Almogaren XXI / 1 / 1990 Hallein 1991 69- 79
Roland Comte
Le röte du chien dans les anciens rites
funeraires Guanches
( 1989)
Cet article n'a pas pour but de relancer le debat sur l'etimologie du nom
des Iles Canaries.
Cependant il nous parait indispensable, pour la clarte de l'expose, de revenir
sur ce point particulier car il ne nous semble pas avoir recu, jusque la, toute
l'attention qu'il meritait. Cela ne serait, en soi, d'aucune gravite si, par consequence,
une question que nous considerons comme importante pour l'approche
de certains traits culturels canariens n'avait soufert de ce discredit et n'etait restee,
de ce fait, pratiquement negligee.
Nous voulons parler de Ja question du chien canarien et de son possible
röle dans les conceptions religieuses et les rites funeraires des Guanches.
La premiere etymologie faisant deriver le nom des Iles Canaries du latin
"canis" ( chien) est, a notre connaissance attribuee a Pline. Rappe Ions ce qu'en dit
Bory de Saint Vincent:
"Avant la soumission des Canaries, ces iles n'etaient connues que sous le nom de
Fortunees, qu'elles perdirent presque en un instant pour celui qu'elles portent.
... Entre les Fortunees dont nous parlent les Anciens, il en est une nommee Canaria,
parce qu'on y trouvait des chiens: deux de ces animaux furent conduits a
Juba, roi de Mauritanie. Plusieurs auteurs s'accordent a dire que, lors de leur
decouverte, ces iles etaient pleines d'animaux pareils" (l ).
Dans son Histoire Naturelle, l'auteur latin dit exactement: "Canariam vocari
a multitudine canum ingentis magnitudinis, ex quibus perducti sunt Jubae
duo .. ." ( "Canaria, ainsi appelee pour les nombreux chiens de grande taille qui y
vivent et dont deux d'entre eux furent conduits a Juba ... ") (2).
Pline faisait reference a l'expedition envoyee aux Iles Canaries par Juba II,
roi de Mauritanie, expedition qui dut avoir lieu entre l'an 25 avant J.-C., date de
l'accession au tröne de Mauritanie du prince herbere et l'an 24 apres notre ere,
date de la fin de son regne et de sa mort (3).
Bory de Saint Vincent precise, et ce, malgre les denegations du chroniqueur
Gomara (4) afirmant que lorsque Pedro de Vera "ariva a Canarie, il n'y
avait pas de chiens dans l'ile", que d'autres auteurs soutiennent le contraire. Pedro
de Vera connut la Grande Canarie en 1480. Son temoignage est donc tardif. Le
Canarien, recit de la conquete de Jean de Bethencourt, qui lui est tres anterieur,
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puisqu'il se refere aux annees 1404-1405, parle des fameux chiens que virent les
europeens lors de leur arrivee a la Grande Ca.narie: "Ils sont bien pourvus en
animaux, a savoir porcs, chevres et brebis, et quelques chiens sauvages, qui ressemblent
a des loups, mais ils sont petits" (5).
L'autre version du manuscrit, attribuee a Gadifer de la Salle, compagnon
de Bethencourt, precise: " ... et de chiens sauvaigez qui semblent loups, mais ils
sont plus petits" (6).
Cette variante, dans laquelle nous pensons qu'il faut entendre "plus petits
(que des loups)" n'est pas sans interet.
Par ailleurs, Bory cite la description des Canaries par l'anglais Thomas
Nichols, en 1526, qui "assure, au contraire, que non seulement on y trouvait des
chiens ... mais encore que les insulaires les chätraient et en mangeaient la chair"
(7) . On peut donc estimer que la remarque de G6mara ne tient pas. Elle est non
seulement abondamment contredite par les autres chroniqueurs mais aussi, comme
nous le verons, par l'archeologie.
On voit, qu'etofee d'autres temoignages, la breve mention de Pline revet
un interet plus vaste que celui d'un simple point, amplement controverse, d'etymologie.
