LES CANARIES FACE AUX ILES PORTUGAIESES
DE i'A'I¿ANIIQQuE i8UU
FRÉDÉRIC MAURO
Université de Paris-X
L'histoire a voulu que presque toutes les iles de I'Atlantique sud-oriental
soient portugaises, 5 deux exceptions prk: l'archipel des Canaries
et tres loin, au fond du Golfe de Guinée, I'ile de Fernando Pii. Cette singu-larité
entraine pour les Canaries -négligeons Fernando P6- un certain
iioni)jre de conséquences qui appal-.;ssent bien 5 :'age des c'est-a-dire
entre 1500 et 1800.
Ne revenons pas sur les circonstances quiont fait des Canaries un archi-pel
espagnoll. C'est par le traité hispano-portugais de Tolede en 1480 que
le Portugal abandonne définitivement toute prétention sur ces iles, recon-naissant
aux rois d'Espagne da possession ou quasi possession qu'ils avaient
des Canaries*. Ce traité est donc signé bien avant celui de Tordesillas qui
isolera définitivement les Canaries dans une méditerranée portugaise. C'est
une chance pour les futurs conqzcistadorer du Nouveau Mexique et du Pé-rou.
Comme la fait remarquer Silvio Zavala, la conquCte des Canaries est
une répétition générale de la conquete de l'Amérique2. De meme les iles
portugaises seront-elles les laboratoires 06 se préparent la colonisation du
Brésil.
L'Atlantique est bordée de cméditerranées~2 commencer par la gran-de,
celle qui a donné son nom aux autres. Mais des le Haut Moyen Age la
Baltique et la Mer du Nord en forment une autre, favorisée par le réchauf-fement
du climat. On a pu considérer la zone maritime qui va du Cap Fi-l.
Bonne synthese du point de vue portugais dans le Diccionario de Historia de Portugal,
de Joel SERRAO, article Canarias (Ilhas).
2. Cité par CHAUNU (F.),S eville et L'Atlafltzq~~Set,m ctures, p. 349.
nisterre, 5 la pointe N-W de la Péninsule Ibérique, au Cape Clear, 2 la
pointe SE de I'Irlande, comme une véritable méditerranée avec ses c6tes dé-coupées,
ses iles et ilots, son systeme de ports, ses mers annexes (Manche,
Mer d'hlande, Golfe de Gascogne). Ne parlons pas de la cméditerrannée
américaines 2 partir de laquelle les Espagnols ont organisé la Conquista.
Faut-il rattacher a la Méditerrannée de 1'Atlantique sud-oriental le
Golfe de Guinée qui en est comme une sorte de prolongement? La question
n'a guere d'importance. Ce qui compte d'abord c'est cet ensemble extraor-dinaire
constitué par les cdtes de la Péninsule Ibérique, du Maroc et de
I'Afrique Occidentale, par les iles ou plutcit les archipels: Asores, Madere,
Selvagens, Canaries, Cap Vert. Méditerranée qui profite en permanence des
alizés. Ceux-ci font d'elle le passage obligé des navires européens qui se di-rigent
vers 1'Afrique (et donc 1'Asie) et aussi vers I'Amérique. Aux vents
s'ajoutent les Courznts. !z !atit~& & cZp S2int Vinc-nt -i! es1 curiel~x
de noter- jusqu'a celle du Cap Blanc de Mauritanie, le courant vers le sud
est connu sous le nom de courant des Canaries. Sa direction, nous disent les
traités d'océanographie, est sud- ou sud-sud-ouest jusqu'au 2% degré de
latitude Nord. 11 s'incline ensuite davantage vers le sud-ouest.. .
Cette méditerranée est d'abord et avant tout une méditerranée portu-gaise.
Des iles, sedes, nous I'avons dit, les Canaries échappent 2 l'autorité
lusitanienne. Sur la cOte du Maroc ce sont des places fortes portugaises qui
généralement maintiennent le contact avec les Maures et, en meme temps,
en protegent les vois ibériques de communication. Celles-ci sont bien con-nues.
Tres vite d'ailleurs on en a eu l'intuition: 2 l'aller les navires par Ma-dere,
les Canaries et es iles du Cap Ven, suivant les alizés du Nord-Est,
gagnent le plus 3 l'ouest possible 17Equateur, soit pour atteindre la mer des
Antilles soit pour passer plus facilement les *calmes équatoriaux» et se diri-ger
vers la Brésil et le Cap de Bonne Espérance. Au retour par contre les na-vires
qui viennent du Cap de Bonne Espérance par Ascension et Saint Héle-
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res les vents dominants d'ouest. Le fait que les Canaries soient espagnoles
ne semblent guere, au début, gener les navires pomgais qui quittent Lis-bonne
et cherchent une escale commode. Prenons les grands voyageurs du
début du XVIE siecle. En 1530-1532 Pedro iopes de Sousa, se rendant au
Brésil; passe par les Canaries et les iles du Cap Vert. En 1538 Joiio de Castro
se rendant aux Indes Orientales passe par les Canaries, puis 2 130 lieues du
Cap St Agustin. La nef Siio Paulo, en 1561, pase 5 l'ouest de Palma, se di-rígeant
sur Bahia. Le routier de Linschoten 2 la fin du XVI? siScle, indique
Madere, I'ile de Palma, le Cap St Agustin3. On peut meme se faire une idée
de la durée des voyages en prenant un seul exemple -un exemple heu-reux-
celui de la nef S5o Martinho, qui a quitté Lisbonnne le 5 Avril 1597.
Elle est passée 2 Madere le 16 Avril, aux Canaries le 18, aux iles du Cap
Vert, le 23 avril. C'est la période heureuse des voyages. Au-del2 des Cana-ries
et des iles du Cap Vert, beaucoup sont saisis, dit-on, par les fievres dues
au climat, surtout aux escales ou 5 I'approche des c0tes.. .4.
Les escales sont pourtant un moyen de se procurer de l'eau, des vivres
frais, de débarquer les passagers ou les marins malades, d'exécuter les répa-rations
indispensables, quelle que soit la nationalité de I'archipel. Naturel-lement,
de 1480 2 1580, tout le monde admet que les Canaries sont espag-noles,
que Madere, les Acores, les iles du Cap Vert son portugaises. Mais en
1580 les choses changent un peu puisque le roi d'Espagne devient en meme
temps roi de Portugal. Non sans difficulté on assisté 2 la révolte d'un autre
prétendant, le Prior do Crato, appuyé par Catherine de Médicis et qui
prend comme base les Acores. Une division de I'escadres commandée par
Don Antonio, le Prieur, et Philippe Strozzi, va jusqu'a I'ile de La Gomera,
tandis que Don Alvaro de Bazan s'installe solidement aux Canaries. Le
comte de Lanzarote occupe Madere:
<Lo cierto es que el conde de Lanzarote estaba adornado de meritos persona-les
que le hacian digno de mandar todas las Canarias y que no era incapaz de
conquistarlas de nuevo. Cuando don Antonio, prior de Crato, pretendio su-ceder
en la Corona de Portugal al cardenal don Enrique, scetio, y oprimido
de la fortuna de Felipe 11 se retiro con una escuadra francesa a la isla de
Azores, tuvo en la de Madera un partido considerable que, declarandose a su
favor, no dudo sacudir el yugo de la dominacion castellana. Don Alvaro Ba-zan,
primer marqués de Santa CNZ, vencio a don Antonio cerca de la isla de
San Miguel, la primera batalla naval que se habia dado en este mar Atlantico;
y don Agustin de Herrera, conde de Lanzarote, recibio orden de la corte de
Madrid para que transitando con algunas tropas a la isla de Madera. la redu-jese
al servicio de aquel monarca.
