de leur milieu ainsi que de leur savoir-faire, les captifs pouvaient être vendus, du moins avant 1680, à une moyenne de 645 livres environ pour chacun. Toutefois, pour de nombreux cas, le prix d'un captif a été conditionné moins par ses qualités propres que par la somme à laquelle on pouvait fixer son rachat, de la rançon que l'on pouvait en tirer. Toujours est-il que chaque captif représentait une valeur que l'on pouvait traduire en argent. Les forces du milieu servile étaient renouvelées régulièrement. D’un côté par la capture lors des opérations de course et éventuellement par les accidents de mer près des côtes inhospitalières du Maroc.57 De l’autre, il y a les présides ibériques qui fournissaient également un important contingent de déserteurs,58 en sus des captifs pris suite aux engagements militaires directs des Marocains contre ces mêmes présides: Mélilla, Ceuta, Arçila, Larache, La Mamora et qui se soldèrent par la mise sur le marché de plus de 2000 captifs. Suite, à ces campagnes, les captifs venaient, à chaque fois, grossir les rangs des Européens déjà en captivité. Pour ce qui est des intermédiaires, il y a d'une part ceux qui sur place procurent les espèces nécessaires au rachat et, d'autre part, leurs correspondants en Chrétienté. En ce qui concerne les premiers, on rencontre le plus souvent des négociants chrétiens établis sur la côte,59 des renégats influents à la cour du sultan60 ou des agents consulaires européens en poste au Maroc intéressés par des opérations, qui malgré leur caractère XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 994 aventureux, restaient largement avantageuses.61 Toutefois, la majeure partie de ce genre d'opérations s’effectuait par l'intermédiaire des Juifs62 qui étaient souvent en liaison avec leurs coreligionnaires sur l'autre rive.63 Ils avancent ces fonds au Maroc et se font rembourser chez leurs partenaires installés en Europe du nord, dans la péninsule ibérique, le Portugal inclus,64 qui leur retournent leurs avoirs sous forme de marchandises pour le marché marocain: tabac, épices... Ils négocient entre eux par système de compensation.65 Ainsi, les grandes familles juives marocaines, en particulier les Toledano, interviennent dans presque toutes les négociations se rapportant à la rédemption des hollandais captifs au Maroc.66 L'échange des captifs portugais contre les captifs marocains prévu pour l'année 1696 s'est fait par l'avance d'une somme de 60.000 piastres à un Juif résidant à Amsterdam choisi par le “trésorier du sultan” qui n'est autre que Maymoran.67 c. Formation d’un réseau de sous-systèmes Au XVIIe siècle, le système portuaire marocain, ayant comme base principale Salé, a su tirer le meilleur profit de la densité de son réseau portuaire disséminé entre Méditerranée et Atlantique pour devenir un des foyers corsaires et des centres commerciaux les plus prospère du Maghreb. En effet, ce système serait impensable sans l’intégration d’un cortège d’entités portuaires actives marocaines et étrangères qui ont participé au jeu général de la course. On assiste à la formation progressive d’un réseau de sous-systèmes puisque Salé possède également un immense forland, autrement dit, un espace maritime tributaire de ce port et qui le connecte avec les autres ports méditerranéens et atlantiques à travers des réseaux commerciaux bien définis. Une connexion, certes, primordiale dans l’essor et le maintien de l’activité de course et de commerce, aussi bien pour le retour des prises, la commercialisation des produits déprédés et des produits de l’intérieur que pour le ravitaillement, le raccommodement et l’armement des navires en course. On assiste bien là à un système portuaire marocain disposant d’un immense foreland et véhiculant sur plus d’un siècle d’autres ports du Maroc: Tétouan, Larache, La Mamora et du Maghreb: Alger, Tunis. Et à travers la commercialisation des prises, le système communiquait avec les autres ports méditerranéens, comme Livourne, Marseille et Cadix. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 995 Tout un foisonnement de ports méditerranéens et atlantiques, marocains et étrangers, de Veere en Zélande à Mogador au sud en passant par d’autres ports maghrébins et espagnols ont adhéré sous différentes formes à l’entreprise salétine, tels que Tétouan, Fédala, Azamor, la Mamora, Larache, Tanger. Il faut également énumérer d'autres ports étrangers alliées. C’est le cas notamment d’Alger, des îles Bayonne à l'entrée de la baie de Vigo en Galice et des îles Sisargas, à l'ouest de la Corogne en Espagne. Certains ports servaient comme bases auxiliaires et étaient considérés comme des escales techniques. Il s’agit de Larache, la Mamora, Fedala, Azemmour, El-Oualidia, Safi, Tanger et de Tétouan, notamment pour les réparations fréquentes qu'exigeaient les bâtiments corsaires.68 D’autres places portuaires, une fois reconquises, se sont converties en points de retraite précieux, où Salétins, Tétouannais et Algériens venaient souvent se “rafraîchir”etc. Parfois, ils y conduisaient leurs prises, quand celles-ci étaient considérables, d’autres fois, ils s’y jetaient subitement, heureux de trouver un de ces refuges pour échapper à la tempête ou pour éviter les menaces d’une escadre européenne bloquant le port de Salé. Débarrassés de l'incursion espagnole, les corsaires ont pu renforcer leur position sur tout le littoral atlantique. A titre d’exemple, dès sa reddition en 1681 et vu sa proximité, la Mamora devient une des bases les plus importantes de la course salétine.69 Elle présentait plusieurs avantages et allait servir comme port d’appoint pour la flotte corsaire,70 et spécialement pour les bâtiments ne pouvant franchir la barre de Salé à cause de leur tonnage:71 “La rivière (de Sebou), écrit Pierre de Catalan, y est de beaucoup plus facille accès que celle de Salé et qu'il y peut entrer des navires de 5 à 600 tonneaux, tous chargés, et qu'il y a une forest tout proche de ladite place, au moyen de laquelle les Mores pourront fabriquer quantité de navires”.72 La même remarque vaut pour Larache qui suite à sa reconquête en 1689,73 fut développée comme port de course secondaire.74 Son port pouvait recevoir des navires de plus grand tonnage que celui de Salé, XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 996 mais le manque de bois empêchait l'établissement d'un chantier naval.75 La première mention de son activité corsaire date de l’extrême fin du XVIIe siècle. En l’année 1700, Manier de La Closerie compte trois demi-galères à 18 rames de chaque côté dans le port de Larache.76 Il y avait également 2 frégates armées de 20 et de 50 canons.77 Quant à Tanger, repris en 1684, elle ne jouera un certain rôle qu’au XVIIIe siècle. Parmi les escales atlantiques, on citera également les îles situées sur le littoral espagnol. Il s’agit des “îles Bayonne” à l'entrée de la baie de Vigo en Galice, qui d’après Jean d’Estrées “sont les retraittes ordinaires des Salletins pendant l'esté pour y faire de l'eau”.78 On citera aussi les îles Sisargas, à l'ouest de la Corogne. En cours de campagne, les Salétins font également relâche dans les ports hollandais. D’ailleurs, les autorités maritimes anglaises se sont souvent plaintes de l'appui que les corsaires barbaresques trouvaient auprès des Provinces-Unies, appelées «arsenal de la Barbarie», qui, non seulement leur donnaient accès à leurs ports, mais encore leur procuraient les provisions dont ils avaient besoin.79 On a vu que certains renégats comme l'Amiral de Salé, le hollandais Morat-Raïs, qui sera nommé 1er gouverneur de République de Salé en 1627, de son vrai nom Jan Jansz de Harleem, qui à la tête de deux navires battant le pavillon de Salé, n'hésite pas à entrer dans les ports de son pays d'origine pour y reconstituer ses approvisionnements.80 En effet, le renégat néerlandais se fait remarquer dès novembre 1623, lorsqu'il mène une expédition dans la Manche. Il s'aventure jusqu'au port de Veere en Zélande, en vue de réparer ses navires, reconstituer ses approvisionnements et compléter son équipage.81 Deux ans après, un autre renégat néerlandais suit son exemple, il s'agit du capitaine Jan Barentsz qui arrive en Zélande en janvier 1625.82 Au fait, les navires salétins virent souvent la nécessité de palier les lacunes humaines en important du monde de la Chrétienté, voire même en embauchant quelques fois au cours des campagnes, comme ce fut le cas en novembre 1623, lorsque le renégat Morat-raïs a dû compléter son équipage au port de Veere en Zélande.83 Aussi, à chaque fois, et chaque escale, de nouvelles recrues viennent remplacer ceux qui ont disparu au cours des combats menés sur terre ou sur mer. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 997 La course s'est accompagnée d'ententes de grande envergure entre les corsaires de Salé et ceux d’Alger et de Tunis. Pour assurer la continuité du mouvement corsaire, une entente s'est imposée d'elle-même. Et c'est le port d'Alger, qui s'est allié avec le plus de zèle à l'entreprise salétine. Cette solidarité est perceptible dans plus d'un témoignage, comme dans celui d'André Piolle qui date d’avril 1687, et qui écrit que les Salétins viennent vendre à Alger tout ce que la surveillance des sultans du Maroc les empêchait de vendre chez eux.84 Certains raïs y assurent l'armement de leurs navires comme ce fut le cas de ce corsaire de Salé qui “était allé à Alger, d'où quelques armateurs l'avaient renvoyé en mer”.85 La connexion barbaresque s'est également opérée au niveau du transfert de l'«homme-marchandise» d'un pays à l'autre. Un captif espagnol avait végété 48 années à Tunis avant de venir au Maroc pour être rédimé lors d'une campagne de rachat menée en 1661 par des Mercédaires espagnols. Un autre a vécu 8 ans à Alger avant d'échouer au Maroc, où il a été relaxé.86 Ces opérations de transfert sont, sans nul doute, la preuve que les cités corsaires du Nord-ouest africain étaient étroitement liées entre elles et avaient parfois une politique commerciale commune. On assiste bien là à un système portuaire marocain disposant d’un immense foreland et d’une aire de contact entre les domaines de circulation maritime véhiculant sur plus d’un siècle d’autres ports marocains, maghrébins et européens. A travers la commercialisation des produits déprédés, il communiquait avec d’autres places portuaires du monde méditerranéen et atlantique. d. Organisation urbaine: morphologie urbano-portuaire L’économie portuaire semble avoir été peuplante. On l’a bien signalé au début, la course a en effet attiré des milliers d’expulsés de la péninsule ibérique ainsi qu’une poignée d’aventuriers de tout poil en quête de lucre et de gloire. Les mentions que nous possédons XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 998 confirment la présence sur le terrain salétin de 20.000 habitants dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Au cours de ce siècle, la ville de Salé a connu un destin assez mouvementé et la disposition de l'espace urbain a subi de profondes modifications. La ville s'agrandit, se modifie et présente un plan d'une régularité inconnue des anciennes cités marocaines, due sans nul doute, à l'influence espagnole. La rive gauche de l'estuaire du Bû-Regreg comporte deux agglomérations : la qasba ou le Château et la nouvelle ville de Salé. Celle-ci est limitée au nord et au nord-est par l'oued, le long duquel on construisit un mur en certains endroits, il s'appuie à l'ouest sur la grande enceinte almohade du XIIe siècle87et se ferme, au sud et à l'est, par une nouvelle muraille andalouse qui, partant de Bâb el-Had, vint aboutir au bordj Sîdî Makhlûf, sur la falaise dominant le fleuve.88 Correspondant exactement à la médina actuelle, la ville ainsi délimitée, s'étend sur une superficie de 91 hectares, y compris le cimetière d'El-'Alû et la qasba, recouvrant ainsi une faible partie de l'emplacement de la ville du Ribât el-Fath almohade. Le reste n'est que champs et jardins; les Morisques y récoltent du blé, de l'orge, des fèves,89 et y Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 999 plantent de la vigne susceptible, aux dires de Carteret, de donner deux cents tonneaux de vin chaque année.90 Salé est séparé de la qasba par une place assez vaste, dite du Figuier,91 située dans la partie basse de l'actuelle place souq el-Ghzel, le marché de la laine. En 1660, lors du dernier siège de la citadelle, les abords de cette place “étaient fortifiés de petits boulevards ronds, faits de terre grasse” et dont l'ingénieur aurait été un “apothicaire, nommé El-Hajj Moussa”.92 Dans sa partie basse se situe le marché des captifs chrétiens. Quatre rues principales nord-est et deux voies transversales est-ouest, dont plusieurs au tracé très rectiligne, délimitent les différents quartiers.93 Resserrées entre