Jusque la, neanmoins, rien que de tres banal: les premiers temoins rapportent,
qu'a cöte d'autres animaux (moutons, chevres, cochons ... ), les Canaries hebergeaient
des chiens, "grands" selon Pline, "semblables a de petits Ioups", selon
Le Canarien, et qui servaient parfois de nouriture aux indigenes.
Or, les decouvertes archeologiques, meme si Je chercheur les souhaiterait
plus nombreuses et indiscutables, confirment les temoignages litteraires: nous
faisons reference, d'une part, a la decouverte de plusiers cränes de chiens dont
certai.ns sont exposes dans une vitrine du Museo Canario de Las Palmas de Gran
Canaria (8). Ces cränes, trouves dans des grottes d'habitation de la Grande Canarie,
appartenaient a des exemplaires de petite taille qui, soit furent de simples
animaux domestiques, soit servirent a l'alimentation des indigenes.
Mais une autre trouvaille nous parait encore plus interessante: il s'agit d'un
cräne de chien, toujours de petite taille, trouve, lui, a Tenerife. Or ce crä.ne portait
des traces de momification qui laissait encore voir de petites zones de poil court
de couleur creme fonce. En outre, ces restes furent trouves dans la necropole du
Llano de Maja, a cöte du squelette d'w1 homme, accompagne d'un "ensemble
d'offrandes funeraires tres complet ... " (9). Luis Diego Cuscoy, qui signale cette
decouverte, remarque que l'animal avait saus doute ete sacrifie a la mort du maitre;
il en deduit que les Guanches attribuaient au chien le röle de "guide de l'äme
vers l'autre monde" qu'on lui connait dans d'autres civilisations, en particulier
dans l'Egypte ancienne, ou des trouvailles semblables ont ete signalees "dans les
gisements de Fayoum et de Badari" (10).
En Egypt, les exemples de momifications conjointes d'hommes et de chiens
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Le dieu des morts Anubis
couche sur une coffre;
tombe de Toutänkhamon
(no. 62), a Thebes, Nouvel
Empire, XVllle. dynastie,
vers 1 340 av. J.-C. Bois
peint en noir, partiellement
dore, avec incrustations;
griffes en argent; hauteur
du chien 57cm; longueur
du coffre 95cm (Musee
egyptien, Le Caire).
ne se limitent pas aux gisements de Fayoum et Badari et ils ont ete amplement
etudies pour que nous n'ayons pas a nous y etendre ( 11 ). Mais l'Egypte n'est pas la
seule a avoir pratique la momification des cbiens. On en retrouve des exemples
dans l'Amerique precolombienne, en particulier au Perou, ou Je cbien joua aussi
un röle dans les rites entourant la mort (12).
Cette question d'nn röle du cbien dans Je rapport des Guanches a Ja mort,
et des troublantes correspondances avec les rites funeraires egyptiens, d'une part,
et precolombiens, de l'autre, avait deja ete soulevee par le Professeur Hans Biederman
dans un article intitule "Die 'Hunde-Inseln' im Westmeer" (13), mais
elle acboppait alors sur l'absence d'elements archeologiques convaincants.
Bien entendu, la trouvaille signalee par Luis Diego Cuscoy, meme s'il
afirme qu'elle n'est pas unique, pourra etre consideree comme insufisante. Elle
n'est, de plus, valable que pour Tenerife, car nous n'avons pas connaissance de
decouvertes comparables pour les autres iles. Cela ne veut pas dire qu'elles n'existent
pas ou, si elles existent, que l'on y ait prete toute l'attention qu'elles meritent.
Cependant, l'archeologie, pour valable que soient ses apports, n'est pas Ja
seule a pouvoir nous eclairer sur une civilisation. Voyons ce que nous apprend, a
cet efet, l'ethnologie.