El conde la invadio sin perdida de tiempo, con 300 vassallos suyos, armados y
sustentados a expensas de su propio erario; se apodero habilmente de sus me-jores
fortalezas y allano el pais, mandando dar garrote a cierto fraile que ati-zaba
el fuego de la rebelion y ahorcando a dos oficiales inquietos. Como el
señor don Felipe 11 dehia haccr grande aporin de este distinpido se~icio!,e
3. Cf. F. MAURO, Le Portugalet I'Athtique azi XVIIesi'cle, Paris, 1960, p. 25. ,
4. Ibidem, p. 77.
escribio deferentes cortas honrosas, manifestando le todo su real agrado y, en
su consecuencia, le nombro capitan general de las islas de la Madera y Puerto
Santo y le dio titulo de marques, que fué como una extension del de conde
que tenia antes. En efecto, el marques de Lanzarote tuvo el mando de la Ma-dera
por 2 años hasta que el capitan Juan de Aranda le re1evó.d.
Par contre, lorsqu'en 1640 le sort devient défavorable aux Espagnols,
les Canaries subissent d'une certaine facon le choc les premieres. Cette fois
encore apparait leur d e p rivilégié d'observatoire espagnol dans le méditer-ranée
portugaise:
<Trajeron las primeras noticias a las canarias sesenta soldados castellanos que.
expulsados de la isla de la Madera violentamente, elegaron a Lanzarote a
principios de 1641. Referian estas que alli habian tomado las armas contra el
rey de España hasta los estudiantes, frailes y clerigos, proclamando a su don
Juan IV y apoderandose de las fortalezas y candales publicos. Al oir semejanre
sublevacion, a tonitas, fieles e indignadas nuestras islas, no las quedo nada
que hacer calificar su antiguo celo a la monarquia y ponerse en mejor pie de
defensa contra vecinos tan peligrosos. Casi todos los cabildos que celebro Te-nerife
por aquel tiempo, convocados por el corregidor Urbina, tenian esta
materia por blanco. Lo primero que hizo la ciudad de la Laguna, en 4 de
marzo, fué una procesion general por la paz, gloria y conservacion de la co-rona
sobre las sienes del señor Felipe IV. Luego mando ofrecer sus humildes
servicios a aquel principe en cuanto alcanzasen sus fuerzas. Trato de municio-nar
el castillo principal de Santa CNZ, atricherar el de Paso Alto, concluir el
baluarte de La Orotava, levantar un fuerte torreon en la Caleta de Negros, re-parar
el de Garachico. Hizo asiento con los mercaderes ingleses para que pro-veysen
las islas de toda especie de viveres y municiones. Y aun tomo la singu-lar
resolucion de doscepar todas las vinas del pago de Genito, afin de que, sir-viendo
a la labranza y a los pastos, abundasen mas los granos y las carnes en
Tener&&.
ceíie'"; latoratioli avec le roi conírcle s Fumgais, la retruUve le
plan financier et fiscal. Les Canaries aident le roi par un donativo. En é-change,
elles sont exemptées de I'application de la pragmatique sur le pa-pier
timbré:
«Para estos grandes preparativos contribuyeron todos sus pueblos con un do-nativo
voluntario de 47.898 reales deislas, sin contar otras cantitades de trigo
y vino. Pero apenas se acababo de hacer esta colecta, cuando se presento el
ayuntamiento, por mano de Don Juan Fernandez de Talavera, ocdor decano
de la Auduncia, una real carte en que, participando S.M. las sublevaciones
de Portugal y Cataluna, daba a entender cuan confiado vivia de que la acos-tumbrada
fidelidad de los canarios acudiria a servirle en tal estrecho. Sirviolé
Tenerife, a pesar de sus empanos domesticos y sensible decadencia, con
60.000 ducados, pagables en 12 años, bajo la dondición de ciertos arbitrios
sobre positos publicos propios, estanco del tabaco, etc. A proporcion contri-buyeron
las demas islas. Todo el donativo sumo 106.500 ducados.J.
Escale espagnole dans un monde portugais, ainsi apparait I'archipel
canarien au XVIe siecle et XVIIe siecle, y compris dans cette période ambi-dQuhle
CeUrGnric, entre 158e e: 1649. D'aü:an: qUe chaTUe ad-ministration,
la portugaise et l'espagnole, ont gardé leur autonomie respec-tive.
Simplement entre ces deux dates les relations ont été plus faciles, le
systeme militaro-naval plus compact. Mais cela est secondaire. Ce qui
compte surtout c'est le commerce. Qu'en est-il?
B) ECONOMIE ET COMMERCE D'UNE MÉDITERRANEE
En réalité les Canaries se trouvent tres vite beaucoup plus mElées 2 la
vie de 1'Arlantique portugais que ne le voudraient les Espagnols de Séville.
Poste avancé de Séville dans I'Océan, elles sont un peu son enfant terrible
qui n'obéit pas aux consignes maternelles et ne cesse d'aller jouer avec les
enfants du voisin, avec les 'les portugaises, avec tout le monde portugais.
Naturellement quant on est brutaiisé par les autres, par les Portugais,
on se retourne vers le mere patrie. Par exemple, en 1520, 2 propos de la dé-limitation
des terrainr de course, C Q ~ ~ T ~ ~ T ~SI Tx !Y P &Ste~ &I ~ S~Shu.il aru
les Canariens possedent une base, La Torre de Santa Crgz de la Mar Peque-ña,
située au sud du Cap Juby, sur la c6te actuelle du Río de Oro. Base es-sentiellement
commerciale 06 les Canariens se procurent or et esclaves. Un
navire fait régulierement la jonction entre les iles et la Torre. «Le trafic est
assez fructueux pour susciter des frottements avec l'autorité portugaise, ja-louse,
en outre, de trouver, a l'intérieur de son for, une fois de plus la cas-
. .
7. Ibidem, t. 11, p. 574. Date indiquée: 4 mars 1649. L'auteur note le déclin du commerce
canardien apres 1640.
s'en doute. Des 1540 les Portugais, 2 Ténérife, sont accusés, sous prétexte
de cabotage d'ile en ile, d'aller, malgré le monopole, jusqu'aux Indes de
Castille. Pierre Chaunu signale en 1364 un navire parti, sans régistre, des
Canaries pour les Indes et ayant 2 son bord, ce qui aggrave le cas, un pilote
et des marins pourtugais". A la fin d'aoiít 1571 la flotte de Nouvelle Es-pagne
s'arrtte cinq jours aux Canaries. Dans ses eaux se glisse, cherchant 2
se joindre 2 elle, un navio portugais de 200 toneladas.. .
Inversement les Canaries se comportent de plus en plus comme des iles
portugaises. Nous avons fait allusion 2 la premiere étape: le temps oii elles
se considerent comme des iles portugaises 2 l'égard de 1'Afrique oii elles
cherchent 2 remplacer par des esclaves noirs la main d'oeuvre guanche qui
commence.2 faire défaut. On peut établir un parallele avec Madere qui
pour le développement du cycle sucrier fait elle aussi, 2 la fin du XV? et au
début du XVE siecles, appel 2 la main d'oeuvre noire.
Mais la conjoncture évolue. A partir de 1560 on voit les Canaries en re-lation
non seulement avec le Cap Vert mais avec toute la c6te d' Afrique jus-qu'au
fond du Golfe de Guinée, avec la c6te portugaise et l'Algarve, avec
les places portugaises d'Afrique et, sans compter le Brésil, avec les iles por-tugaises,
donc avec toute cette méditerranée portugaise que nous avons dé-finie.