la muraille andalouse et la rivière, les maisons ne s'étendent guère, à l'est, au-delà de la place du Figuier, à l'ouest, de Bâb el-'Alû. Le flanc de la colline, qui s'abaisse au sud-ouest de la forteresse vers la mer, est dépourvu de toutes constructions, sauf peut-être une petite tour. Aucun monument important, à part la grande mosquée mérinide, ne s'élève à l'intérieur des murailles. Les chantiers de constructions navales se logent en dehors de l'enceinte, non loin du port et plus exactement au pied de la Tour, qui est «A cinquante pas de la ville».94 On avait dû cependant procéder, le long de la ville au bord du fleuve, à quelques installations sommaires pour faciliter l'embarquement et le débarquement.95 Les événements politiques intérieurs et extérieurs ont, en effet, largement influé sur l'aménagement des deux agglomérations de la rive sud du fleuve : la citadelle et la médina. Sous les 'Alawites, la qasba se distingue nettement de la médina et semble même mener une vie à part. Elle reste exclusivement une forteresse du Chérif. Du côté de la rivière, les murs bâtis sur les rochers, sont très élevés et protègent la maison du gouverneur, qui s'y trouve adossée.96 Face à la mer, la muraille est garnie de canons qui, avec ceux des batteries du fortin installés sur la pointe extrême de la falaise, permettent à la citadelle de répondre aux éventuelles attaques des flottes Européennes. La qasba se trouve dominée et surveillée par le Château Neuf élevé par le premier souverain 'Alawite, qui voulait la réduire dans le cas d'une éventuelle révolte. A l'intérieur de l'enceinte, les constructions restent assez nombreuses. Le palais almohade se dresse toujours en face de la mosquée ancienne, construite au XIIe siècle. Il possède des souterrains où s'entassent les munitions,97 à l'abri des bombardements des marines ennemies. La prison des captifs chrétiens est située entre la maison du gouverneur au sud et la citerne au nord. La qasba renferme également des magasins, des habitations destinées aux soldats et des “maissons dos negros”,98 pour les chevaux, des écuries, où le captif Moüette, esclave du gouverneur, a travaillé quelque temps. Une citerne, située au nord-ouest de la citadelle, à peu près en face du magasin à poudre, recueille l'eau de pluie amenée des terrasses à l'usage des habitants.99 Le sultan Mûlây er-Rachîd (1666-1672) agrandit l'enceinte et renforça la défense de la forteresse du côté de la médina. Il prolongea les remparts dans la direction Sud-Est et les termina par les deux tours visibles jusqu'à nos jours. Quant à son successeur, Mûlây Ismâ'îl (1672-1727), il fit réparer plusieurs murs de l'enceinte et fit «remettre à neuf» quelques tours dominant la rivière. Sous son règne furent également élevées les constructions intérieures de l'enceinte de Mûlây er-Rachîd (mosquées, bains...)100 ainsi que le bâtiment qui abrite aujourd'hui le musée. L'ensemble formait une véritable petite cité ou l’influence andalouse apparaît très nette aussi bien dans le décor des portes et des maisons qu’à l’intérieur des maisons. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1000 Oui, la course a donné naissance à une agglomération urbaine assez importante et a contribué à la croissance d’une grande cité maritime. Ella a aussi su transformer le noyau de Salé en une assez importante agglomération humaine. e. Culture et mode de vie Le cosmopolitisme de la cité salétine induit son caractère culturel assez hétérogène qui se manifeste par exemple aussi bien au niveau de l’architecture et de la décoration des maisons et des navires corsaires que sur les choix onomastiques puisque les noms andalous perdurent dans le temps.101 Les instigateurs de la course ont gardé intacts leurs noms espagnols ou à peine les ont-ils déformés: Vargas devient Bargach, Pelafres, Balafrej; Blanco, Barco; Rodriguez, Carasco, Santiago, Galan, Crespo, Palomino, Pérez, Moreno, Marfil, Escalant, Aragon et d'autres.102 Le paysage linguistique se trouve également marqué par la culture castillane, surtout lorsqu’il s’agit du vocabulaire maritime, notamment les termes techniques qui sont presque tous d’origine espagnole.103 Les Musulmans bannis d'Espagne et installés au Maroc ont également conservé l'usage de leur langue d’origine. Les membres du Divan l'utilisent aussi bien dans leurs correspondances que dans les traités conclus avec les Européens. Quant à l’aspect extérieur des bâtiments corsaires, nous avons pu glaner quelques informations. Ainsi, la “liste des vaisseaux corsaires de Salé” d'Août 1669104 laisse apercevoir que les Salétins attachent en règle générale une grande importance aux motifs décorant la poupe ; telle cette “frégate neuve... portant en poupe un soleil doré en bosse”, ou encore celle prise sur les Français en août de l'année 1668 et qui porte “une lune en poupe”. Trois autres petites frégates, de construction locale et qui sont d'environ 30 tonneaux et dont chacune est armée de deux canons, quatre pierriers et de soixante hommes, “ont toutes une étoile peinte en poupe”.105 La frégate la Royale, armée en course en 1671, “a trois fleurs de lys et deux palmes derrière”.106 Pour ce qui est des choix onomastiques, il paraît que le milieu corsaire salétin a une préférence pour les noms d'origine laïque et qui sont parfois assez curieux. Echappant ainsi à l'univers céleste, les bâtiments corsaires s'intitulent fièrement la Perle, le Cheval Blanc, la Gabarre, le Soleil, Ixot. Il arrive également qu’on maintienne les noms de la nation d’où ils proviennent comme c’est le cas de: La Royale, Le Heart's Désiré ou le Hasewindt, la Terre Promise, Vreindschap ou l'Amitié ou encore les Deux Lions. Le Danois Höst rapporte, de son côté, que les navires corsaires portent le nom de leurs capitaines.107 Faut-il remarquer que cette aire géographique se démarque des autres par son peu d'enthousiasme pour les saints. Car, d'après les sources dont nous disposons, il ne semble pas que les armateurs salétins aient placé leurs navires sous la protection des saints. Les vocables qui leur sont consacrés sont rares pour ne pas dire inexistants. CONCLUSION En guise de conclusion, je dirai que nous sommes en présence d'un système portuaire dont la fonction principale reste intimement liée à la guerre de course, qui s’opère essentiellement dans l’Atlantique, et au commerce des marchandises et des hommes. Ces deux activités ont à long terme donné lieu une dynamique économique exceptionnelle. Les acteurs ont largement maintenu le commerce pour attirer de nouvelles prises de la course, qui ne pouvait vivre que du commerce. Et la coexistence de ces deux fonctions : une course formidable et d'un commerce prospère était appelée à se prolonger jusqu’au XVIIIe siècle. C'est dire aussi qu’à travers ces activités majeures, Salé et les autres petits ports du littoral atlantique marocain se Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1001 sont trouvés, au hasard des circonstances, incrustés dans les circuits si complexes du système portuaire atlantique. A travers le modèle salétin, nous assistons à une économie originale, à une société particulière, à une réalité institutionnelle distincte et à des traits culturels spécifiques. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1002 NOTAS 1 Sur les villes portuaires, voir. ZUBIETA IRUN J. L.: “Jerarquía en el sistema portuario español”, VI Coloquio de Geografía de la AGE, Palma de Mallorca, 1979. BROEZE F. (ed.): Gateways of Asia: port cities of Asia in the 13th-20th centuries, New York: Kegan Paul International; [Sydney]: In association with the Asian Studies Association of Australia, 1997; id, Brides of the Sea, Honolulu, University of Hawaii Press, 1989. MARTÍNEZ SHAW, C.: “La Ciudad y el mar. La ciudad marítima y sus funciones en el Antiguo Régimen”, Manuscrits: revista d'història moderna, núm. 15, 1997, pp. 257-278. 2 Lettre de Razilly aux esclaves français, du 24 septembre 1629, Sources inédites de l’Histoire du Maroc (S IHM), 1rèe série, France, t. III, pp. 241-242. 3 Lettre de Jean d'Estrées à Colbert, du 28 mai 1670, SIHM., 2 e s. Fr. t. I, pp. 302-303. 4 BUS-DE-VAIS DE CARSALADE: “Le port de Rabat-Salé et le Bou-Regreg”, supplément de l’Afrique française, Renseignements Coloniaux, 1913, pp. 20-26. 5 MAZIANE, L.: Salé et ses corsaires (1666-1727), un port de course marocain au XVIIe siècle, Caen, PUC, 2007. 6 Arrabal est le nom par lequel les sources espagnoles désignent faubourg. 7 FR. PIDOU DE SAINT-OLON: Etat présent de l'Empire de Maroc, Paris, M. Brennet, 1694, p. 22. 8 Archivo de la administracion generale de Alcala de Henares (A.G.A.A). Caja M. 215, Expp. n°1. 9 HOST, G.: Nachrichten von Maroko und Fès (1760-1768), Copenhague, 1781, chapp. VI, trad. par L. Brunot, La mer dans les traditions et les industries indigènes de Rabat-Salé, Paris, 1921, p. 339. 10 Cité par B. & L. BENASSAR, Les Chrétiens d'Allah, l'histoire extraordinaire des renégats, XVIe et XVIIe siècles, Paris, Perrin, 1989, pp. 398-399; SÁNCHEZ PÉREZ, A.: Los moriscos de Hornachos, corsarios de Salé, Badajoz, Diputación Provincial de Badajoz, 1964, p. 38. 11 MAZIANE, L.: Salé… 12 B. & L. BENNASSAR: Les Chrétiens..., p. 398. 13 Le R. PP. F. Dan, Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, PP. Rocolet, 1637, réed., 1649, pp. 365-366. 14 MAZIANE, L.: Salé…, pp. 173-175. 15 Ibidem, p. 52. 16 Ibidem. 17 COINDREAU, R.: Les Corsaires de Salé, Paris, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1948, p. 22. 18 Histoire d'un captif racheté à Maroc... (s.l.núm.d.), p. 15. La présence de corsaires d'origine levantine est attestée même dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, cf. Ch. PENZ, Journal du consulat général de France au Maroc ( 1765-1785), paraphé par Louis Chénier, Casablanca, 1943. 19 SIHM. 2e s. Fr. t. II, pp. 355. 20 SIHM. 2e s. Fr. t. I, pp. 249, núm. 1. 21 Archives Nationales (AN), Marine, B7. 525, Fol. 137. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1003 22 DE CASTRIES, H.: “Les trois Républiques du Bou-Regreg, Salé, la Kasba, Rabat”, SIHM., 1ère s. Pays- Bas, . V, pp. I-XXVIII. 23 PH. JACQUIN: “l'âge d'or de la piraterie, in Vues sur la piraterie”, s.d. de Gérard A. Jaeger, Tallandier, 1992, pp. 118-131; B. et L. Benassar, op.cit., p. 398. 24 B. ET L. BENASSAR, op.cit., p. 398. 25 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 10 octobre au 12 décembre 1696, SIHM, 2e s. Fr. T. IV, pp. 436. 26 L. DE CHENIER: Recherches historiques sur les Maures et histoire de l'Empire de Maroc, Paris, 1787, t. III, pp. 26. 27 PH. GOSSE: Histoire de la piraterie, Traduction de l’anglais par PP. Teillac, Paris, Payot, 1933, p. 67. 28 Lettre de Jean-Baptiste Estelle à Pontchartrain, du 18 janvier 1702, SIHM., 2e s. Fr. t. VI, p. 275. 29 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 26 septembre 1698, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, tp. 670. 30 ANÚM. Marine, B7 78 Correspondance au départ (Jérôme de Pontchartrain), Espagne, Versailles, le 8 juillet 1709, au S. Mirasol, fol. 48-49. 31 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s. Fr. t. IV, pp. 705. 32 BOUTIN, A.: Anciennes relations commerciales et diplomatiques de la France avec la Barbarie (1515- 1830), étude historique et juridique, Paris, A. Pedone éditeur, 1901, p. 25. 33 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 1er février 1701, ibid. t. VI, p. 233. 34 SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 364. 35 SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 193, núm. 2. 36 Liste des vaisseaux corsaires de Salé, 1er août 1669, op. cit., p. 280. 37 Lettre de Saint-Amans à Seignelay, du 23 novembre 1682, SIHM, 2e s. Fr. t. II, p. 288. 38 Smits Heppendorp aux Etats-Généraux, 8 juillet 1683, Algemeen Rijksarchief (A.R.A.), A.S.G., Liassen Barbarije, 6914, rec. 30 septembre 1683. 39 M. MORSY: La relation de Thomas Pellow, une lecture du Maroc au XVIIIe siècle, Paris, Recherches sur les civilisations, 1983, p. 19. 40 R. CAPOT-REY: “La politique française et le Maghreb méditerranéen (1643-1685)”, Revue Africaine, LXXVII, 1934, p. 60. 41 LOUIS BRUNOT, op. cit., pp. 250 - 251. 42 “Etat du commerce français au Maroc”, Bulletin Scientifique du Comité local, art. cit., p. 85. 43 J.B. SALVAGO: o Africa o vero Barbaria, Relazione al doge di Venezia sulle reggenze di Algeri e di Tunisi, Introduzione e note di Alberto Sacerdotti, 1625, Padova, 1937, p. 81, 490. 44 SIHM. 1ère s. Fr. t. III, pp. 115-116. 45 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 22 novembre au 24 décembre 1694, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, pp. 311- 318. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1004 46 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s., Fr. t. IV, p. 710. 47 F. PIDOU DE SAINT-OLON, opp. cit., pp. 145. 