Bien que reconnaissant qu' aucun chroniqueur ni aucune source antique ne
fait etat d'une röle qu'aurait pu jouer Je cbien dans les rites funeraires guanches,
Luis Diego Cuscoy souligne justement que cet animal "occupe une place dans le
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monde du mythe et du culte", citant l'existence, a Ja Grande Canarie, "d'un chien
demoniaque, le tibisena, dont l'apparition effrayait les indigenes" ( 14>.
Qu'on nous permette ici d'attirer l'attention sur les precautions qu'il convient
toujours de prendre envers les observations des premiers cbroniqueurs sur la
societe guanche, et plus encore sur les faits religieux qu'ils decrivaient, leur culture
et leurs propres convictions ne les portant pas a les juger avec objectivite ( ou tout
simplement les comprendre ... ). Aussi, rien ne nous prouve que l'esprit a forme
de chien, presente par le chroniqueur Pedro Gomez Escudero ( 15 ), ait le caractere
"demoniaque" qu'il lui prete: "Muchas y frequentes veses se les aparesia el demonio
en forma de perro muy grande i lanudo de noche i de dia i en otras varias
formas que llamaban Tibicenas." - "Le demon leur apparaissait souvent sous Ja
forme d'un chien tres grand et aux longs poils, que ce soit de jour comme de nuit,
et sous diverses autres formes qu'ils nommaient tibisenas."
La meme croyance se retrouve dans les autres iles; la seule diference
reside dans des variantes, plus ou moins importantes, dans le nom donne a cet
etre surnaturel: "Guayota", a Tenerife, ou il etait cense habiter a l'interieur
d'Echeide (le Teide?); "Gabiot", a la Grande Canarie et a Lanzarote; "Hirguan". a
La Gomera; "Iruene", a La Palma, etc. ( 16 ).
Dans son livre Natura y Cultura de las lslas Canarias, Pedro Herruindez
Hemandez (17) note que, de nos jours, !es gens de la campagne continuent a
designer le demon sous le nom de "perete" (petit chien) et jurent en utilisant une
formule qui pourrait etre une survivance des croyances guanches: "Cruz, perro
Maldito!" ("Par la croix, maudit chien!").
Voyons maintenant de plus pres a quoi ressemblaient les chiens canariens.
Luis Diego Cuscoy indique que les indigenes appellaient le chien de petite taille
"cancha" et qu'il faisait partie de leur alimentation. Il precise que Zeuner l'a rapproche
du "dingo" australien (18).
Nous avons personnellement constate qu'actuellement vivent encore, dans
les barrancos des Canaries, des chiens a demi sauvages, longilignes et aux oreilles
dressees, du type levrier, generalement blanc ou brun clair. Lors de notre premier
sejour a Tenerife, en 1976, un paysan, a qui nous avions demande quel etait leur
nom, nous avait a pris qu'on les appelait des "perros cartagineses" (chiens
carthaginois), ce qui ne fut pas sans nous etonner fortement. Nous retrouvämes
par la suite ce type de chien dans toutes les iles de l'archipel, le plus souvent a
l'etat sauvage mais aussi parfois domestique, et, dans ce cas, alors utilise comme
chien de chasse ou de berger. Nous avons mesure l'extraordinaire agilite qui leur
permet d'escalader les pentes des barrancos les plus abrupts. Nul doute qu'ils soient
parfaitement adaptes a la chasse sur des terrains dificiles ou pour garder les troupeaux,
deux röles dans lesquels ils sont encore apprecies des Canaries actuels.
Cette utilisation est dans le droit fil de celle qu'en faisaient les Guanches puisque
nous savons par Fray Jose de Sosa, qui ecrivait en 1678, que !es Guanartemes,
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Chiens canariens (d'apres photos par
R. Comte)
c'est a dire les nobles de
Grande Canarie, elevaient
"ligerisimos perros de mano"
(tres legers chiens "de main"),
"dressant !es meilleurs qu'ils
trouvaient dans les montagnes
ou ils vivaient a l'etat sauvage
... " (19).
Toujours selon Luis Diego
Cuscoy, le "cancha", malgre
sa petite taille, etait "fier et vorace".