Cette croissance des relations luso-canariennes connait, selon Pierre
Chaunu, deux maxima:
a) «la fin de la grande récession du demi XVI? siecle~.L es Canaries
semblent alors tremper dans cette route clandestine de l'argent entre le Rlo
de la Plata espagnol et le Portugal.
b) 2 l'aube du XVIIe siecle: une cédule de 1601 révele l'importance du
trafic entre les Canaries d'une part, le Brésil, le Cap Vert et la Guinée
d'autre part en violation des droits portugaisll bk. 11 est vrai que I'on est
sous le régirne de l'union des deux Couronnes. L'autorité réagit assez molle-ment
et seulement dans la mesure 06 par ricochet ces violations atteignent
les Indes de Castille et le monopole de Séville. Une cédule de 1603 montre
11. Ibidem, p. 384. Cf. nombreux exemples de ces fraudes dans F. MORALES PADRON,
Cedur'ano de Canan'as, Sevilla, 1970, T. 1, pp. 102, 113,239,252, 359, T. 11, p. 5. 23,24,80.
11 bis. Les Canaries court-circuitent les communications européenes de Lisbonne. En
1613, le duc de Lerme écrit au roi: son se plaint que le bois brésil aille aux Canaries, et dela en
n--.a--- -- -.. n I /e: E A * / - 7 ~ -+ T ---- , / ,?\ E- - / ~ n1- u< 3- ~ i a i i u i cr r~ i iuii au rui~ugain( aiiilaiico L -,u, p. i u ~L, I xp. I U I ~ J .& I I iulu IC ncgcm uc
Portugal se plaint de ce que les navires partent de Madere et des Asores pour le Brésil et revien-nent
décharger aux Canaries: de 12 le sucre va directement 3 Amsterdam (B.N. Rio, Documen-tos
Históricos, vol. LXVII, p. 70).
que ce commerce canarien s'étend ii 1'Europe du Nord-Ouest. Les marchan-dises
des Indes ne prennent plus la peine de passer par Séville: voilii le
danger!
De ces deux maxima le plus réel semble le second. Le premier est pas-sager,
purement conjoncturel, lié a des difficultS sévillanes. En fait, pen-dant
tout le XVI? siecle on asiste a une lente poussée du tr& canarien
avec le monde portugais, pousée liée 2 la fois au développement de I'empi-re
portugais et 2 celui de I'empire espagnol, facilitée aussi, apres 1580, par
I'union des deux Couronnes. Par contre, le second maximum détache les
Canaries de la conjucture espagnole du XVIE siecle et les rapproche de la
conjoncture portugaise, bien meilleure, avec des mouvements de longue
durée Kondratieff atténués grace 2 la spectaculaire poussée du sucrel2. Le
trend séculaire négatif du XVIIe siecle n'existe pas plus pour les Canaries
que pour 1'Ernpire portugais de 1'Atlantique.
Tandis que les Canaries entrent de plus en pus dans I'activité de l'em-pire
portugais, les Acores et Maderes, elles, entrent de plus en plus dans la
vie de I'empire espagnol. A propos des Canaries et des Acores, Pierre Chau-nu
parle de syrnétrie: les premiers profondément intégréss au systeme des
communications de 1'Empire portugais, les secondes, sur la route de retour
de la Carrera, profondément intégrées au systeme de communications de
I'empire espagnoll3. Madere par contre, garde una position marginale par
rapport a la Carrera espagnole. Pierre Chaunu s'étend beaucoup sur cette
marginalitél*:
«Mad?re est un peu en dessous du 3% degré de latitude nord soit un peu trop
au nord-ouest pour se trouver dans I'axe de la route optimale d'Aller: on a
intéret a gagner le sud, au plus coun, ce qu'on fait évidemrnent en visant Lan-zarote.
Les rares fois ou les navires de la Carrera ou de la pré-Carrera ont fait
le crochet para Madtre, ils n'en ont pas rnoins touché les Canaries ensuite.
Donc Madtre peut h e , les cas échéant un escale supplémentaire, elle ne
sup~lantee n aucun cas l'escale canarienne. Or cette escale supplérnentaire
n'est, la plupart du temps, @re souhaitable, trop proche -150 2 200 miles
environ- des principales iles canariennes, trop excentrée, aussi, de la liaison
directe Andalouiselescale canarienne, la plus souhaitable. Dans la mesure ou
elle n'ajoute rien sur la route d'Aller, I'escale de Madtre doit etre évitée.»
12. F. MAI-JRO,L o PnrtugJetl'Atlnntiq~~me XVL- r i&! p . Cf. p. CHALIm, o$. cit., p.
379-382.
13. P. CHAUNU, op. cit., p. 442-443.
14. Ibidem, p. 442-448.
Sur le route des Retours, Madere n'est pas mieux placée. Un détour,
naturellement, par I'ile, n'est pas impossible, en particulier en hiver. A
I'aller Madere est une escale commode sur la route de Lisbonne au Brésil. Et
en cela elle est profondément portugaise. Sur la route qui va de Séville 2 la
méditerranée américaine, Madere reste 2 I'écart, 2 I'aller comme au retour.
Un autre élément écarte Madere du systeme espagnol: sa prospérité su-criere
du tournant du siecle -disons de 1480 2 1580- en fait une concur-rente
des iles espagnoles de la Méditerranée américaine. Ensuite, par con-tre,
c'est le vin qu'on peut charger 2 Madere comrne aux Canaries, le vin
qui ne vient pas faire concurrence au sucre des Antilies, tout juste au rhurn
qu'on en tire. Mais alors il y a concurrence entre vin de Madere et vin des
Canaries.
Cependant bien que située sur les franges de la Carrera, Madere n'est
,"O c-cnl-m~..+ --,rlii, 2,- a ,:,,* A'C,.."n.., E+ n.in,,-I i ina mnnnrp
C V L ~ I C I I I C I I L CACI.UC UL J JVUCL J uu I V I U L J ~ ~ ~ L X LC ~. C~ U L I I I UU I I L u l b u a l r \ -
pese sur Madere, il réagit, par example lors de la grande attaque francaise de
Montluc, sur 1% en 1566-67. «L'expédition écrit H. Lapayrell, bien que
visant une possession portugaise, alarme Philippe 11, d'autant plus que la
flotte frangaise a pris au passage deux hourques flammandes qui valaient
plus de 150.000 1ivres.w Mtme les milieux d'affaires de Vieille Castille
s'alarrnent.
La correspondance de la Casa de ¿a Contratación elle mtme rnontre
l'importance de Madere pour la Carrera, avec un plus ou un rnoins selon les
époques. A en croire Pierre Chaunul6 on peut distinguer:
a) ce qu'il appeile une période de participation dans la phase colom-bienne
et les premieres années de la Découverte. Participation due 2 I'im-précision
des routes et 2 l'ignorance des conditions optimales de la naviga-tion,
cornme cela se voit bien lors du trosieme voyage de Colomb.
b) dans une seconde période, Madere semble s'éclipser de la Carrera,
et cela jusqu'en 1580.
cj 2 partir de i380, ies iiens sont de nouveau étroits. Cst-ce dÜ 2
I'union des deux Couronnes? au déclin du cycle du sucre et 2 la poussée de
celui du vin?