48 Voyage de Monseigneur le baron de Saint-Amans, Lyon, H. Baritel, 1696 p. 323. 49 Lettre de Jean-Baptiste Estelle à Pontchartrain, du 23 nov. 1697, SIHM., 2e s. Fr. t. IV, p. 550. 50 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 29 avril au 3 mai 1698, SIHM., 2e s. Fr. t. IV. p. 608. 51 R. THOMASSY: Le Maroc et ses caravanes ou relation de la France avec cet Empire, Paris, 1845, p. b216. 52 Mémoire de Jean d'Estrées à Colbert, 22 juin 1670, Ibid., pp. 311; Relation de Chateau-Renaud, du 2 septembre 1671, ibid., pp. 379; lettre de Henri Prat à Colbert, du 24 mai 1672, ibid., pp. 41; F. Pidou de Saint-Olon, op. cit., pp. 140-148. 53 J. BRAITHWAITE: Histoire des révolutions de l'Empire de Maroc depuis la mort du dernier Empereur Moulay Ismaël…, trad. de l’anglais, Amsterdam, Chez Pierre Mortier, 1731, pp. 426-427 ; SIHM. 1ère s. P-B, t. V, pp. 576, 589; 2e s. Fr. t. I, pp. 273, du 26 août 1671, ibid., p. 311, p. 382; 1688, ibid., t. III, p. 148. 54 Mémoire de Henri Prat, du 8 juin 1669, SIHM., 2e s. Fr. t. I. p. 273. 55 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s. Fr. t.IV, p. 709. 56 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 29 avril au 5 mai 1698, SIHM., 2e s. Fr. t.IV ibid., p. 608. 57 R. LEBEL: Le Maroc chez les auteurs anglais du XVIe au XXe siècle, Paris, Larose, 1939, p. 96. 58 Archivo Histórico Militar de Madrid, AHMM, 4.3.5.5., fol. 5. 59 Ordre du Conseil Privé, du 11 mars 1635, SIHM. 1ère s. Angl. T. III, pp. 243. 60 Lettre d'Hatfeild à Joseph Addison, du 11 août 1717, D. Meunier, Le Consulat Anglais à Tétuan sous Anthony Hatfeild ( 1717-1728), étude et édition de textes, Tunis, Publ. de la Revue d'histoire Maghrébine, vol. 4, 1980, p. 24 et núm. 3. 61 Contrat de rachat de captifs, SIHM., 1re s. Fr. T. Doc. XIX, pp. 90-92 ; Doc. XCVI, p. 553. 62 Lettre de Jezreel Jones à Joseph Addison, du 21 mai 1717, doc. 4, D. Meunier, op. cit., pp. 18, núm. 3; Lettre d'Hatfeild à James Craggs, du 11 août 1718, ibid., pp. 28-29. 63 ANÚM. B7 76, Italie, 20 mars, fol. 398 ; Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 16 et 23 octobre 1693, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, p. 222. 64 CL. LARQUIÉ: “Simbolismo, cultura y pedagogía en las redenciones de cristianos durante el siglo XVII”, Areas, núm. 6, Murcie, 1986, p. 15. 65 J. L. MIEGE: “Les activités maritimes et commerciales de Tétouan (XVIII-XIXe siècles)”, conférence présentée à la faculté des lettres de Tétouan le 17 avril 1992, p. 9, núm. 31. 66 Mémoire de Haïm Toledano, du 23 juin 1691, A.R.A. A.S.G., Secrete Kast Barbarije, 12594-31. 67 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 16 et 23 octobre 1693, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, pp. 222. 68 Lettre de David de Vries aux Etats-Généraux, du 3 octobre 1651, SIHM., 1ère s. P-B., t. V, pp. 290. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1005 69 Projet d'armement contre les Salétins, du 1er janvier 1687, SIHM., 2e s. Fr. t. III, pp. 24 ; Mémoire d'André Piolle, du 23 avril 1687, SIHM., ibid., pp. 43-46. 70 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 30 mai-24 août 1696, SIHM., 2e s. Fr. T. IV, pp. 416. 71 Lettre de Pierre de Catalan à Colbert, du 19 mai 1681, SIHM., 2e s. Fr. T. I, pp. 537. 72 Ibidem. 73 Mémoire de PP. Calault de Villalain, d'octobre 1681, SIHM., ibid., t. I, pp. 582, núm. 1. Sur les préparatifs visant le siège de Larache, cf. Lettre de Périllié à Seignelay, du 16 juillet 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 262- 267; Lettre de Périllié à Seignelay, du 10 octobre 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 271-274 et sur la prise de la ville, cf. Lettre de Périllié à Seignelay, du 6 novembre 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 275-278. 74 Journal de Louis Bermond, du 17 janvier-11mai 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, pp. 271; Journal de Louis Bermond, du 13 mai-11 juin 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, p. 311. 75 L. De Chénier, op. cit., v. I, p. 24. 76 Lettre de Manier de La Closerie à Pontchartrain, du 6 octobre 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, p. 438. 77 Lettre de Du Plessis-Moreau à Pontchartrain, du 25 janvier 1700, SIHM. 2e s. Fr. t. VI, p. 98. 78 Lettre de Jean d'Estrées à Colbert, du 18 janvier 1671, SIHM. 2e s. Fr. t. I, p. 343. 79 Introduction, SIHM. 1ère s. P-B, T. V, p. XIV, et núm. 5; P. GOSSE, op. cit., p. 75. 80 P. GOSSE, Histoire…, pp. 75. 81 Ibidem. 82 G. VAN KRIEKEN, “Renégats néerlandais en Afrique du Nord”, Les Cahiers de Tunisie, núm. 163, 1993, pp. 50-51. 83 P. GOSSE, Histoire..., p. 75. 84 Mémoire d'André Piolle, du 23 avril 1687, SIHM., pp. 43-46, d'après ce consul, deux corsaires salétins seraient arrivés à Alger avec des prises faites sur les Français et les Anglais. 85 Lettre de De Vries aux Etats-Généraux, du 4 juin 1652, SIHM. 1ère s. P-B., t. V, p. 331. 86 CL. LARQUIE: “Le rachat des Chrétiens en terre d’Islam au XVIIe siècle (1660-1665)”, Revue d’histoire diplomatique, octobre-décembre 1980, p. 326. 87 Cette enceinte avait été construite par le calife almohade El-Mansûr. Elle mesure plus de 5 kilomètres de longueur, en moyenne une épaisseur de 2m. 35 et une hauteur de plus de 8 mètres. Elle est percée par cinq portes. J. Caillé, La petite histoire de Rabat, Casablanca, chérifienne d’éditions et de publicité, 1950, pp. 20-22. 88 Relation dite de Jean Armand Mustapha, de juin à novembre 1630, SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 333. L’enceinte morisque s’étend sur une distance de plus de 1400 mètres. Haute en moyenne de 5 mètres et large de 1m. 65. Trois portes permettent de la franchir. J. CAILLE, op. cit., pp. 22-23. 89 Bibliothèque Nationale de France BNF., Département des Estampes, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”. 90 Journal de G. Carteret, du 30 avril au 9 novembre 1638, SIHM., 1 ère s. Angl. t. III, pp. 442-460. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1006 91 Lettre de Pierre Mazet à Richelieu, du 10 février 1631, SIHM., 1ère s. Fr. t. III, pp. 370. 92 O. DAPPER: Description d'Afrique, trad. du flamand, Amsterdam, W. Waasberge, Boom et Van Someren, 1686, p. 141. 93 J. CAILLE: La ville de Rabat jusqu'au protectorat français,histoire et archéologie, Paris, éd. d'art et d'histoire, 1949., t. I, p. 246. 94 Journal du voyage de Saint-Amans, du 4 au 13 novembre 1682, SIHM. 2e s. Fr. t. II, p. 324. 95 J. CAILLE, op. cit., p. 247. 96 BNF, “Plant de Salé”, Département des estampes, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”. 97 BNF, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”, Département des Estampes. 98 Ibidem. 99 Ibidem. 100 Introduction, SIHM., 1ère s., Pays-Bas, t. V, pp. II, núm. 2. 101 B. BAHRAMI: The persistence of the Andalusian Identity in Rabat, Maroc, These, Universite de Pennsylvanie, 1995. 102 Projet de traité entre Salé et Charles 1er, SIHM. 1ère s. Angl. T. III, pp. 16-22 ; H. DE CASTRIES, “Les trois Républiques...”, art. cit. p. XXI; L. DE CHENIER: Recherches historiques..., t. III, pp. 119; B. BAHRAMI: The persistence… 103 L. MAZIANE, “Le vocabulaire maritime de la société corsaire de Salé-le-Neuf (Rabat) aux XVIIe et XVIIIe siècles”, Trames et langues. Usages et métissages linguistiques au Maghreb, J. Dakhlia (Ss dir), Paris, Maisonneuve et Larose, 2004, pp. 97-104.l. 104 Liste des vaisseaux corsaires de Salé, du 1er août 1669, SIHM., 2e s. Fr. t. I, pp. 279-280. 105 Ibidem. 106 ANÚM. Marine. B4 302, fol. 173. 107 Pour plus de précisions, voir L. MAZIANE, Salé…, pp. 152-156.
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Título y subtítulo | Le système portuaire marocain et lAtlantique à lèpoque moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles |
Autor principal | Maziane, Leila |
Publicación fuente | XVIII Coloquio Historia canario - americana |
Numeración | Coloquio 18 |
Tipo de documento | Congreso y conferencia |
Lugar de publicación | Las Palmas de Gran Canaria |
Editorial | Cabildo Insular de Gran Canaria |
Fecha | 2008 |
Páginas | pp. 983-1006 |
Materias | Congreso ; Historia ; Canarias ; América ; Puertos ; Marruecos |
Enlaces relacionados | http://coloquioscanariasamerica.casadecolon.com/ |
Copyright | http://biblioteca.ulpgc.es/avisomdc |
Formato digital | |
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Texto | 983 LE SYSTÈME PORTUAIRE MAROCAIN ET L’ATLANTIQUE À L’ÈPOQUE MODERNE AUX XVIIE ET XVIIIE SIÈCLES Leila Maziane Au cours du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle, il est possible d’invoquer tout un foisonnement de villes portuaires marocaines dont le destin est intimement lié à l’espace atlantique. La crise du commerce saharien et l’instabilité politique du Maroc avaient fait de l’ouverture sur l’économie atlantique une nouvelle réalité pour ses régions côtières. L’effacement progressif de la présence portugaise sur le littoral atlantique marocain à partir du milieu du XVIe siècle va libérer ses potentialités maritimes. Le Maroc peut ainsi disposer de toute une série de ports qui ont des caractéristiques qui leur sont propres et les activités qui en découlent s’insèrent dans des réseaux bien définis. C’est donc l’ensemble des réseaux de relations reliant ces différents ports à leurs hinterlands et surtout à leurs forelands qui définissent leur caractère voire aussi leur fonction et qui influent profondément sur la vie institutionnelle, sociale et culturelle des ces espaces ouverts. Ces mêmes composantes cherchent à s’équilibrer, l’une réagissant sur l’autre, car il est possible de classer ces ports atlantiques selon leur fonction dominante, ce qui nous permet d’opérer d’utiles comparaisons, même si certaines places portuaires remplissent des fonctions multiples. Certaines sont intimement liées à d’autres parties du monde atlantique. C’est le cas de Salé au cours du XVIIe et du XVIIIe siècles à travers la course et le commerce et dont le rayonnement maritime a été conditionné par tout un faisceau de relations de mer qui varient non seulement en fonction de l’arrière-pays et des activités du port, mais aussi en fonction d’une conjoncture extérieure changeante. Ce sera le cas aussi de Mogador et de Safi dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. D’autres places restent avant tout les satellites des principaux ports. C’est le cas de La Mamora, Larache, Arcila ou encore Fedala et Sainte-Croix réduits dès la fin du XVIIe siècle à des ports de seconde zone. Dans le présent texte, nous allons donc essayer d’appréhender l’évolution du système portuaire marocain à travers l’activité maritime intensifiée de certains ports du littoral atlantique du Maroc moderne. L’accent sera essentiellement mis sur le port de Salé mais aussi sur les petits ports évoluant dans l’orbite de cette grande ville maritime et dont la fonction reste foncièrement liée à la course, au cabotage et au commerce. LE SYSTEME PORTUAIRE MAROCAIN L’étude du système portuaire marocain au XVIIe siècle induit l’analyse de plusieurs aspects, dont l’interaction dynamique constitue la clé explicative de la forme, de l’extension et de l’évolution des villes portuaires du Maroc moderne.1 Pour ce faire, nous nous arrêterons de près sur ces différents éléments, à savoir les facteurs, les différentes fonctions des ports pendant la période qui nous intéresse et sur les résultats de leur spécialisation. Cette approche nous permettra certes d’intégrer les entités portuaires dans un tout cohérent et appréhensible, avec ses éléments, ses attributs et ses relations, ce qui établit une hiérarchie aussi bien dans le système portuaire que dans l’esquisse des différents sous-systèmes. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 984 Dans un premier temps, une attention particulière sera accordée aux facteurs qui ont conditionné le développement du système portuaire marocain au XVIIe siècle, car chaque période historique d’un système portuaire déterminé possède des facteurs, des fonctions et des résultats différents, par exemple, le Salé corsaire du XVIIe-XVIIIe siècles n’est pas le Salé du XIXe siècle. Les facteurs sont divers et sont d’ordre géographique, institutionnel, économique, technique et socio culturel. Salé aux XVIIe et XVIIIe siècles, ou les facteurs d’une ascension à l’américaine De par sa position géographique et les activités engendrées par l’armement en course et par le commerce, Salé est devenu dès le début du XVIIe siècle la place portuaire la plus importante du Maroc. Il remplissait la fonction de gateway ou «porte principale» d’un arrière-pays délimité et disposait d’un ensemble de caractéristiques qui lui étaient propres, du coup la vie politique, économique, sociale et culturelle s’en trouvaient profondément imprégnée. Qu’en est-il exactement? Parmi les facteurs de cette ascension, il y a d’abord la part de l’espace qui reste très importante pour comprendre le développement du système portuaire marocain. Le facteur géographique nous invite en effet à analyser d’abord la situation du site de Salé avec ses caractéristiques aussi bien nautiques que terrestres, ses voies de communication ainsi que ses ressources naturelles et humaines. Salé est situé sur la côte atlantique du Maroc, à 50 lieues au sud du détroit de Gibraltar. Il s’étend sur la rive gauche de la rivière du Bu-Regreg, escarpée à 30 mètres au dessus du niveau de mer. Malgré certaines apparences, la côte reste défavorable à la navigation et souffre de cet inconvénient naturel qui accentue la précarité de l’accès aux ports. Elle est assaillie par d’énormes houles, les baies abritées y sont quasi-absentes. L’un des premiers facteurs qui intervient dans le régime de la navigation, c’est bien la houle, menaçante dès fin septembre ou courant octobre, comme le laisse entendre le chevalier Isaac de Razilly qui, à la suite d'un long et vain blocus, où il perdit force, ancres et câbles sur la rade de Salé, justifiait son départ par le fait que la côte “ne vault [valait] rien”.2 Il y a ensuite l'alluvionnement marin et fluvial, qui intervient dans son blocage, par la création d’une forte barre variable selon l’amplitude de la marée et la force du vent et qui rend extrêmement dangereux l'accès au port, surtout en hiver.3 L'épaisseur de cette couche de sable n'est nulle part inférieure à 7m et dépasse parfois 11m dans les parties qui assèchent à basse mer. Néanmoins, les courants creusent un ou plusieurs chenaux où la houle à tendance à être moins dure en raison de la grande profondeur. Ces chenaux n'acquièrent de stabilité relative que pendant la belle saison favorable à l'activité maritime.4 La barre ne pouvait être franchie qu’à marée haute et seulement par de petits bâtiments ayant un faible tirant d’eau, menés par des marins expérimentés capables d’emprunter ces chenaux instables. Outre la houle et la marée, le vent et la fréquence des brumes régissent également le régime de navigation qui reste difficile, souvent impossible pendant plusieurs semaines.5 Mais, la multiplicité des handicaps naturels de la côte salétine ne semble pas avoir empêché navigateurs et marchands d’y accéder dès la plus haute antiquité, car, les risques du mouillage une fois surmontés, l'accès vers l'arrière-pays ne rencontre plus de difficultés majeures. Salé fait partie de la riche province de Fès où une collaboration assez forte s’est tissée entre la vie maritime et l’économie relative aux fertiles plaines atlantiques. Celles-ci furent souvent l’objet de descriptions élogieuses de la plupart des voyageurs qui ont visité la contrée, comme Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 985 Léon l’Africain qui, vers le début du XVIe siècle, vantait longuement les champs et les vergers de la région salétine, l'abondance de ses eaux et l'importance de leurs marchés pour le commerce régional et avec l'Europe. Prospérité et abondance attestées aussi bien par Marmol à la fin du siècle que par le Père Dominique Busnot au début du XVIIIe siècle. Confirmant les témoignages textuels, les sources iconographiques permettent, elles aussi, d'entrevoir ce visage terrien du Salé maritime. Non seulement l'importance de l'espace vert et l'extension des espaces cultivés assurent le ravitaillement permanent de la ville et de son “Arrabal”,6 mais elles traduisent également le rayonnement économique, qui fît de Salé un grand centre commercial à l’époque moderne. Plan du port de Salé. Bibliothèque Nationale de France. La région régréguienne est adossée à de vastes étendues boisées. Le royaume de Fès possède des réserves forestières assez importantes qui s'étendent, au nord et à l'est, sur plus de 300.000 ha. Salé trouve son bois dans la forêt de la Mamora qui fournit épisodiquement de gros marchés de chêne-liège, de cèdre, frêne et sapin. D'après l’ambassadeur français Pidou de Saint-Olon, qui visita la contrée vers 1693, les larges coupes effectuées tout au long du XVIIe siècle prenaient directement le chemin du chantier naval de Salé pour monter les coques des navires corsaires: “Sur ses bords (fleuve de Sebou) au dessus de la Mamorre une grande forest, qui peut fournir à la construction de quantité de vaisseaux”.7 Nous lisons encore, dans un document de 1808, que le raïs Ben L’asri reçut l'ordre de couper le bois nécessaire pour la construction de trois frégates.8 Les navires corsaires sont fabriqués avec du chêne-liège,9 bois excellent, dont est faite la coque des navires. On le voit, le bilan des facteurs géographiques pouvant expliquer la fortune du Salé corsaire reste pour le moins mitigé. Car malgré le caractère dangereux des approches maritimes du site et les inconvénients croissants d'un port inaccessible aux navires de fort XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 986 tonnage, l'essor de Salé s'explique pour une partie par la valorisation par les hommes d'un certain nombre de conditions naturelles favorables. Ces atouts bien réels n'ont pu peser qu'en fonction de la capacité des hommes à les valoriser. Derrière la grandeur de Salé, patente dès le début du XVIIe siècle, il y a les Salétins ou plutôt les “Nouveaux-Salétins”. Qui sont ils? Le rôle joué par les étrangers fut primordial dans l’épanouissement maritime de la cité portuaire Salétine. Il s’agit dans un premier temps des Hornacheros et des Morisques chassés d’Espagne. Selon l'historien canarien Luis Alberto Anaya, Salé aurait accueilli à lui seul 3.000 Hornacheros et environ 10.000 Andalous.10 Ils trouvèrent là, à cinquante lieues de Gibraltar, le point idéal d’où partirait leur vengeance. L’attachement à la patrie perdue explique leurs visées politiques, militaires et économiques, qui prirent la forme d’une active guerre de course, car, dès leur installation sur la rive sud du Bû-Regreg, les nouveaux Salétins se lancèrent sans merci dans l'armement des navires, en organisant et commandant eux mêmes des opérations visant, dans un premier temps, les intérêts espagnols et par la suite l'ensemble des intérêts des puissances maritimes européennes. Les revenus de la douane ainsi que le décime du butin corsaire alimentaient les finances. Salé devint incontestablement le grand boulevard de la course. Ses corsaires sont partout et rabattent vers le port marocain captifs et marchandises.11 Mais, les Morisques ne furent pas les seuls à assurer le commandement des navires, cette tâche fut également assurée par les renégats. En effet, la première moitié du XVIIe siècle, marquée par des conflits religieux en Europe, conduit les plus audacieux à tenter la fortune sous les cieux barbaresques. Les promesses de butin de la course et ses campagnes aventureuses ne manquent pas d'attirer nombre de ces bannis, rebelles et déclassés qu'on appelle communément les renégats et qui espéraient trouver ainsi une solution à leurs problèmes quels que pussent être les risques encourus.12 Ils disposaient d’un savoir faire qui permit aux Barbaresques de transformer leurs techniques de navigation, en particulier dans la guerre de course. Salé est l'un des points vers lequel vont converger ces hommes, aventuriers dans l'âme. Aussi à l'aise les armes à la main sur le pont d'un navire, à l'attaque ou aux razzias, ils utilisent ce port corsaire comme une base logistique qui leur permit de porter les coups les plus sévères à la marine marchande européenne. Ce sont bien les Hollandais qui seront les instigateurs de la navigation à voile au détriment, du moins en partie, de la navigation traditionnelle, car les Salétins par exemple continuaient à armer concurremment les deux catégories de bâtiments. Grâce à leur appui, la course connût un développement inattendu. On les trouve, évidemment comme capitaines de navires corsaires. C’est le succès de ces opérations qui décidaient de leur promotion dans la société salétine. Ainsi la course a vu s'accroître le nombre de raïs d'origine européenne. Presque toute l'Europe y est représentée, à tel point que le Trinitaire français Pierre Dan n’a pu s'empêcher de souligner que la plupart des corsaires furent renégats.13 Des plus redoutables sur mer, on retient, un groupe solide de Hollandais, comme le célèbre Morat-Raïs, dont l’apparition sur le terrain salétin coïncide avec la naissance en 1627 de la “République de Salé”, dont il deviendra le premier gouverneur.14 Il portera, par la suite, le titre d’Amiral de la jeune cité corsaire et président du Divan à la fin des années 1620. Comme adjoint, il désigne un de ses compatriotes, Mathys van Bostel Oosterlynch.15 Dans son entourage, le Castillan Juan Rodelgas compte huit “renégats” flamands.16 C’est bien lui qui conduisit l'extraordinaire expédition vers Reykjavik en 1627, d'où il ramena 400 captifs. D'autres renégats se joignent au cortège : 'Alî Baudry,17 Mohammad Hâj Candîl, Roussay ou Ramdan d'origine française; Chafar, Anglais; des Portugais tel que Cha'bân-raïs et un autre «Turc de profession», selon l'expression du temps, Pérez le renégat, qui éveilla l'attention de plus d'un chroniqueur, et est d'origine espagnole. Le port ponantais abrite également un lot non négligeable de renégats d’origine italienne. C’est le cas de Morat Genois ou Genevois et Venetia, dont les noms Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 987 renvoient directement à leur origine. Certains renégats se virent confier les plus hautes charges administratives en constituant la corporation dirigeante de la cité corsaire. L'essor de la course salétine s'explique également par l'attraction d'éléments dynamiques venus de l'extérieur, des rives de la Barbarie.18 Des corsaires renommés s’installèrent dans les cités corsaires de l'Empire des Chérifs. On citera à titre d'exemple, 'Omar El-Hâdj, un corsaire tunisien qui s'établit à Salé19 ou encore Kara Mustapha, un corsaire turc du Peñon de Velez.20 On relève également des noms renvoyant à des origines levantines; C’est le cas de Mohamed Turkî et de Yahyâ Trabelsî.21 Parmi les acteurs décisifs de l’activité corsaire, il faudrait également ajouter les pirates de la Mamora qui figurait parmi les repaires de piraterie les plus redoutables du Maroc atlantique et qui avait accueilli à son tour les pirates de Larache à la suite de la cession de leur port aux Espagnols en 1610.22 En effet, dès 1614, ces derniers prennent pied au port de la Mamora. Et pour assurer la continuité de leur mouvement, les pirates choisissent le chemin le plus court, mais le plus sûr aussi, qui les mène à Alger23 et surtout à Salé.24 Au fait, toutes les circonstances ont été favorables à ces aventuriers nordiques et l'infrastructure salétine était telle qu'elle n'a pas osé manquer la chance d'accueillir les éléments qui allaient contribuer activement à sa prochaine grandeur. Grâce à un important contingent de Morisques et un gros lot de renégats et de pirates installés à Salé, la rive gauche du Bû-Regreg est lancée dans le monde de la course. En fait, le facteur humain a eu une place de choix dans l’affirmation des aptitudes maritimes de la jeune cité corsaire. Et si le XVIIe siècle est considéré comme le siècle d'or de la course salétine, l'apport des étrangers y était pour beaucoup. D’autres facteurs ont contribué à faire de Salé un grand port, dont les facteurs institutionnels. Les nouveaux Salétins ont su profité de la désagrégation du pouvoir central au Maroc pour continuer à armer en course pour leur propre compte. Ainsi, ils ne tardent pas à se rendre indépendants de toute tutelle makhzenienne en s’érigeant en “République” dès 1627. Désormais, le pouvoir appartient à un gouverneur ou caïd élu annuellement et assisté d’un conseil ou Divan composé de seize membres. La Qasba devint alors la capitale du nouvel Etat. L’administration portuaire revient à un amiral, aidé par des intendants pour la surveillance des chantiers en construction et l’entretien de la flotte. Quant aux activités du port, elles se sont concentrées dans les mains des élites locales, le plus souvent issus de familles morisques. Ce nouveau statut influa profondément dans la concentration des efforts navals et de fortification de la cité. Aussi, le système défensif s’est vu amplement renforcé avec la construction de nombreux ouvrages côtiers pour pouvoir se défendre des croisières anti-corsaires européennes. Mais, de l’année 1641, qui vit la fin de l’épisode de la «République» corsaire, à l’année 1660, l’histoire politique de la région passe sous la domination assez légère des Dila, ce qui équivaut encore à une quasi-indépendance. Avant de passer définitivement sous l’autorité des chérifs ‘alawites en 1666, Salé s’était pliée à l’autorité du raïs Ghaïlân en 1664. La ville fut alors administrée comme