II indique que, "lors de Ja
premiere entree des espagnols,
lorsqu'ils penetrerent dans l'lle
(de Tenerife) par le Val de La
Orotava, en suivant la bordure
inferieure de la foret de La
Esperanza, ils trouverent les
chiens indigenes devorant les
cadavres des guanches et des
espagnols tombes dans les premiers
engagements" (20), ce
qui, soit dit en passant, etait
aussi le röle devolu aux chiens
egyptiens vivant a proximite
des necropoles.
Il nous semble par contre
peu vraisemblable que ce
soit ce meme type de chien que
les Guanches "chätraient et engraissaient pour Ies manger" (21). Les chiens de
type levrier, meme engraisses, devaient foumir w1e bien pietre pitance. Sans doute
d'autres especes auraient-elles ete mieux adaptees a cet usage. Or nous savons
qu'a cöte du chien du type levrier, d'autres races existaient aux Canaries avant la
conquete: apart ]es "1c>ra.nds chiens" Signales par Pline, qui n'ont, a ce jour, pas ete
identifies, il y a, par exemple, Je "bardino maxorero" ou "perro bardo" (chien
brun) de Fuerteventura sur lequel des etudes et w1e politique de sauvegarde sont
en cours (22 ) . Mais il ne semble pas que ce type de chien ait jamais ete eleve pour
Ja viande.
Resterait un troisieme chien, proche cousin de celui bas sur pattes et sans
poil qui existait dans l'Amerique precolombienne et que l'on appelle encore curieusement
la-bas "perro chino" ( chien chinois) (23 ).
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Restons-en, dans !'immediat a notre chien du type levrier et au röle qu'il
para1t avoir joue dans les rites funeraires guanches:
Ce type de chien est repandu depuis l'Egypte jusqu'a l'Afrique occidentale
et tout autour du bassin mediterraneen ou, selon les lieux, il porte des noms diferents:
Podenco ibizenco a Ibiza (iles Baleares) (24); "Pharaon hound" ("levrier
des pharaons") a Malte (25 ), Charnigue francais, Cirneco sicilien, Podenco espagnol
ou Podengo portugais, etc. (26). Remarquons que les traditions relient plus ou
moins tous ces chiens a l'Egypte et aux Pheniciens et en font des parents, plus ou
moins proches, du dieu des morts egyptien, Anubis.
On connait Anubis; on sait qu'il est le dieu qui, dans l'Egypte ancienne,
preside aux enterrements. II est l'un des dieux fondateurs de l'Egypte. Son röle est
connu des les premieres dynasties et il est preponderant dans la geste osirienne:
c'est lui qui aida Isis, apres le rassemblement du corps demembre d'Osiris, a reconstiteur
la momie du dieu, momie que fut le prototype de toutes les momies
egyptieooes (27).
On le represente par un petit levrier ou un chien loup, au corps tres fin. au
museau allonge, aux oreilles triangulaires dressees. Sa robe, aux poils tres courts
(voire sans poils du tout) est d'un noir uniforme. On l'a rapproche, soit d'un loup,
soit d'un chacal et meme d'un renard. Pourtant, les specialistes qui se sont penches
sur cette enigme ont exclu toute identification d'Anubis avec ces divers animaux
pour ne retenir que son appartenance a la famille des chiens:
"On decrit toujours Anubis comme un dieu a tete de chacal mais Keimer, egytologue
et zoologiste, s'eleve contre cette fausse interpretation: il n'y a pas et il n'y a
jamais eu de chacal en Egypte mais seulement des chiens errants qui resemblent
un peu a des loups, au museau efile, porteurs de grandes oreilles pointues ... "
(28).