, La prerniere explication prend un relief paniculier au moment de la
guerre contre le prieur de Crato, basé aux Acores, ce qui pousse les navires
& l2 Curpr2 5 Cyltpr CP!!eS-Ci. ?&iS deja, c ~ ~ qnpQs r mr!, !'un d'p~i,,
déporté par la temptte, est jeté sur I'ile. Ce n'est pas tout 2 fait le cas de la
15. Une famille a'e marchan& les Ruiz, p. 405
16. P. CHAUNU, op. cit., p. 446.
nao gallega 2 laquelle fait allusion Femandez Duro pour 1581". De retour
des Indes elle aurait coulé sur les crjtes de Madere mais I'argent a été sauvé.
Son capitai a voulu éviter les Acores aux mains du Prieur. La route de Ma-dere
est plus difficile, moins bien connue. Par contre, en 1595, l'abordage 2.
Madere de la nao de Lazaro de Arpide est, sans hésitation, imputable au
mauvais temps. En 1599 une lettre de Cádiz, signée Pedro de Castillo, fait
allusion 2 un certain Manuel Lorenzo, que I'on dit wezino de la Isla de la
Madera, que l'on voit revenir avec una cargaison de cuirs et de bois de
campeche en compagnie de trois gdions. Faut-il y voir l'indication d'achats
de Madere aux Indes Occidentales? Enfin en 1623 on envoie de Séville 2
Madere trois navires étrangers. 11s doivent porter secours au navire amiral de
la Flotte de Nouvelle Espagne, qui a été accidenté. Vaste opération de récu-pération
de I'artillerie qui se trouve 2 bord.. .la. Bred Madere, iie marginale
de 1'Empire espagnol? Oui dans certaines limites.
C) RELATIONS ENTRE LES ILES
1) D 'abordcelles qui unissent les Cananes et les ?les du Cap Vert. Vis a
vis de celles ci, nous l'avons vu, les Canaries se sont données les privikges
des Pormgais. C'est qu'ils utilisaient la charte accordée le 12 juin 1466 par
Alphonse V 3 Santiago do Cabo Verde. Cette charte accordait 2 Santiago la
liberté du commerce avec le continent ouest-africain, excepté 2 1'ile d'Ar-guim
o13 le monopole roya1 était maintenu intact. Elle supprimait 2 Lisbon-ne
les droits de douane sur les importations venues du Cap Vert et ailégeait
ceux qui existaient sur les produits venus au Portugal des Canaries, de Ma-dere
ou des Acores sur des navires cap-verdiensl9. C'est pourquoi, dans les
années 1513-15 15 par example, on voit beaucoup d'esclaves arrivés aux iles
du Cap Ven destinés 2. la réexportation et vendus 2 des Espagnols qui les
A .... c - ~ . . ~ . : - ~ T.J-= an rnr+;i2l0 - I ~ anr rlp~ llV ~ ~ ; ~ ~ L ~ ~ L L J ~ ~ L L L aI IuLA ~ ~ L I ~ LuuL Lau~h LUUL~ UL ~ ( W L U L ~ 1 x 1 1 ~ULU~VAA U L U~L U-Couronnes
et le systeme des Asientos, ce commerce se multiplie et nous en
17. Amaa'as espaBoZas, 11, p. 497.
18. P. CHAUNU, op. cit., p. 447.
19. T.B. DUNCAN, AtZantic LrZands: Madeira, tbe Azores andtbe Cape Verdes in seven-teenth
centuiy comrnerce andnavigation, Chicago, 1972, p. 19.
20. Ibidem, p. 198.
avons jadis expliqué les détails21. Le nombre des esclaves transportés aux
Canaries est important si l'on en juge par cet extrait du cedzllario publié par
Francisco Morales Padrón:
«A los juezes de registro de las yslas de Canaria, Tenerife y la Palma que los
registros que en ella se hicierin de los 3 mil esclavos que los contratadores de
Cabo verde y Guinea an de navegar a las Indias en conformidad de la cedula
que se les dio embien al presidente y juezes officiales de Sevilla dentro de seys
meses de como se huvieren hecho y de aver lo cumplido avisen.. .
... Lo que son Simon Ferreyra Ambrosio de Atayde, Pedro Freyre e Diego En-rriquez
portugueses se asento en el contrato de los esclavos de las yslas de Ca-bo
Verde y Rios de Guinea.. .»22.
T.B. Duncan nous donne pour les années 1607-1610 une liste impres-sionnante
de navires chargés 2 Santiago pour les Canaries: cinq s'ajoutant 2
huit destinés 2 1'Amérique espagnole. En tout donc treize bateaux trans-portant
4.439 pieces d'Inde dont 3.923 pieces pour 1'Amérique et 516 pour
les Canaries. Voici les cinq destinés aux Canaries:
«4) The caravel Nossa Senhora do Rosano (Nicolau Lopes of Lisbon, master)
left for the Canaries on 12 Juin 1609 with slaves, hides, and wax, carrying an
estimated 164 pecas.
5) The caravel Nossa Senhora de Boa Viagem (Pedro Goncalves master) left
for the Canaries on 18 novembre 1609 with slaves, hides and wax carrying an
estimated 162 pecas.
. . .
11) The ship Santo Antonio (Luis Manco master) left for the Canaries on 26
may 1610 woth slaves, hides and wax, carrying an estimated 5 1 pecas.
12) The caravel Santo Antonio (Jeronimo Femandes, master) left for the Ca-naries
on 26 July 1610 with slaves and hides, carrying an estimated 125 pecas.
13) The ship Santo Antonio (Manuel Ribeiro, master) left for the Canaries on
4 september, 1610 with 14 pecas.&.
21. F. MAURO, Le Portugalet Z'Atlantique au XVIIe sikle, p. 157-182. Voir awsi Ernes-to
G. PERALTA RIVERA, Les mécanünes du conmerce esclavagiste au XVIIe siecr'e (These 3?
cycle EHESS, 1977).
22. F. MORALES PADRON, Cedalano de Canarias, 1, p. 327, (2 1 février 1591).
23. T.B. DUNCAN, op. cit., p. 200.
Cependant les marchands espagnols restent désavantagés par rapport
aux marchands portugais puisque, comme le montrent les régistres de
douanes, pendant ces années 1609-1610, deux navires de Séville ont payé
des droits sur les marchandises apportées a Santiago, alors que les bateaux
portugais n'en paient pas et quinze navires espagnols allant aux Canaries ou
en revenant ont payé des droits 2 Santiago a I'importation comme a l'expor-tation24.
Ces années 1% les navires espagnols passant a Santiago do Cabo
Verde sont au nombre de 42: 16 pour les commerce avec I'Afrique Occiden-tale.
Ce total ne comprend pas les navires portugais transportant des mar-chandises
exemptes de droits25. En échange des esclaves, les Canaries sem-blent
fournir surtout du vi@. Pour le premier semestre de I'année 1615 les
taxes recueillies par les douanes de Santiago et Fogo sur les six navires enga-gés
dans le commerce des Canaries représentent 176s 506 réaux conue 501$
488 pour le commerce de Guinée et 268$ 137 pour le commerce des An-tiiiesn.
11) Entre Mad2re et les Canarks aussi tout un commerce existe, melé
de rivalités et de concurrences. N'exagérons rien cependant. Si nous consi-dérons
les registres de douane de Funchal en 1620, les marchandises expor-tées
vers les Canaries paient 172.499 réaux sur un total de 3.786.672. Et en-core
semble-t-on profiter de I'union des deux Couronnes. Car en 1650 le
poste tcanariesw égale néant sur un total de 4.139.738 réaux28.
Naturellement c'est d'abord le blé puis le sucre qu'on recherche 2 Ma-dere.