les autres villes du pays. Néanmoins, vers la fin du XVIIe siècle, cette charge semble avoir subi quelques changements signalés par Jean- Baptiste Estelle, le consul de la nation française dans ladite ville. Il rapporte que l’agglomération salétine comprend pas moins de quatre caïds : A côté de ceux placés à la tête de Salé le Vieux, Salé le Neuf et la Qasba existe, en outre, un gouverneur du port spécialement chargé de s’occuper des marchands européens et de la navigation.25 Il semble XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 988 que les nouveaux maîtres du pays aient porté toute leur attention sur le Qasba, dont l’importance stratégique ne pouvait leur échapper et ce au détriment de la ville proprement dite. L’ère des magistrats quasi-indépendants, comme le laisse croire le consul Louis Chénier, était bien révolue.26 Le processus de fortification fut poursuivi. Le sultan Mûlây Er-Rachid (1666-1672) agrandit l’enceinte et renforce la défense de la forteresse du côté de la médina. Il prolonge les remparts dans la direction Sud-Est et les termine par les deux bordjs visibles jusqu’à nos jours. Quant à son successeur, son frère Mûlây Ismâ’îl (1672-1727), il fît réparer plusieurs murs de l’enceinte et fit «remettre à neuf» quelques tours dominant la rivière. Les facteurs technico-économiques furent également décisifs quant à la constitution du système portuaire marocain. En effet, les facteurs relatifs aux techniques de la construction navale furent à l’origine de l’essor de l’activité corsaire qui nécessitait un matériel naval adapté à ses entreprises avec une exigence essentielle. Des navires possédant des caractéristiques communes: d’être assez fin voilier, avoir un armement conséquent en artillerie et armes légères, les équipages pléthoriques. Les nouvelles techniques de construction navale firent leur apparition dans les ports corsaires maghrébins dès le début du XVIIe siècle. Un Hollandais de Dordrecht leur enseigna la manière de construire des “vaisseaux ronds” (c’est-à-dire des voiliers à phares carrés en usage dans l'Atlantique) et de les manoeuvrer, contribuant ainsi à l’expansion de leurs marines.27 Néanmoins, la navigation à voile s'est imposée à Salé plus que dans les autres cités corsaires barbaresques, car il reste le seul port corsaire du Maghreb- du moins jusqu'à la reprise de La Mamora en 1681 et de Larache en 1689 - donnant sur l’Atlantique. Une seconde considération présida à la formation de la flotte salétine, les navires devaient, en effet, avoir des dimensions assez réduites et surtout un faible tirant d'eau, pour surmonter le problème de la barre de la rivière du Bû-Regreg et pouvoir ainsi utiliser le mouillage.28 La première considération, qui est de faire face à l'Océan, écarte relativement l'usage des galères qui, jusqu'au XVIIe siècle, formaient le gros des forces maritimes des places corsaires barbaresques. C'est ainsi qu'au cours de ce siècle, les Salétins ont renoncé progressivement à l'emploi des galères pour adopter des navires à voiles, légèrement armés en général et maintenant souvent l'usage des avirons pour faciliter la marche et la manoeuvre. Toutefois, l'emploi généralisé de la voile, n'a pas totalement banni l'utilisation des «vaisseaux longs» ou des navires à rames qui permettaient de courir sur les flots au cours de la belle saison, même quand il n'y avait pas un souffle d'air. Ceux dont les noms reviennent le plus souvent dans les documents de l’époque sont: les brigantins, les chebecs, les polacres, les frégates à voiles latines dont il convient de rappeler les caractères essentiels. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 989 Quelques types de navires marocains armés en course au XVIIe siècle. En effet, la flotte corsaire salétine a longtemps conservé l'usage des avirons comme moyens auxiliaires pour faciliter l’évolution et la manoeuvre des navires, ainsi que pour entrer et sortir des ports. Deux qualités la caractérisaient: la vitesse car l'efficacité de leurs entreprises dépendait principalement de leur grande mobilité, aussi bien pour rattraper leurs proies que pour échapper à un ennemi souvent dangereux. Ils “font toujours chemin, écrit Jean-Baptiste Estelle, pour peu de vent qu'ils ayent, à cause des grandes voilles dont ils sont couverts”.29 La deuxième qualité est la légèreté. L'existence de la barre, comme on l’a déjà signalé, aussi bien à l'embouchure de la rivière du Bû-Regreg comme dans la plupart des rivières marocaines, fut la raison déterminante de la légèreté et de la petitesse des navires qui, en plus, calaient peu d'eau à cause du manque de fond du port.30 Le consul Jean-Baptiste Estelle nous offre à ce sujet une description plus précieuse: «Ils sont (le port de Salé et de la Mamore) de très-difficile entrée; car il faut entrer dans la barre et ses rivières. Il y faut bien des circonstances: il faut que les marées soient grandes et que la mer ne soit point agitée, et si encore il faut souvent que les vaisseaux de Sallé, qui ne sont pas grands comme je diray, ostent leurs canons, à cause du peu d'eau qu'il y a sur les barres; et avec toutes ces précautions, il s'en perd très souvent, ce qui cause que ces corsaires sont petits, pour être par là en estat de pouvoir entrer dans ces rivières facilement».31 C’est au fait la légèreté de leurs navires qui fit des Salétins les corsaires les plus redoutés du Maghreb, et un dicton des vieux marins disait qu’on n’échappait jamais de leurs mains.32 Les vaisseaux corsaires sont généralement munis de deux mâts, ayant, comme le note avec raison le consul français, une voilure disproportionnée par rapport à la coque: “Un de leurs vaisseaux de vingt canons a autant de voiles que ceux du Roy de quarente”.33 Ils marchent à la rame et à la voile en même temps pour faciliter l'échouage, car pour ne pas être esclaves des vents et pour pouvoir naviguer même par calme plat, les Salétins ont toujours conservé des bancs de vogue. En maintenant les avirons, à bord des navires de tous types, ils ont pu adjoindre à la vitesse, une grande liberté de manoeuvre et d'évolution. Le concours des rameurs était de taille pour pouvoir franchir la barre du Bû-Regreg, étant donné que la pratique des chenaux de sortie du port ou d'accès au mouillage restait très délicate. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 990 Au facteur technico-économique, pourrait s’ajouter éventuellement, le facteur socio-culturel qui est à la base de tout ce qu’on a vu antérieurement: l’organisation sociale, mentalités, groupes sociaux et ethnies, culture et maritimité. Ses protagonistes sont un conglomérat d’armateurs, de commerçants, de marins, etc. Les Fonctions de Salé et les résultats de sa spécialisation La fonction portuaire de Salé peut être expliquée à travers la notion du port en tant qu’espace dépendant de son hinterland et de son foreland, autrement dit de son arrière-pays et de son avant-pays. a. Salé au XVIIe siècle, port corsaire par excellence Dès le début du XVIIe siècle, la course a servi de tremplin pour un essor portuaire de la place salétine. Elle fut une source de richesse et occupa une place de choix dans l’animation de la vie économique urbaine qui a été initialement déterminée par l'investissement corsaire, engagé en fonction de calculs sur sa rentabilité potentielle. Cette activité occupa également une place importante dans l'animation du marché régional, voire national, car la course n'a pas seulement entraîné un afflux continu de prises et donc de richesses, qui devaient être vendues sur place ou réexpédiées à destination des grands ports européens, elle s'entretenait elle-même, en renouvelant sans cesse les moyens qu'elle devait mettre en oeuvre. Les Salétins ramenèrent de leurs campagnes des navires marchands qu'ils convertissaient aussitôt en navires de course, (pour l’année 1669, 40% des navires composants la flottille corsaire étaient des navires de prise et un peu moins de 30% pour 1671) ou ils se servaient des voiles, cordages et agrès quand le navire était reconnu inapte à cette activité. Ils se servaient aussi et surtout des hommes parmi lesquels, ils trouvaient des artisans qualifiés dans les métiers de mer surtout pour les postes requérants une certaine technicité. Les sources de la première moitié du XVIIe siècle signalent qu’en dix ans, entre 1620 et 1630, les Salétins auraient pillé “plus de mil vaisseaux chrestiens de toutes les nations”.34 La course scandalisait la Chrétienté qui avait tendance à la surévaluer, comme ce fut le cas du Père Mathias de San Francisco, qui alla même jusqu’à affirmer sous serment avoir vu le chiffre de 27 millions de ducats inscrit sur les registres de la douane pendant la période décennale de 1629 à 1639,35 autrement dit la moyenne des revenus aurait été de l’ordre de 2,6 millions de ducats environ par an. Entre 1668 et 1689, près de 70 prises françaises sont conduites dans les différents ports marocains. On recense 31 prises ramenées par le raïs Ben 'Aïcha dans un espace de douze ans et plus exactement de 1686 à 1698, à Salé, et dont quelques-unes amenées à l'extérieur de ce port. Pas moins de 23 prises auraient été effectuées en une année, entre juillet 1668 et août 1669: 19 anglaises et 4 françaises, “desquels les sept derniers sont tous très riches, et quatre entre autres qui estoient chargez de cassonade blanche et sur l'un desquels il y avait dix mille pièces de huit”.36 En 1682, entre septembre et fin novembre, plus de 30 navires anglais sont capturés.37 Et l'année suivante, les corsaires marocains réussissent à mettre la main sur 14 navires marchands.38 Entre 1732 et 1734, pas moins de 12 bâtiments anglais sont interceptés et 144 hommes faits prisonniers et conduits au Maroc.39 Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 991 Salé d’après Olfret Dapper, Description de l’Afrique 1686. ARMEMENT CORSAIRE ET ACTIVITE PORTUAIRE La puissance de l'armement corsaire à Salé a évidemment stimulé l'activité de branches essentielles de l'économie portuaire, au premier rang desquelles les industries navales, pour la mise en état d'une quinzaine de navires armés chaque année, pour la reconversion des navires de prise et pour les réparations fréquentes qu'exigeaient beaucoup de corsaires. D'abord, la construction de bâtiments neufs de faible tonnage pour la course a intensément stimulé la construction navale locale, au point de provoquer souvent une véritable pénurie d'approvisionnements ce qui expliquerait le recours à l’étranger, notamment aux pays nordiques. Une intensité qui a, sans aucun doute, contribué à entretenir l'activité des chantiers même au cours de la période de crise. Mais pour l’économie portuaire, la construction navale reste moins intéressante par les emplois qu’elle est susceptible de fournir à la main-d’oeuvre locale. Les effectifs humains embarqués sur les corsaires stimulent également l'activité de secteurs travaillant pour le ravitaillement des navires, telle la boulangerie. La course stimule d’autres emplois. Ce sont avant tout les emplois à la mer, comme rameurs ou Marins, soldats, canonniers, pilotes, timoniers... Avec plus de 2000 hommes embarqués dès l'essor de cette activité au début du XVIIe siècle, elle employait à elle seule un nombre important de la population. Lors des poussées maximales de l'armement, qui coïncident avec l'indépendance de Salé entre 1627-1640, la course suscite un appel de main-d’oeuvre allant bien au-delà de la région avoisinante, jusque dans les montagnes lointaines. Elle va même jusqu'à garantir l'emploi à une population maritime d'au-delà des frontières marocaines. Les rangs de la course salétine se sont vus renforcer d'un mémorable soutien anglo-saxon né de la prise de la Mamora en 1614 et de l'afflux de renégats hollandais. On retrouve également sur les navires marocains, des Barbaresques. Pendant la période ou Salé s’est érigé en république, la capacité maximale d’embarquement était évaluée à 4.000 hommes, ce qui signifie que la capacité d'embarquement offerte par la flotte corsaire pouvait XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 992 s'élever à plus de 20% de la population active. Entre 1669 et 1727 elle ne dépassera pas la moyenne de 2.000 emplois pour le marché local. b. Salé au XVIIe, premier port commercial du Maroc - Le commerce des marchandises Les retours de campagnes raniment tous les secteurs: les ventes, les marchandages, les adjudications de captifs. Les prises contribuent avant tout à faire de Salé un grand marchés cosmopolite, attirant des acheteurs et des hommes d'affaires spécialisés dans ce genre de commerce. La prospérité de la «Rochelle d’Afrique» s’est accrue davantage par le trafic et devient ainsi la première place du Maroc pour le négoce. Par un contraste apparent, marocains et européens admettent la coexistence de la course et du négoce, “deux bénéfices valent mieux qu'un, l'adresse consiste à se les ménager tous”.40 Loin de ralentir l'activité commerciale, la course contribue à son développement. Cette coexistence de la liberté de commerce et de la course provenait d'une double nécessité: d'un côté, le Maroc ne pouvait se passer de nombreux articles de l'Europe et, de l'autre, les corsaires auraient été fort embarrassés pour écouler des prises qui n'avaient pas d’acquéreurs sur place, sans la complicité étroite et constante des marchands européens et des marchands juifs qui les réexpédiaient ailleurs, vers des ports aux potentialités commerciales plus larges comme Cadix et les ports français avec de gros bénéfices.41 Le 28 mars 1697, Estelle, Le consul de la nation française à Salé, informe Pontchartrain qu'en temps de guerre, “on apporte en cette ville de Salé beaucoup de marchandizes de prises faittes sur les Hollandais et Anglais, dont ils eu ont fait des ventes très considérables”,42 car, comme le constate Salvago, sans ce trafic, les corsaires ne tireraient que peu de bénéfices: “l'écoulement des prises est la vraie raison de la course”.43 Pour la période de 1618 à 1626, la valeur des prises faîtes par les Salétins ne serait pas inférieure à 15 millions de livres,44 soit une moyenne annuelle d’environ 1,6 millions de livres. La vente des cargaisons contribue à développer les transactions sur place. Parmi ces cargaisons de denrées prosaïques: les draps, les toiles, les lingots d'or et d'argent, les meubles et la main-d’oeuvre. Il y avait un bon nombre composées de denrées plus précieuses, comme celles provenant de l'Amérique et qui affluent parfois en quantités massives, comme ce fut le cas en 1693 et 1694, lorsque le rais Ben ’Aïcha conduisit deux prises chargées de cacao, cannelle, girofle et du sucre; la première, portugaise rapporta 50.000 livres et la seconde, française pas moins de 80.000.45 A Salé, la recrudescence des opérations corsaires allait en parallèle avec la dynamique commerciale de la place. Autour du XVIIe et début XVIIIe siècle, les navires anglais, hollandais et français fréquentaient plus ou moins régulièrement la place portuaire salétine, qualifiée d’endroits du plus grand abord, et d'où les marchandises sortent plus facilement.46 Pour la France, l'avantage qu'elle trouve dans le commerce avec les ports marocains “est qu'elle y débite ses propres denrées, qu'elle y fait valoir ses manufactures, que les marchands n'y portent point d'argent et qu'ils en rapportent toujours des marchandises de plus de valeur que celle qu'ils y ont porte”.47 La présence des navires français à Salé est constamment signalée. Au cours d’une traversée en 1682, l’ambassadeur français Saint-Amans affirme en avoir vu plusieurs en même temps que les hollandais.48 D’après le consul Estelle, 16 navires seraient passés entre les mois de février et novembre 169749 et 12 bâtiments dans l’espace de cinq mois de l'année suivante.50 Les navires anglais sont également nombreux; ils sont près d'une centaine à venir annuellement entre 1720 et 1727.51 Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 993 Ne disposant pas d’une véritable marine de commerce, les Marocains attendent qu'on leur offre les marchandises d'Europe à domicile. Les commerçants européens ne manquent pas à Salé. Les importations marocaines consistent en draps, toiles, papiers, opium, tabac, verre, fer, plomb, acier, cotonnades et épices, sans omettre la poudre, les armes et les agrès pour les navires.52 En général, la contrebande avec les ports marocains a toujours été active malgré les interdictions pontificales et celles édictées par certaines puissances européennes. Les corsaires marocains ont su utiliser les rivalités intra-européennes, en signant des traités avec les uns et en faisant la guerre aux autres. Et à chaque traité d'amitié ou de paix, on stipulait la fourniture de matériel naval, de nouveaux canons, de la poudre, des boulets, etc. Du port de Salé on exporte les produits suivants: Cire brute, cuivre, cuirs, laine, étain, peaux, amandes, dattes, gomme arabique, indigo, ambre gris, ghazoul, maroquins, miel, savon, nattes, suif et même parfois du blé, bien que sa sortie du pays soit prohibée.53 Les marchandises chargées ou déchargées à Salé acquittaient un droit de 10% à 25% payé soit en nature, soit en espèce ad Valorem.54 Les revenus des douanes marocaines restent importants d'après les consuls européens accrédités à Salé. Seignelay évalue le montant des bénéfices de la douane à 200.000 livres entre le mois de janvier 1697 et juin 1698,55 pour ajouter que les navires français ont rapporté plus de 20.000 écus au trésor en1698.56 - Le commerce des hommes Une autre activité contribuait également à l’animation du marché salétin. Il s’agit du rachat négocié des captifs. La “marchandise humaine” représentait une valeur considérable. De 1618 à 1626, le nombre de chrétiens capturés par les Salétins aurait atteint les 6.000 âmes, soit une moyenne annuelle de 660 captifs, et si l’on considère que la valeur moyenne de chacun est de 600 livres, on arrive à un total de 396.000 livres environ par an. En fonction de leur sexe, de leur âge, de leur force, de leur milieu ainsi que de leur savoir-faire, les captifs pouvaient être vendus, du moins avant 1680, à une moyenne de 645 livres environ pour chacun. Toutefois, pour de nombreux cas, le prix d'un captif a été conditionné moins par ses qualités propres que par la somme à laquelle on pouvait fixer son rachat, de la rançon que l'on pouvait en tirer. Toujours est-il que chaque captif représentait une valeur que l'on pouvait traduire en argent. Les forces du milieu servile étaient renouvelées régulièrement. D’un côté par la capture lors des opérations de course et éventuellement par les accidents de mer près des côtes inhospitalières du Maroc.57 De l’autre, il y a les présides ibériques qui fournissaient également un important contingent de déserteurs,58 en sus des captifs pris suite aux engagements militaires directs des Marocains contre ces mêmes présides: Mélilla, Ceuta, Arçila, Larache, La Mamora et qui se soldèrent par la mise sur le marché de plus de 2000 captifs. Suite, à ces campagnes, les captifs venaient, à chaque fois, grossir les rangs des Européens déjà en captivité. Pour ce qui est des intermédiaires, il y a d'une part ceux qui sur place procurent les espèces nécessaires au rachat et, d'autre part, leurs correspondants en Chrétienté. En ce qui concerne les premiers, on rencontre le plus souvent des négociants chrétiens établis sur la côte,59 des renégats influents à la cour du sultan60 ou des agents consulaires européens en poste au Maroc intéressés par des opérations, qui malgré leur caractère XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 994 aventureux, restaient largement avantageuses.61 Toutefois, la majeure partie de ce genre d'opérations s’effectuait par l'intermédiaire des Juifs62 qui étaient souvent en liaison avec leurs coreligionnaires sur l'autre rive.63 Ils avancent ces fonds au Maroc et se font rembourser chez leurs partenaires installés en Europe du nord, dans la péninsule ibérique, le Portugal inclus,64 qui leur retournent leurs avoirs sous forme de marchandises pour le marché marocain: tabac, épices... Ils négocient entre eux par système de compensation.65 Ainsi, les grandes familles juives marocaines, en particulier les Toledano, interviennent dans presque toutes les négociations se rapportant à la rédemption des hollandais captifs au Maroc.66 L'échange des captifs portugais contre les captifs marocains prévu pour l'année 1696 s'est fait par l'avance d'une somme de 60.000 piastres à un Juif résidant à Amsterdam choisi par le “trésorier du sultan” qui n'est autre que Maymoran.67 c. Formation d’un réseau de sous-systèmes Au XVIIe siècle, le système portuaire marocain, ayant comme base principale Salé, a su tirer le meilleur profit de la densité de son réseau portuaire disséminé entre Méditerranée et Atlantique pour devenir un des foyers corsaires et des centres commerciaux les plus prospère du Maghreb. En effet, ce système serait impensable sans l’intégration d’un cortège d’entités portuaires actives marocaines et étrangères qui ont participé au jeu général de la course. On assiste à la formation progressive d’un réseau de sous-systèmes puisque Salé possède également un immense forland, autrement dit, un espace maritime tributaire de ce port et qui le connecte avec les autres ports méditerranéens et atlantiques à travers des réseaux commerciaux bien définis. Une connexion, certes, primordiale dans l’essor et le maintien de l’activité de course et de commerce, aussi bien pour le retour des prises, la commercialisation des produits déprédés et des produits de l’intérieur que pour le ravitaillement, le raccommodement et l’armement des navires en course. On assiste bien là à un système portuaire marocain disposant d’un immense foreland et véhiculant sur plus d’un siècle d’autres ports du Maroc: Tétouan, Larache, La Mamora et du Maghreb: Alger, Tunis. Et à travers la commercialisation des prises, le système communiquait avec les autres ports méditerranéens, comme Livourne, Marseille et Cadix. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 995 Tout un foisonnement de ports méditerranéens et atlantiques, marocains et étrangers, de Veere en Zélande à Mogador au sud en passant par d’autres ports maghrébins et espagnols ont adhéré sous différentes formes à l’entreprise salétine, tels que Tétouan, Fédala, Azamor, la Mamora, Larache, Tanger. Il faut également énumérer d'autres ports étrangers alliées. C’est le cas notamment d’Alger, des îles Bayonne à l'entrée de la baie de Vigo en Galice et des îles Sisargas, à l'ouest de la Corogne en Espagne. Certains ports servaient comme bases auxiliaires et étaient considérés comme des escales techniques. Il s’agit de Larache, la Mamora, Fedala, Azemmour, El-Oualidia, Safi, Tanger et de Tétouan, notamment pour les réparations fréquentes qu'exigeaient les bâtiments corsaires.68 D’autres places portuaires, une fois reconquises, se sont converties en points de retraite précieux, où Salétins, Tétouannais et Algériens venaient souvent se “rafraîchir”etc. Parfois, ils y conduisaient leurs prises, quand celles-ci étaient considérables, d’autres fois, ils s’y jetaient subitement, heureux de trouver un de ces refuges pour échapper à la tempête ou pour éviter les menaces d’une escadre européenne bloquant le port de Salé. Débarrassés de l'incursion espagnole, les corsaires ont pu renforcer leur position sur tout le littoral atlantique. A titre d’exemple, dès sa reddition en 1681 et vu sa proximité, la Mamora devient une des bases les plus importantes de la course salétine.69 Elle présentait plusieurs avantages et allait servir comme port d’appoint pour la flotte corsaire,70 et spécialement pour les bâtiments ne pouvant franchir la barre de Salé à cause de leur tonnage:71 “La rivière (de Sebou), écrit Pierre de Catalan, y est de beaucoup plus facille accès que celle de Salé et qu'il y peut entrer des navires de 5 à 600 tonneaux, tous chargés, et qu'il y a une forest tout proche de ladite place, au moyen de laquelle les Mores pourront fabriquer quantité de navires”.72 La même remarque vaut pour Larache qui suite à sa reconquête en 1689,73 fut développée comme port de course secondaire.74 Son port pouvait recevoir des navires de plus grand tonnage que celui de Salé, XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 996 mais le manque de bois empêchait l'établissement d'un chantier naval.75 La première mention de son activité corsaire date de l’extrême fin du XVIIe siècle. En l’année 1700, Manier de La Closerie compte trois demi-galères à 18 rames de chaque côté dans le port de Larache.76 Il y avait également 2 frégates armées de 20 et de 50 canons.77 Quant à Tanger, repris en 1684, elle ne jouera un certain rôle qu’au XVIIIe siècle. Parmi les escales atlantiques, on citera également les îles situées sur le littoral espagnol. Il s’agit des “îles Bayonne” à l'entrée de la baie de Vigo en Galice, qui d’après Jean d’Estrées “sont les retraittes ordinaires des Salletins pendant l'esté pour y faire de l'eau”.78 On citera aussi les îles Sisargas, à l'ouest de la Corogne. En cours de campagne, les Salétins font également relâche dans les ports hollandais. D’ailleurs, les autorités maritimes anglaises se sont souvent plaintes de l'appui que les corsaires barbaresques trouvaient auprès des Provinces-Unies, appelées «arsenal de la Barbarie», qui, non seulement leur donnaient accès à leurs ports, mais encore leur procuraient les provisions dont ils avaient besoin.79 On a vu que certains renégats comme l'Amiral de Salé, le hollandais Morat-Raïs, qui sera nommé 1er gouverneur de République de Salé en 1627, de son vrai nom Jan Jansz de Harleem, qui à la tête de deux navires battant le pavillon de Salé, n'hésite pas à entrer dans les ports de son pays d'origine pour y reconstituer ses approvisionnements.80 En effet, le renégat néerlandais se fait remarquer dès novembre 1623, lorsqu'il mène une expédition dans la Manche. Il s'aventure jusqu'au port de Veere en Zélande, en vue de réparer ses navires, reconstituer ses approvisionnements et compléter son équipage.81 Deux ans après, un autre renégat néerlandais suit son exemple, il s'agit du capitaine Jan Barentsz qui arrive en Zélande en janvier 1625.82 Au fait, les navires salétins virent souvent la nécessité de palier les lacunes humaines en important du monde de la Chrétienté, voire même en embauchant quelques fois au cours des campagnes, comme ce fut le cas en novembre 1623, lorsque le renégat Morat-raïs a dû compléter son équipage au port de Veere en Zélande.83 Aussi, à chaque fois, et chaque escale, de nouvelles recrues viennent remplacer ceux qui ont disparu au cours des combats menés sur terre ou sur mer. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 997 La course s'est accompagnée d'ententes de grande envergure entre les corsaires de Salé et ceux d’Alger et de Tunis. Pour assurer la continuité du mouvement corsaire, une entente s'est imposée d'elle-même. Et c'est le port d'Alger, qui s'est allié avec le plus de zèle à l'entreprise salétine. Cette solidarité est perceptible dans plus d'un témoignage, comme dans celui d'André Piolle qui date d’avril 1687, et qui écrit que les Salétins viennent vendre à Alger tout ce que la surveillance des sultans du Maroc les empêchait de vendre chez eux.84 Certains raïs y assurent l'armement de leurs navires comme ce fut le cas de ce corsaire de Salé qui “était allé à Alger, d'où quelques armateurs l'avaient renvoyé en mer”.85 La connexion barbaresque s'est également opérée au niveau du transfert de l'«homme-marchandise» d'un pays à l'autre. Un captif espagnol avait végété 48 années à Tunis avant de venir au Maroc pour être rédimé lors d'une campagne de rachat menée en 1661 par des Mercédaires espagnols. Un autre a vécu 8 ans à Alger avant d'échouer au Maroc, où il a été relaxé.86 Ces opérations de transfert sont, sans nul doute, la preuve que les cités corsaires du Nord-ouest africain étaient étroitement liées entre elles et avaient parfois une politique commerciale commune. On assiste bien là à un système portuaire marocain disposant d’un immense foreland et d’une aire de contact entre les domaines de circulation maritime véhiculant sur plus d’un siècle d’autres ports marocains, maghrébins et européens. A travers la commercialisation des produits déprédés, il communiquait avec d’autres places portuaires du monde méditerranéen et atlantique. d. Organisation urbaine: morphologie urbano-portuaire L’économie portuaire semble avoir été peuplante. On l’a bien signalé au début, la course a en effet attiré des milliers d’expulsés de la péninsule ibérique ainsi qu’une poignée d’aventuriers de tout poil en quête de lucre et de gloire. Les mentions que nous possédons XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 998 confirment la présence sur le terrain salétin de 20.000 habitants dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Au cours de ce siècle, la ville de Salé a connu un destin assez mouvementé et la disposition de l'espace urbain a subi de profondes modifications. La ville s'agrandit, se modifie et présente un plan d'une régularité inconnue des anciennes cités marocaines, due sans nul doute, à l'influence espagnole. La rive gauche de l'estuaire du Bû-Regreg comporte deux agglomérations : la qasba ou le Château et la nouvelle ville de Salé. Celle-ci est limitée au nord et au nord-est par l'oued, le long duquel on construisit un mur en certains endroits, il s'appuie à l'ouest sur la grande enceinte almohade du XIIe siècle87et se ferme, au sud et à l'est, par une nouvelle muraille andalouse qui, partant de Bâb el-Had, vint aboutir au bordj Sîdî Makhlûf, sur la falaise dominant le fleuve.88 Correspondant exactement à la médina actuelle, la ville ainsi délimitée, s'étend sur une superficie de 91 hectares, y compris le cimetière d'El-'Alû et la qasba, recouvrant ainsi une faible partie de l'emplacement de la ville du Ribât el-Fath almohade. Le reste n'est que champs et jardins; les Morisques y récoltent du blé, de l'orge, des fèves,89 et y Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 999 plantent de la vigne susceptible, aux dires de Carteret, de donner deux cents tonneaux de vin chaque année.90 Salé est séparé de la qasba par une place assez vaste, dite du Figuier,91 située dans la partie basse de l'actuelle place souq el-Ghzel, le marché de la laine. En 1660, lors du dernier siège de la citadelle, les abords de cette place “étaient fortifiés de petits boulevards ronds, faits de terre grasse” et dont l'ingénieur aurait été un “apothicaire, nommé El-Hajj Moussa”.92 Dans sa partie basse se situe le marché des captifs chrétiens. Quatre rues principales nord-est et deux voies transversales est-ouest, dont plusieurs au tracé très rectiligne, délimitent les différents quartiers.93 Resserrées entre la muraille andalouse et la rivière, les maisons ne s'étendent guère, à l'est, au-delà de la place du Figuier, à l'ouest, de Bâb el-'Alû. Le flanc de la colline, qui s'abaisse au sud-ouest de la forteresse vers la mer, est dépourvu de toutes constructions, sauf peut-être une petite tour. Aucun monument important, à part la grande mosquée mérinide, ne s'élève à l'intérieur des murailles. Les chantiers de constructions navales se logent en dehors de l'enceinte, non loin du port et plus exactement au pied de la Tour, qui est «A cinquante pas de la ville».94 On avait dû cependant procéder, le long de la ville au bord du fleuve, à quelques installations sommaires pour faciliter l'embarquement et le débarquement.95 Les événements politiques intérieurs et extérieurs ont, en effet, largement influé sur l'aménagement des deux agglomérations de la rive sud du fleuve : la citadelle et la médina. Sous les 'Alawites, la qasba se distingue nettement de la médina et semble même mener une vie à part. Elle reste exclusivement une forteresse du Chérif. Du côté de la rivière, les murs bâtis sur les rochers, sont très élevés et protègent la maison du gouverneur, qui s'y trouve adossée.96 Face à la mer, la muraille est garnie de canons qui, avec ceux des batteries du fortin installés sur la pointe extrême de la falaise, permettent à la citadelle de répondre aux éventuelles attaques des flottes Européennes. La qasba se trouve dominée et surveillée par le Château Neuf élevé par le premier souverain 'Alawite, qui voulait la réduire dans le cas d'une éventuelle révolte. A l'intérieur de l'enceinte, les constructions restent assez nombreuses. Le palais almohade se dresse toujours en face de la mosquée ancienne, construite au XIIe siècle. Il possède des souterrains où s'entassent les munitions,97 à l'abri des bombardements des marines ennemies. La prison des captifs chrétiens est située entre la maison du gouverneur au sud et la citerne au nord. La qasba renferme également des magasins, des habitations destinées aux soldats et des “maissons dos negros”,98 pour les chevaux, des écuries, où le captif Moüette, esclave du gouverneur, a travaillé quelque temps. Une citerne, située au nord-ouest de la citadelle, à peu près en face du magasin à poudre, recueille l'eau de pluie amenée des terrasses à l'usage des habitants.99 Le sultan Mûlây er-Rachîd (1666-1672) agrandit l'enceinte et renforça la défense de la forteresse du côté de la médina. Il prolongea les remparts dans la direction Sud-Est et les termina par les deux tours visibles jusqu'à nos jours. Quant à son successeur, Mûlây Ismâ'îl (1672-1727), il fit réparer plusieurs murs de l'enceinte et fit «remettre à neuf» quelques tours dominant la rivière. Sous son règne furent également élevées les constructions intérieures de l'enceinte de Mûlây er-Rachîd (mosquées, bains...)100 ainsi que le bâtiment qui abrite aujourd'hui le musée. L'ensemble formait une véritable petite cité ou l’influence andalouse apparaît très nette aussi bien dans le décor des portes et des maisons qu’à l’intérieur des maisons. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1000 Oui, la course a donné naissance à une agglomération urbaine assez importante et a contribué à la croissance d’une grande cité maritime. Ella a aussi su transformer le noyau de Salé en une assez importante agglomération humaine. e. Culture et mode de vie Le cosmopolitisme de la cité salétine induit son caractère culturel assez hétérogène qui se manifeste par exemple aussi bien au niveau de l’architecture et de la décoration des maisons et des navires corsaires que sur les choix onomastiques puisque les noms andalous perdurent dans le temps.101 Les instigateurs de la course ont gardé intacts leurs noms espagnols ou à peine les ont-ils déformés: Vargas devient Bargach, Pelafres, Balafrej; Blanco, Barco; Rodriguez, Carasco, Santiago, Galan, Crespo, Palomino, Pérez, Moreno, Marfil, Escalant, Aragon et d'autres.102 Le paysage linguistique se trouve également marqué par la culture castillane, surtout lorsqu’il s’agit du vocabulaire maritime, notamment les termes techniques qui sont presque tous d’origine espagnole.103 Les Musulmans bannis d'Espagne et installés au Maroc ont également conservé l'usage de leur langue d’origine. Les membres du Divan l'utilisent aussi bien dans leurs correspondances que dans les traités conclus avec les Européens. Quant à l’aspect extérieur des bâtiments corsaires, nous avons pu glaner quelques informations. Ainsi, la “liste des vaisseaux corsaires de Salé” d'Août 1669104 laisse apercevoir que les Salétins attachent en règle générale une grande importance aux motifs décorant la poupe ; telle cette “frégate neuve... portant en poupe un soleil doré en bosse”, ou encore celle prise sur les Français en août de l'année 1668 et qui porte “une lune en poupe”. Trois autres petites frégates, de construction locale et qui sont d'environ 30 tonneaux et dont chacune est armée de deux canons, quatre pierriers et de soixante hommes, “ont toutes une étoile peinte en poupe”.105 La frégate la Royale, armée en course en 1671, “a trois fleurs de lys et deux palmes derrière”.106 Pour ce qui est des choix onomastiques, il paraît que le milieu corsaire salétin a une préférence pour les noms d'origine laïque et qui sont parfois assez curieux. Echappant ainsi à l'univers céleste, les bâtiments corsaires s'intitulent fièrement la Perle, le Cheval Blanc, la Gabarre, le Soleil, Ixot. Il arrive également qu’on maintienne les noms de la nation d’où ils proviennent comme c’est le cas de: La Royale, Le Heart's Désiré ou le Hasewindt, la Terre Promise, Vreindschap ou l'Amitié ou encore les Deux Lions. Le Danois Höst rapporte, de son côté, que les navires corsaires portent le nom de leurs capitaines.107 Faut-il remarquer que cette aire géographique se démarque des autres par son peu d'enthousiasme pour les saints. Car, d'après les sources dont nous disposons, il ne semble pas que les armateurs salétins aient placé leurs navires sous la protection des saints. Les vocables qui leur sont consacrés sont rares pour ne pas dire inexistants. CONCLUSION En guise de conclusion, je dirai que nous sommes en présence d'un système portuaire dont la fonction principale reste intimement liée à la guerre de course, qui s’opère essentiellement dans l’Atlantique, et au commerce des marchandises et des hommes. Ces deux activités ont à long terme donné lieu une dynamique économique exceptionnelle. Les acteurs ont largement maintenu le commerce pour attirer de nouvelles prises de la course, qui ne pouvait vivre que du commerce. Et la coexistence de ces deux fonctions : une course formidable et d'un commerce prospère était appelée à se prolonger jusqu’au XVIIIe siècle. C'est dire aussi qu’à travers ces activités majeures, Salé et les autres petits ports du littoral atlantique marocain se Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1001 sont trouvés, au hasard des circonstances, incrustés dans les circuits si complexes du système portuaire atlantique. A travers le modèle salétin, nous assistons à une économie originale, à une société particulière, à une réalité institutionnelle distincte et à des traits culturels spécifiques. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1002 NOTAS 1 Sur les villes portuaires, voir. ZUBIETA IRUN J. L.: “Jerarquía en el sistema portuario español”, VI Coloquio de Geografía de la AGE, Palma de Mallorca, 1979. BROEZE F. (ed.): Gateways of Asia: port cities of Asia in the 13th-20th centuries, New York: Kegan Paul International; [Sydney]: In association with the Asian Studies Association of Australia, 1997; id, Brides of the Sea, Honolulu, University of Hawaii Press, 1989. MARTÍNEZ SHAW, C.: “La Ciudad y el mar. La ciudad marítima y sus funciones en el Antiguo Régimen”, Manuscrits: revista d'història moderna, núm. 15, 1997, pp. 257-278. 