Gaston Fmctuoso nous parle des habitants de Forteventura. 11s sont
loyaux, dit-il, envers les Portugais et les Castillans et ennemis des Maures de
Berbérie qu'ils attaquent souvent. 11s vendent alors leur butin a Madere
avec laquelle ils commercent beaucoup 2 cause du vin et du «miel de can-nes,
qu'ils peuvent transponer, étant donné la proximité des deux iles29.
Mais l'on cultive la canne aussi sur la Grande Canarie, qui prétend que son
sucre est meilleur que celui de Madere. On trouve dans I'ile espagnole,
dans le premiere moitié du XVIe siecle, 24 moulins a sucre, tous produisant
au moins 6 ou 7.000 arrobes paran. Cette ile est riche, saine et souvent fré-quentée
par les étrangers30.
24. Ibidem, p. 203.
25. Ibidem, p. 204.
26. Ibidem, p. 205.
27. Ibidem, p. 206.
28. F. MAURO, op. cit., p. 495-496.
29. G. FRUCTUOSO, op. cit., p. 13.
30. Ibidem, p. 30.
Madere avait connu un ccycle du blé» au XV? siecle, remplacé par celui
du sucre puis celui du vin. Aussi pendant les trois premieres décennies du
XVIE siecle une grande partie du blé dont on avait besoin a Madere venait-elle
des Canaries, spécialement de Lanzarote, située 2 moins de 300 miles
de Funchal. Entre 1630 et 1640 le ravitaillement en céréales importées des
Canaries commenca a faiblir et, apres la Restauration de 1640, les contacts
entre Madere et les Canaries furent interrompus. Les décennies belliqueuses
qui suivirent rendirent pratiquement impossible pour Funchal des achats
de blé aux Canaries. 11 faut bien dire cependant que mEme s'il n'y avait pas
eu de guerre, le revitaillement en céréales a partir des iles espagnoles n'au-rait
plus été possible car déja, avec I'accroissement de leur population, les
Canaries ne produisaient plus de blé en surplus et comrnenpient meme 2
en importer pour elles rntmes.
Les iles ne suffisent plus 2 la fin du WII? siecle 3. leur propre ravitaille-ment,
mEme apres I'introduction du mais aux Asores, entre 1600 et 165031.
Madere, au XVIE siecle, est un centre de redistribution malheureux parce
qu'il n'a pas lui-m6me de quoi se nourrir. Son histoire est jalonnée par
toute une série de mesures, municipales ou royales, tendant a protéger con-tre
la faim le consommateur madérois. Le manque de blé est fréquent et les
documents font allusion a ces navires, qui, allant aux Canaries ou plus ioin
encore, s'arrhent 2 Funchal et s'y voient convaincus, par toutes sortes de
bonnes raisons d'y laisser au moins une partie de leur cargaison. On agite
facilement devant eux le spectre de la temptte ou des corsaires. Cette situa-tion
reste la mtme, avec des hauts et des bas, au cours du XVIIe siecle32.
Témoin cette histoire qui arrive en 1683 et que nous raconte T.B. Duncan,
d'apres les ~Vereaqoeds~e Funchal:
«One of the worst cases involuted the captain of a Flemish ship from Rotter-dam
who had a cargo of rye for the Canaries; on 8 june 1683, after having
been imprisoned for non cooperation, the captain was compelled to allow
the unioaciing of his rye. .The chamber entrusted <he 3168 buihels of rye to
the Portuguese merchant Manuel Rodrigues, but since Rodtigues could not
pay immediately for the purchase of the rye -the cost of which came to
1.504.800 reis (about 528)- the aldermen told the captain to proceed on
his way to the Canaries, without cargo or capital, and return for his money in
two months' time. $33.
31. F. MAURO, op. cit., p. 300.
32. Ibidem, p. 302.
33. T.B.DUNCAN,op.cit.,p.67-68.
A la limite de la pénurei: ainsi peut-on qualifier la situation céréaliere
des iles. Mais c'est vrai pour d'autres produits. La viande par exemple. A
Madere I'importation de viande et de charcuterie et I'interdiction de leur
exportation ne semblent se relQcher que dans le dernier tiers du XVII? si&
cle. L'artisanat du cuir a sa place dans l'ile et I'on trouve fréquemment,
melé aux vignes, le sumac qui sert ?tain ner les peaux. La viande vient des
Canaries mais aussi des iles du Cap Vert, peut Etre des Asores, 06 pourtant
il arrive qu'on en manque34. Méme situation pour la sardine qui arrive 5
Madere en grandes quantités venues d'dngleterre ou, tout simplement, de
Setubal. Les autorités en surveillent la vente, peuvent I'interdire ou interdi-re
I'exportation vers les territoires étrangers, meme espagnols entre 1580 et
1640, les Canaries par exemple35. La conservation du poisson est facilité par
la proximité des salines, celles de Lanzarote, d'ofi I'on tire paran 400 caisses
de se1 de 12 fanegas chacune et celles des iles du Cap Vert ofi le se1 est une
autre ressource, a cbté des esciavesj6.
Le gros probkme des relations Madere-Canaries est celui du vin. Y-a-t-il
vraiment concurrence sur les marchés portugais, espagnols ou extérieurs
entre les vins de Madere et ceux des Canaries? 11 ne semble pas, meme si
I'on se place apres 1580, c'est-2-dire dans le période d'expansion du vin
madérois. En Afrique portugaise par exemple les vins de Madere paient des
droits d'entrée comme au Brésil. Mais les Canaries y vendent aussi leur vin
du moins avant 1640, sans qu'il soit possible de parler réellement de con-currence
car ce sont souvent des bateaux portugais qui transportent les vins
espagnols dans des régions ofi la navigation est rare et le ravitaillement dif-ficile.
De plus la production des iles est, par définition, limitée.
Au Brésil un avantage est fait au madere. En mars 1642 la municipalité
de Bahia le distingue du vin canarien qui doit payer 8000 réaux de droit la
pipe et du vin asoréen ou portugais-continental qui paiera, lui, 3.500 réaux
quelle que soit la quantité. Le vin des Canaries a d'ailleurs moins bonne ré-putation,
puisqu'en 1630 on accuse les tavernes de Salvador de couper le
vin de MadPre avec du vin des Canaries et de ia freiaterj'.
Assez curieusement, le vin des Canaries était consommé sur les quatre
continents qui bordaient 1'Atlantique et dans les iles. Les vins de Madere,
34. F. MAURO, op. cit., p. 364. Les informations recueillies portent sur les années 1618,
1633. 1658.
35. Ibidem,p.287.
36. Ibidem, p. 261.
37. F. MAURO, op. cit., p. 357-359.
comme ceux de Pico et Fayal aux Agores étaient surtout appréciés des plan-teurs
anglais d'dmérique du Nord et des Antilles. Un groupe de mar-chands
anglais influents et nombreux, installés 2 Madere s'efforgait de
promouvoir l'usage du madere sur les plantations anglaises et y réussissait
assez bien. Par contre il ne parvenait pas 2 convaincre les Anglais d'Angla-terre
2 en acheter alors que le vin canarien avait un gros succ?s sur lemarché
de Londres. Les choses ne changeront que dans la seconde moitié du XVIII?
siecle. Et encore! 11 faudra que la madere passe par les Indes Occidentales
ou Orientales pour «vieillin> et convaincre le palais anglo-saxon, aux Iles Bri-tanniques
mtmes38.