2 Lettre de Razilly aux esclaves français, du 24 septembre 1629, Sources inédites de l’Histoire du Maroc (S IHM), 1rèe série, France, t. III, pp. 241-242. 3 Lettre de Jean d'Estrées à Colbert, du 28 mai 1670, SIHM., 2 e s. Fr. t. I, pp. 302-303. 4 BUS-DE-VAIS DE CARSALADE: “Le port de Rabat-Salé et le Bou-Regreg”, supplément de l’Afrique française, Renseignements Coloniaux, 1913, pp. 20-26. 5 MAZIANE, L.: Salé et ses corsaires (1666-1727), un port de course marocain au XVIIe siècle, Caen, PUC, 2007. 6 Arrabal est le nom par lequel les sources espagnoles désignent faubourg. 7 FR. PIDOU DE SAINT-OLON: Etat présent de l'Empire de Maroc, Paris, M. Brennet, 1694, p. 22. 8 Archivo de la administracion generale de Alcala de Henares (A.G.A.A). Caja M. 215, Expp. n°1. 9 HOST, G.: Nachrichten von Maroko und Fès (1760-1768), Copenhague, 1781, chapp. VI, trad. par L. Brunot, La mer dans les traditions et les industries indigènes de Rabat-Salé, Paris, 1921, p. 339. 10 Cité par B. & L. BENASSAR, Les Chrétiens d'Allah, l'histoire extraordinaire des renégats, XVIe et XVIIe siècles, Paris, Perrin, 1989, pp. 398-399; SÁNCHEZ PÉREZ, A.: Los moriscos de Hornachos, corsarios de Salé, Badajoz, Diputación Provincial de Badajoz, 1964, p. 38. 11 MAZIANE, L.: Salé… 12 B. & L. BENNASSAR: Les Chrétiens..., p. 398. 13 Le R. PP. F. Dan, Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, PP. Rocolet, 1637, réed., 1649, pp. 365-366. 14 MAZIANE, L.: Salé…, pp. 173-175. 15 Ibidem, p. 52. 16 Ibidem. 17 COINDREAU, R.: Les Corsaires de Salé, Paris, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1948, p. 22. 18 Histoire d'un captif racheté à Maroc... (s.l.núm.d.), p. 15. La présence de corsaires d'origine levantine est attestée même dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, cf. Ch. PENZ, Journal du consulat général de France au Maroc ( 1765-1785), paraphé par Louis Chénier, Casablanca, 1943. 19 SIHM. 2e s. Fr. t. II, pp. 355. 20 SIHM. 2e s. Fr. t. I, pp. 249, núm. 1. 21 Archives Nationales (AN), Marine, B7. 525, Fol. 137. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1003 22 DE CASTRIES, H.: “Les trois Républiques du Bou-Regreg, Salé, la Kasba, Rabat”, SIHM., 1ère s. Pays- Bas, . V, pp. I-XXVIII. 23 PH. JACQUIN: “l'âge d'or de la piraterie, in Vues sur la piraterie”, s.d. de Gérard A. Jaeger, Tallandier, 1992, pp. 118-131; B. et L. Benassar, op.cit., p. 398. 24 B. ET L. BENASSAR, op.cit., p. 398. 25 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 10 octobre au 12 décembre 1696, SIHM, 2e s. Fr. T. IV, pp. 436. 26 L. DE CHENIER: Recherches historiques sur les Maures et histoire de l'Empire de Maroc, Paris, 1787, t. III, pp. 26. 27 PH. GOSSE: Histoire de la piraterie, Traduction de l’anglais par PP. Teillac, Paris, Payot, 1933, p. 67. 28 Lettre de Jean-Baptiste Estelle à Pontchartrain, du 18 janvier 1702, SIHM., 2e s. Fr. t. VI, p. 275. 29 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 26 septembre 1698, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, tp. 670. 30 ANÚM. Marine, B7 78 Correspondance au départ (Jérôme de Pontchartrain), Espagne, Versailles, le 8 juillet 1709, au S. Mirasol, fol. 48-49. 31 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s. Fr. t. IV, pp. 705. 32 BOUTIN, A.: Anciennes relations commerciales et diplomatiques de la France avec la Barbarie (1515- 1830), étude historique et juridique, Paris, A. Pedone éditeur, 1901, p. 25. 33 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 1er février 1701, ibid. t. VI, p. 233. 34 SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 364. 35 SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 193, núm. 2. 36 Liste des vaisseaux corsaires de Salé, 1er août 1669, op. cit., p. 280. 37 Lettre de Saint-Amans à Seignelay, du 23 novembre 1682, SIHM, 2e s. Fr. t. II, p. 288. 38 Smits Heppendorp aux Etats-Généraux, 8 juillet 1683, Algemeen Rijksarchief (A.R.A.), A.S.G., Liassen Barbarije, 6914, rec. 30 septembre 1683. 39 M. MORSY: La relation de Thomas Pellow, une lecture du Maroc au XVIIIe siècle, Paris, Recherches sur les civilisations, 1983, p. 19. 40 R. CAPOT-REY: “La politique française et le Maghreb méditerranéen (1643-1685)”, Revue Africaine, LXXVII, 1934, p. 60. 41 LOUIS BRUNOT, op. cit., pp. 250 - 251. 42 “Etat du commerce français au Maroc”, Bulletin Scientifique du Comité local, art. cit., p. 85. 43 J.B. SALVAGO: o Africa o vero Barbaria, Relazione al doge di Venezia sulle reggenze di Algeri e di Tunisi, Introduzione e note di Alberto Sacerdotti, 1625, Padova, 1937, p. 81, 490. 44 SIHM. 1ère s. Fr. t. III, pp. 115-116. 45 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 22 novembre au 24 décembre 1694, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, pp. 311- 318. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1004 46 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s., Fr. t. IV, p. 710. 47 F. PIDOU DE SAINT-OLON, opp. cit., pp. 145. 48 Voyage de Monseigneur le baron de Saint-Amans, Lyon, H. Baritel, 1696 p. 323. 49 Lettre de Jean-Baptiste Estelle à Pontchartrain, du 23 nov. 1697, SIHM., 2e s. Fr. t. IV, p. 550. 50 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 29 avril au 3 mai 1698, SIHM., 2e s. Fr. t. IV. p. 608. 51 R. THOMASSY: Le Maroc et ses caravanes ou relation de la France avec cet Empire, Paris, 1845, p. b216. 52 Mémoire de Jean d'Estrées à Colbert, 22 juin 1670, Ibid., pp. 311; Relation de Chateau-Renaud, du 2 septembre 1671, ibid., pp. 379; lettre de Henri Prat à Colbert, du 24 mai 1672, ibid., pp. 41; F. Pidou de Saint-Olon, op. cit., pp. 140-148. 53 J. BRAITHWAITE: Histoire des révolutions de l'Empire de Maroc depuis la mort du dernier Empereur Moulay Ismaël…, trad. de l’anglais, Amsterdam, Chez Pierre Mortier, 1731, pp. 426-427 ; SIHM. 1ère s. P-B, t. V, pp. 576, 589; 2e s. Fr. t. I, pp. 273, du 26 août 1671, ibid., p. 311, p. 382; 1688, ibid., t. III, p. 148. 54 Mémoire de Henri Prat, du 8 juin 1669, SIHM., 2e s. Fr. t. I. p. 273. 55 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du début octobre 1698, SIHM., 2e s. Fr. t.IV, p. 709. 56 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 29 avril au 5 mai 1698, SIHM., 2e s. Fr. t.IV ibid., p. 608. 57 R. LEBEL: Le Maroc chez les auteurs anglais du XVIe au XXe siècle, Paris, Larose, 1939, p. 96. 58 Archivo Histórico Militar de Madrid, AHMM, 4.3.5.5., fol. 5. 59 Ordre du Conseil Privé, du 11 mars 1635, SIHM. 1ère s. Angl. T. III, pp. 243. 60 Lettre d'Hatfeild à Joseph Addison, du 11 août 1717, D. Meunier, Le Consulat Anglais à Tétuan sous Anthony Hatfeild ( 1717-1728), étude et édition de textes, Tunis, Publ. de la Revue d'histoire Maghrébine, vol. 4, 1980, p. 24 et núm. 3. 61 Contrat de rachat de captifs, SIHM., 1re s. Fr. T. Doc. XIX, pp. 90-92 ; Doc. XCVI, p. 553. 62 Lettre de Jezreel Jones à Joseph Addison, du 21 mai 1717, doc. 4, D. Meunier, op. cit., pp. 18, núm. 3; Lettre d'Hatfeild à James Craggs, du 11 août 1718, ibid., pp. 28-29. 63 ANÚM. B7 76, Italie, 20 mars, fol. 398 ; Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 16 et 23 octobre 1693, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, p. 222. 64 CL. LARQUIÉ: “Simbolismo, cultura y pedagogía en las redenciones de cristianos durante el siglo XVII”, Areas, núm. 6, Murcie, 1986, p. 15. 65 J. L. MIEGE: “Les activités maritimes et commerciales de Tétouan (XVIII-XIXe siècles)”, conférence présentée à la faculté des lettres de Tétouan le 17 avril 1992, p. 9, núm. 31. 66 Mémoire de Haïm Toledano, du 23 juin 1691, A.R.A. A.S.G., Secrete Kast Barbarije, 12594-31. 67 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 16 et 23 octobre 1693, SIHM. 2e s. Fr. t. IV, pp. 222. 68 Lettre de David de Vries aux Etats-Généraux, du 3 octobre 1651, SIHM., 1ère s. P-B., t. V, pp. 290. Le système portuaire marocain et l’Atlantique à l’époque… 1005 69 Projet d'armement contre les Salétins, du 1er janvier 1687, SIHM., 2e s. Fr. t. III, pp. 24 ; Mémoire d'André Piolle, du 23 avril 1687, SIHM., ibid., pp. 43-46. 70 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle, du 30 mai-24 août 1696, SIHM., 2e s. Fr. T. IV, pp. 416. 71 Lettre de Pierre de Catalan à Colbert, du 19 mai 1681, SIHM., 2e s. Fr. T. I, pp. 537. 72 Ibidem. 73 Mémoire de PP. Calault de Villalain, d'octobre 1681, SIHM., ibid., t. I, pp. 582, núm. 1. Sur les préparatifs visant le siège de Larache, cf. Lettre de Périllié à Seignelay, du 16 juillet 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 262- 267; Lettre de Périllié à Seignelay, du 10 octobre 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 271-274 et sur la prise de la ville, cf. Lettre de Périllié à Seignelay, du 6 novembre 1689, SIHM., ibid., t. III, pp. 275-278. 74 Journal de Louis Bermond, du 17 janvier-11mai 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, pp. 271; Journal de Louis Bermond, du 13 mai-11 juin 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, p. 311. 75 L. De Chénier, op. cit., v. I, p. 24. 76 Lettre de Manier de La Closerie à Pontchartrain, du 6 octobre 1699, SIHM., 2e s. Fr. t. V, p. 438. 77 Lettre de Du Plessis-Moreau à Pontchartrain, du 25 janvier 1700, SIHM. 2e s. Fr. t. VI, p. 98. 78 Lettre de Jean d'Estrées à Colbert, du 18 janvier 1671, SIHM. 2e s. Fr. t. I, p. 343. 79 Introduction, SIHM. 1ère s. P-B, T. V, p. XIV, et núm. 5; P. GOSSE, op. cit., p. 75. 80 P. GOSSE, Histoire…, pp. 75. 81 Ibidem. 82 G. VAN KRIEKEN, “Renégats néerlandais en Afrique du Nord”, Les Cahiers de Tunisie, núm. 163, 1993, pp. 50-51. 83 P. GOSSE, Histoire..., p. 75. 84 Mémoire d'André Piolle, du 23 avril 1687, SIHM., pp. 43-46, d'après ce consul, deux corsaires salétins seraient arrivés à Alger avec des prises faites sur les Français et les Anglais. 85 Lettre de De Vries aux Etats-Généraux, du 4 juin 1652, SIHM. 1ère s. P-B., t. V, p. 331. 86 CL. LARQUIE: “Le rachat des Chrétiens en terre d’Islam au XVIIe siècle (1660-1665)”, Revue d’histoire diplomatique, octobre-décembre 1980, p. 326. 87 Cette enceinte avait été construite par le calife almohade El-Mansûr. Elle mesure plus de 5 kilomètres de longueur, en moyenne une épaisseur de 2m. 35 et une hauteur de plus de 8 mètres. Elle est percée par cinq portes. J. Caillé, La petite histoire de Rabat, Casablanca, chérifienne d’éditions et de publicité, 1950, pp. 20-22. 88 Relation dite de Jean Armand Mustapha, de juin à novembre 1630, SIHM., 1ère s. Fr. t. III, p. 333. L’enceinte morisque s’étend sur une distance de plus de 1400 mètres. Haute en moyenne de 5 mètres et large de 1m. 65. Trois portes permettent de la franchir. J. CAILLE, op. cit., pp. 22-23. 89 Bibliothèque Nationale de France BNF., Département des Estampes, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”. 90 Journal de G. Carteret, du 30 avril au 9 novembre 1638, SIHM., 1 ère s. Angl. t. III, pp. 442-460. XVIII Coloquio de Historia Canario-Americana 1006 91 Lettre de Pierre Mazet à Richelieu, du 10 février 1631, SIHM., 1ère s. Fr. t. III, pp. 370. 92 O. DAPPER: Description d'Afrique, trad. du flamand, Amsterdam, W. Waasberge, Boom et Van Someren, 1686, p. 141. 93 J. CAILLE: La ville de Rabat jusqu'au protectorat français,histoire et archéologie, Paris, éd. d'art et d'histoire, 1949., t. I, p. 246. 94 Journal du voyage de Saint-Amans, du 4 au 13 novembre 1682, SIHM. 2e s. Fr. t. II, p. 324. 95 J. CAILLE, op. cit., p. 247. 96 BNF, “Plant de Salé”, Département des estampes, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”. 97 BNF, “Salé, en Barbarie, ville de corsaires dans le royaume de Fès”, Département des Estampes. 98 Ibidem. 99 Ibidem. 100 Introduction, SIHM., 1ère s., Pays-Bas, t. V, pp. II, núm. 2. 101 B. BAHRAMI: The persistence of the Andalusian Identity in Rabat, Maroc, These, Universite de Pennsylvanie, 1995. 102 Projet de traité entre Salé et Charles 1er, SIHM. 1ère s. Angl. T. III, pp. 16-22 ; H. DE CASTRIES, “Les trois Républiques...”, art. cit. p. XXI; L. DE CHENIER: Recherches historiques..., t. III, pp. 119; B. BAHRAMI: The persistence… 103 L. MAZIANE, “Le vocabulaire maritime de la société corsaire de Salé-le-Neuf (Rabat) aux XVIIe et XVIIIe siècles”, Trames et langues. Usages et métissages linguistiques au Maghreb, J. Dakhlia (Ss dir), Paris, Maisonneuve et Larose, 2004, pp. 97-104.l. 104 Liste des vaisseaux corsaires de Salé, du 1er août 1669, SIHM., 2e s. Fr. t. I, pp. 279-280. 105 Ibidem. 106 ANÚM. Marine. B4 302, fol. 173. 107 Pour plus de précisions, voir L. MAZIANE, Salé…, pp. 152-156. |
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