Et pourtant il y avait une monnaie d'échanges: les tissus de toutes sor- ,,
tes que les iles -aussi bien Mad?re que les Canaries- achetaient en masse E
en Angleterre, ce qui, comme le m0ntreT.B. Duncan, n'a pas été négligea- O
n -
hle dans le dheloppement de l'indtistrie anglaise. =m
O
uThe demand for English textiles in the Atlantic islands, not only in Madera
but also in the Azores and the Canaries, contributed materially to the deve-lopment
of the textile industry and the textile trade in a number of small En-glish
towns and pons. Tina Topsham, downriver from Exeter in Devonshire,
was, at times, an imponant trading panner of the Atlantic islands. Barn-staple,
on the other side of Devon, was also a large supplier of textiles to the
islands. Another steady supplier was Colchester, to the northeast of London.
The ships from England to the islands were full of pieces of cloth -«Devon
dozens*, dolchester boys» (baize), uBarnstaple boys», «perpetuanas~u,s ays*
and «kerseyls», friezes and &rizados»- a rich variety with a now old-fashion-ed
nomenclature~39.
A la fin du XVII? &de, Madere appaiait ainsi comme liée, comme les O
Canaries, 2 I'ensemble de 1'Atlantique et, en meme temps, liée aux memes
Canaries par des échanges. Mais dans ce commerce cméditerranéen~e lle do-mine
et passe avant les Canaries, rar e!k st,p lus q?~'e!!e?, L ~PPS C I ! ~ et un
redistributer. Plus que les Canaries mais aussi plus que les Acores.
111) Les &ores ont aussi leur place dans le commerce interinsulaire. De
ce point de vue S5o Miguel et sa capitale, Ponta Delgada, semblent jouer le
38. T.B. DUNCAN, op. cit., p. 73.
39. T.B.DUNCAN,op.cit.,pp.4et7.
premier rcile. Des statistiques du pon d'Exeter en 1624 montrent qu'Exeter
a envoyé 10 navires aux Acores dont 8 2 S5o Miguel, 8 aux Canaries et 3 2
Madere, sur un total de 94 navires arétés au départ de ce port. Ces navires
ont transporté aux iles 3.383 pieces de «Devon dozens», 237 de «perpetua-nas
», 292 de ~Barnstapleb ayo,, 563 de «Dunsters» et 104 de «Taunton cot-tons
», en réalité des lainages, selon Duncan. Et bien que la France soit de
loin le premier acheteur de textiles d'Exeter, les iles, en 1624, viennent aus-sitbt
aprss, avant 1'Espagne. De meme dans l'autre sens on voit arriver, en
1624, 152 navires 2 Exeter dont 21 viennent des iles -et 12 dessus 13 des
Asores, 5 de Madere et 3 des Canaries. Ces navires ont apporté 3.112
«hundredweight» de sucre, 12 «hundredweight» de gingembre et 302 ton-nes
de pastel, celui-ci sans doute, pour sa plus grande part, en provennance
de S. Miguel*'. C'est S. Miguel qui joue un rble essentiel dans le ravitaille-ment
en blé de la «méditerranée atlantique orientale». Car le blé chargé 2
Ponta Deigacia va d'abord 2 Madere, aux Canaries, au Portugai, aux piaces
portugaises d'Afrique du Nord. Les chargements pour la France, les Provin-ces
Unies ou llAngleterre sont alors tres r a r e ~C~e~ m. arché nous le retrou-vons
dans le domaine des toiles (l'inens). Le principal marché des toiles de S.
Miguel était le Portugal, le second Madere, le troisieme les Canaries. A eux
trois, ils représentaient 70% du nombre toral des navires engagés dans ce
trafic. Mais il est faux de dire que ce marché était un marché protegé.
D'une part le transport du textile profitait des navires utilisés pour le trans-pon
du blé et le coiít marginal provoqué par le premier était faible ajuoté
au coiít de transport du second. D'autre part ces produits portugais ne
payaient pas des droits aussi élevés que les produits étrangers, flamands,
écossais, irlandais ou francais. Hors du dornaine portugais, par contre, le
textile de Sao Miguel ne résistait pas a ces produits43. Cela apparait bien
dans le tableau suivant:
40. Ibidem, p. 76.
41. ibidem, p. 88-89.
42. Ibidem,p.98.
43. Ibidem, p. 103-105
hhires engagés dans le commerce des
t o i h de 320 Migzlel 1639- 169444
Portugal 19
Angleterre 9
Madere 7
Canaries 7
Terre Neuve 2
Afrique du Nord 1
Brésii 1
France 1
Le commerce de S. Miguel subissait d'ailleurs des avant 1640 une crise
grave avec la chute de la demande de pastel sous les coups de l'indigo tropi-cal
triomphat. Les habitants de S. Miguel ont développé leurs cultures de
blé pour remplacer le pastel et ils ont essayé de développer d'autres produc-tions
agricoles comme celle du haricot. Mais la Restauration de 1640 et la
guerre qui s'en est suivie ont tué le commerce avec les Canaries et ceiui du
pastel est mon définitivement apres 1660.
La crise apparait dans le trafic du port de Ponta Delgada ou seulement
dix navires en tout font escale pour toute l'année 1669. Le régistre des
douanes de 1676 donne 42 navires anglais faisant escale cette année 12 2
Ponta Delgada. Mais quand on y regarde de pres on s'apercoit qu'un petit
nombre seulement de ces navires est venu directement d'Anglaterre et que
preque tous étaient consignés pour Madere et les Cajnaries. Le commerce de
Sao Miguel avec I'Europe, Portugal mis 5 pan, s'effondrait. Des 56 navires
indiqués sur les régisues, cinq seulement étaient envoyés 5 des ports euro-péens,
tous les autres l'étaient ii Madere ou aux Canaries4'.
Dans la derniere décennie du siecle nous avons l'ensemble de mar-chands
francais, Christophe Bressan, Jean Bressan eo Bernard Fartoat qui
était le consul de France. Dans ces dix ans ils ont fait plus d'affaires que les
Anglais. Malgré cela ce qu'ils ont fait restait modeste. Leurs navires en effet
ont rapporté de Lisbonne un mélange de produits manufacturés, tous pro-venant
de réesponations, plus quelques produits portugais assez primitifs
(sel, épices, huile d'olive). Ils ont chargé 2 la place surtout du blé pour Ma-dere,
Lisbonne et les Canaries. Toujours la méditerranée atlantique!46.
44. Ibidem, p. 105.
45. Ibidem, p. 106-107.
46. Ibidem, p. 107.
Cette irnportance des autres iles dans le trafic de S5o Miguel apparait
dans une statistique que nous donne T.B. Duncan pour la période 1620-
1694, sur la provenance et la destination des navires qui touchent 2 Ponta
Delgada. Nous arrivons aux chiffres suivants:
Nombre de navires
Provename
Angleterre
Portugal
Canaries
Madere
Terceira
Pays Bas et Provinces Unies
France
Nouvelle Angleterre
Fayal
14frique du Nord
Espagne
Brésil
Santa Maria
Inconnue 74
Total 279
Angleterre 84
Canaries 48
Madere 34
Portugal 27
Pays Bas et Provinces Unies 13
Afrique du Nord 8
France 8
terceira 7
Terre Neuve 5
Santa Maria 1
Brésil 1
Barbades 1
Inconnue 42
Sur le prernier total de 279, 11 1 navires viennet siírement de ports de
la cméditerranée-atlantique-orientale)) et sur le second total de 279, 125
vont a ces ports. Or dans chaque cas on peut supposer qu'une partie des
«inconnues» concerne cette rntme méditerranée: Ya encore apparait donc
bien le rde interinsulaire et cmediterranéem de Siio Miguel, encore plus
frappant peut-etre que celui de Madere.
Le second rcile aux Asores, dans le commerce avec les Canaries et, plus
largement, avec la améditerranée atlantique» est joué par le port de Horta,
dans l'ile de Fayal. Horta est lié au comrnerce de la morue. La grande aire
de consomrnation de ce poisson est la péninsule ibérique, certaines régions
de la Méditerranée et enfin les Asores, Madere, les Canaries et les places
portugaises du Maroc. Le Brésil aussi importait beaucoup de morue mais
celle-ci devait alors passer par Lisbonne. C'est dans ces conditions que Hor-ta,
au centre du dispositif asoréen, est devenu le rendez-vous des navires
morutiers. L'lile de Fayal, comme I'ensemble des Asores se trouve elle-mé-me
au centre de I'Atlantique 2 égale distance de l'Europe, de Terre Neuve,
de I'Afrique et du Brésil. D'ailleurs son rOle est lié 2 l'expansion des inté-rtts
britanniques aux Amériques. Et ici apparait non la complémentarité
mais la concurrence des iles portugaises avec les Canaries. En effet l'installa-tion
anglaise aux Guyanes et dans les Petites Antilles, plus la prise par les
Anglais de la Jamalque en 1655 a enlevé ces régions au commerce de la Ca-vera
c'est-2-dire 2 l'axe Séville-Cadix-Canaries pour le donner 2 l'axe Lon-dres-
Boston, axe sur lequel Madere et les Asores possedent leurs positions.
Les vins de Pico et de Madere ne pouvaient pas pénétrer le marché colonial
espagnol mais ils pénétrerent le marché colonial anglaisd*.
La poussée de Horta est si imporfante qu'2 la fin du XVII? siecle, il est
le port le plus important des Acores. Ensuite vient Ponta Delgada qui a
beaucoup perdu avec la chute du pastel et qui ne peut encore vraiment pro-fiter
du nouveau cycle, celui de I'orange, qui commence 2 peine 2 SIo Mi-guel.
Enfin Angra, irnportant comme capitale politique et religieuse se con-tente
d'exporter son surplus de blé vers les autres Aqores. Ces degrés corres-pondent
donc ii des rayons d'action de plus en plus courts: Horta la cosmo-polite,
Ponta Delgada la «méditerranéenne», Angra I'acoréene.. ,49.
Cependant il ne faut pas oublier le r6le de la conjocture politique, mi-litaire
et navale pour expliquer l'évolution des échanges entre les iles. En
particulier le rOle des relations entre 1'Espagne et le Portugal. Ainsi:
uThe chronological dimension is also of fundamental irnportance for under-standing
the general development of the islands. After 1580, when Pomigd
ci;own "f Spaiii, isleri& were dmn irito Spin's iorig war
with the French Huguenots, the Dutch, and the English. The archipielagoes
had their shipping and trade interrupted and were victimized by some da-maging
raids. Fortunately, after 1603, the Anglo-Spanish war carne to an end
and English merchants began to build up the trade between England, on the
one side, and Madeira, the Azores and the Canaries on the other.. .
... These events plunged Portugal into a twenty-eight year stmggle (1641-
1668) with Spain, during which Spanish fleets no longer called at the Azores,
the Cape Verde an slave trade sent into crisis, and the trading relations of alí
three Portuguese archipelagoes with the Canaries were completely broken
off $0.
C'est ensuite seulement dans les trente dernieres années du siecle que
les relations ont repris, malgré les aleas de la breve comme de la longue
durée.
D) AU XVIII SIECLE
C'est pourquoi, au debut du XVIII? siecle, une sorte d'interconnexion
permanente existe entre les trois archipels.
«Entre Madere, les Asores, les Canaries les relations sont assez fréquentes. 11 y
a 15 tout un monde qui a sa propre existence, dont les diverses parties se tien-nent
et s'épaulent. Un monde d a n ~le quel il faut inclure la c6te voisine du
Maroc car celle-ci participe aussi aux circuits que nous voyons maintes fois des
navires parcourir. De ces circuits voici quelques exemples, empruntés 5 une
liste de navires francais qui passerent par Funchal, en 1716-1717: Ténérdfe,
Sainte-Croix de Barbarie, Madere, Amsterdam-Cadix, Terceira, Madere Ca-dix-
Cadix, Lancarote, Madere, Cadix-Cadix, Madere, c6te de Barbarie, les
Canaries. Un des meilleurs que nous ayons rencontré est le suivant (27 janv.
1724): une tartane francaise venant de Cadix visite successivement Madere,
Sio Miguel, Madtre, Santa Maria, Ténériffe (ici le voyage est involontaire,
c'est la tempete qui est la cause du détour) Santa Maria, Mad?re.dl.
Et Albert Silbert ajoute:
«Un autre bon exemple est celui d'un vaisseau francais du département des
Martigues qui arriva 2 Funchal en provenance de Sainte Croix de Barbarie
..avec de la cire, du poisson salé et quelques cordouanes". 11 repartit pour
Lancarote d'ou il revint avec du blé qui fut échangé contre du sucre, lequel
füt emporté vers Cadix (24 janvier 1732). Nous citerons enfin le cas d'un na-vire
marseillais qui, venu de Sainte Croix de Ténériffe, se proposait de vendre
diverses marchandises et dont le capitaine annoncait qu'en cas de mauvaises
50. Ibia'em, p. 247-248.
51. Albert SILBERT, Un Cmrefour de I'Atlantique: Mudere 1640-2820, Lisbonne, 1954,
p. 8.
affaires, il irait a S2o Miguel chercher des grains pour les Canaries. (12 mars
1751). Ces iles d'ailleurs nous paraissent liées plus intimement a Madere que
les Asores, du moins au 18e siecle, comme nous le montrerons plus l~in»~'.
Une des formes de cette pénétration inter-insulaire c'est le triomphe, 2
Madere, de la monnaie espagnole qui y supplante la monnaie portugaise.
Cenes, des le XVI? siecle, les monnaies espagnoles circulaient 2 Madere 2
c6té des ponugaises. L'union des deux Couronnes a sans doute amplifié le
phénomene. Avec la Restauration de 1640, un réglement du nouveau gou-vernement
impose le cours obligatoire, 2 Madere, de la'monnaie nationale
et mtme, en 1664, décide de faire frapper dans l'ile des pieces d'or et
d'argent. L'instruaion du 10 févner prévoit une Casa da Moea'a et peut-ttre
ces mesures ont-elles été efficaces. Mais au début du XVIII? siecle on chan-ge
la valeur des patacas et des realetes, ce qui prouve que circulaient tou-jours
ou 2 nouveau des pieces espagnoles. Albert Silben cite le cas d'un ba-teau
francais qui, en 1742, a vendu du blé 2 Funchal puis repart avec «2500
piastres gourdes». La mtme année une tartane francaise aurait apporté de
Cadix une cargaison de blé plus 25.000 piastres destinées 2 des marchands
anglais et pomgais de l'ile53.
Autre exemple: en 1743 un vaisseau de guerre anglais enleve a un ca-pitaine
ponugais 3.000 piastres que celui-ci transportait de Sainte Croix de
Tenerife 2 Madere pour le compte des rnarchands portugais. En 1749 le
gouvernement pomgais fait frapper des pieces spécialement destinées aux
iles. Un peu plus tard, en 1756, dans une «Relation abrégée de l'ile de Ma-dere>,
en date du 18 juillet, on lit ceci:
<Le seul argent qu'on voit, pour ainsi dire, dans toute l'ile est des demi-Ré-naux,
des Réaux de Plata et des doubles Réaux, monnaie dtEspagne.. .»5*.
Un peu plus loin il est fait allusion aux piastres, pistoles d'or et quadruplés.
En 1785 le consul de France 3. Madere écrit:
d'argent courant ici est I'eiquelin et !e doilh!~ esqi?e!in dcs Esplgnc!s, qle
ceux-ci appellent Pezettas.. . Les pieces d'or portugaises passent ici comme
marchandises et se vendent plus ou moins cheres, suivant la quantité qui se
trouve dans l'ile ou elles sont d'ordinaire fort rares.P.
52. Ibide~p, . 8-9,
53. Ibidern,~1. 8.
54. Cité par A. Silben, ibidern, p. 19.
55. CitéparSilben,ibidern,p. 19.
La mEme année, le méme consul nous apprend qu'en 1783 il a envoyé
a son collegue des Canaries une caisse de 1400 pieces espagnoles de 5 réaux
de billon, caisse qu'il avait recue de Lisbonne afin de la faire changer contre
une caisse de pieces de 4 réaux, seules courantes 2 Madere. Des 1762 le di-recteur
des finances locales s'était plaint de ne pouvoir transférer de l'argent
2 Lisbonne, faute de monnaie nationale. En 1799 lorsque la grande hausse
des prix est déclanchée dans la conjoncture internationale, le corregidor se
plaint de I'insuffisance de numéraire circulant dans l'ile. Mais il ne parle
mEme plus de monnaie portugaise. Or celles-ci, dans la mesure oii eiles
existent dans l'ile, n'ont pas, 2 poids égal, la meme valeur que dans la mé-tropole.
Elles ont une valeur nominale de 25 % supérieure, alors que les
monnaies espagnoles ont la meme valeur que sur le Continent. Cet écart,
naturellement, permet des spéculations sur le change56.
11 y a 12 un parodoxe 2 une époque dominée par I'or du Brésil, mEme si
2 partir cie 1760 ia production de cet or décroit rapidement. Paradoxe d'au-tant
plus frappant que les Anglais ont pris une place prépondérante dans le
commerce du vin de Madere, comme dans celui de Porto. Lorsqu'en 1749
les Portugais, comrne nous l'avons signalé, frappent une monnaie pour les
iles c'est une monnaie d'argent, comme la monnaie espagnole. Preuve des
liens des iles portugaises avec, sinon I'Espagne, du moins ce que nous pour-rions
déj3 appeler la zone monétaire espagnole56.
L'autre probleme des iles au XVIII? siecle est celui de la concurrence
entre le vin de Madere et celui des Canaries. Certes les Asores et les rivages
européens de la «méditerranée atlantique» produisent des vins excellents.
Mais c'est celui des Canaries et en particulier de Ténérife, qui fait la plus
grosse concurrence 2 celui de Madere. Vin de Madere maintenant muté 2
I'alcool de cannes, comme le vin de Porto I'est 2 I'alcool de marc. Le Consul
de France 2 Madere n'était pas content lorsqu'il apprenait que des vaisseaux
francais avaient acheté du vin canarien. 11 nous explique, dans sa correspon-dance,
que ce vin était inférieur:
«Cette ile (de Madzre) produit de ce vin de liqueur blanc et rouge mais qui
est meilleur que celui des Canaries, étant sans aucun goüt de miel et avec une
saveur qui réjouit le coeur loin de I'affadir comme l'emmielle de Sainte Croix
de Tenerife et ainsi plus fin et plus coulant.»57.
56. Ibidem, p. 19-20.
57. Cité par A. Silben, ibidem, p. 32
C'était d'ailleurs I'opinion des Anglais, comme le prouve leur attitude
des 172 1. Le gouvernement espagnol avait demandé que le vin des Canaries
soit admis aux West Indies avec les memes droits de douane que les vins
portugais. Une enquete fut menée par la Commission anglaise du
Commerce et des Plantations. 11 resulte de cette enquete que les marchands
anglais des Canaries eux-memes ne croyaient pas alors en l'avenir de cette
exportation. La clientele, disaient-ils, préférait d'autres vins. Ce n'est donc
pas une question de droits de douane, selon eux, mais une question de mo-de,
de goUt. De plus, la population, de plus en plus misérable, a perdu
tout intéret pour la vigne58. ,,
Cependant le vin des Canaries continue 2 jouer un certain r61e dans le
E commerce anglais: en 1744 la guerre avec 1'Espagne oblige les Anglais 2 ces-o
ser leur trafic avec les Canaries, ce qui fait monter le prix du vin ii Madere. n - m ¿a guerra finie, une entente finit pas se subsrituer ii ia concurrence. Ees O
E
commercants de Madere envoient leur vin 2 Ténérife oti on le mélange avec E
2
celui du pays, de valeur bien inférieure et le tout est vendu comme vin de E
Madere. L'Ehciderio Madeirenne, un véritable dictionnaire de Madere,
nous donne une liste de navires qui font ce trafic entre 1784 et 1787. Le vin 3
des Acores a été, lui aussi, utilisé de la mtme facon. En 1801 un décret a in- -
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m
E terdit l'entrée 2 Madere du vin acoréen. Mais il semble que la contrebande
o ait, sur ce point, remplacé le commerce légaP9.
Albert Silben nous indique un curieux projet, présenté en 1747 pour n
E créer aux Bermudes c'est-ii-dire ii proximité des West Indies et des Treize a
Colonies, un vignoble analogue 2 celui de Maderebo. n
n
Le XIX? siecle sera le siecle du déclin du vin de Madere malgré quel- n
ques poussées de prospérité. Madere n'échappera ni 2 l'oidum, ni au phyl- 30
loxera.
Cette concurrence des vins madérois et canariens aura eu des répercus-sions
planétaires puisque la rivalité entre les deux s'est faite sentir jusqu'aux
pf&pp;nes. Le portugais Juan Caha;lrio, ayarit vou:u, en 1786, o$jiea;f
une licence d'exportation de vin canarien aux Philippines, il lui fut
répondu que le vin qui était demandé 2 Manille n'était pas le vin canarien,
mais le vin de Madere, que le vin canarien ne résistait pas au climat «de
58. journai ofthe Commission for irade and Plantation, 14 juillet 1721. Cf. A. SILBERT,
op. cit., p. 32.
59. A. SILBERT, ibidom, p. 32-33. Dans 1'Ehcidario voir article Vinho.
60. Ibidern, p. 33.
Bengala et que cette licence serait une atteinte au monopole de la «Com-pagnie
des Phillippines»6'.
Les rapports entre les Canaries et les iles portugaises de l1Atlantique
doivent donc h e replacés 2 la fois dans le cadre de la conjoncture et des
structures de I'économii: internationale et dans celui de la vie maritime et
commerciale de cette méditerranée de I'Atlantique Oriental oti ces iles
jouaient précisément un r6le décisif.
Les mécanismes qui en ont résulté étaient liés, naturellement aux
contraintes de la marine 2 voile. Avec la disparition de celle-ci et le dévelop-pement
de la marine 2 vapeur ces mécanismes ont volé en éclat. Mais d'au-tres
facteurs de changement sont loin d'etre négligeables: I'indé-pendence
des colonies d'Amérique du Nord et du Sud, la révolution
industrielle de 1'Europe du Nord Ouest et surtout cette entrée lente du
monde ibérique dans ce qu'il a été convenu d'appeler, chez les économis-tes,
la catégorie des pays en voie de décadence.
6 1. F. MORALES PADRON, Elcomercio canano-amencano, Séville, 1935, p. 234