Conclusion que confirme l'egyptologue Isha Schwaller: "Les auteurs classiques
n'ont jamais range Je chacal au nombre des animaux sacres; mais ils ont
nomme Cynopolis ("ville du chien", aujourd'hui Cheik el-Fadl') Ja ville ou etait
venere Anubis, alors que la ville consacree a Oupouat etait nommee Lycopolis
('\rille du loup") . ... Cependant, ni Je chacal ni Je loup, ni aucw1 des canides d'
Egypte ne reunit a Ja fois les caracteristiques de l'animal sacre d'Anubis et d'Oupouat:
oreilles droites, longues et pointues du renard, queue du chacal et du loup,
robe noir d'un 'chien errant' egyptien. Le plus approchant pourait etre ce 'chien
errant' sans toutefois lui correspondre entierement: il a les orreilles droites et pointues
- plutöt courtes -, la queue pendante, longue et toufue ... " (29).
Dans un article precedent, sans pretention scientifique, nous avions eherehe
quel modele avait pu inspirer le dieu Anubis. N'ayant reussi a l'identifier avec
aucun animal vivant, nous avions baptise ce specimen mysterieux: le "Canis
atlanticus" (30). Nous ne nous doutions pas, a l'epoque, que cet animal existait
vraiment et que nous le decouvririons, non en Egypte, mais en Amerique!
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En effet, de nos jours vit
eDcore en Amerique un
etrange chien sans poils,
ressemblant a un petit
Joup, aux oreilles dressees
et d'un noir lllliforme: Je
Xoloizcuintle. II fut, au
Mexique et au Perou, l'animal
emblematique du
terrifiant dieu de Ja mort
precolombien. Xipe ou
Xolotl qui aimait a se
revetir de Ja peau d'un
ecorche (31).
Cet animal exceptionnel
fait partie d'un groupe de
chiens tres limite que J'on
appelle, faute de mieux,
Le XOLOIZCUINTLE (dessin d'apres photo par R. Comte) les "chiens nus" que J'un
des rares articles que nous ayons trouves presente ainsi:
"Etranges, etonnants, ne repondant a pratiquement aucun des concepts canins Jes
plus generalement admis, les chiens nus constituent un monde apart, tout embue
de mysteres. Ceci malgre les moyens les plus sophistiques dont disposent aujourd'hui
les chercheurs. A vec eux, tout n'est qu'incertitudes. Meme les faits les
plus patents ne trouvent pas de reelles explications, et deviennent l'objet de supputations,
de theses souvent contradictoires ... " (32).
Panni ces "chiens nus" l'on trouve, aux cötes du Xoloizcuintle mexicain,
l'Inca orchid du Perou ... et le Chien chinois! Ce meme article, qui s'inspire des
travaux du veterinaire Fran9ois Laurent, nous apprend qu'un tel chien nu existait
aussi en Egypte. Sur leurs origines, on est pour l'instant reduit a des supputations:
a-t-il migre de Chine en Amerique et quand? En tout cas, nous avons Ja certitude
que ce ne fut pas, comme le soutiennent certains, apres la conquete de l' Amerique
puisqu'il etait connu des precolombiens (outre son assimilation avec le dieu de Ja
mort, de nombreuses poteries votives trouvees dans les tombes en temoignent a
suffisance).
Pour conclure provisoirement sur ce sujet, l'article cite evoque, malheureusement
sans en donner les sources, une these selon laquelle "la presence tres
ancienne du chien nu outre Atlantique ... voudrait qu'il ait ete importe d'Afrique
par !es Assyriens, Egyptiens et autres, Ja colonisation du "nouveau continent" par
ces peuples antiques etant maintenant prouvee saus erreur possible par des vestiges
archeologiques" (33). Nous ne serons pas si peremptoire car les choses ne
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sont, nous le savons tous, pas aussi tranchees, meme s'il y a de plus en plus de
faisceaux de convergence dans ce sens.
Poursuivons sur le Xoloizcuintle. Les specimens les plus parfaits se remarquent
par l'absence totale de poils et leur robe, du noir le plus pur. L'une des
bizarreries genetiques de ce chien est qu'il n'a pas de formule dentaire fix, le
nombre de ses dents etant toujours inferieur a la denture des chiens traditiom1els,
et ayant en outre des formes simplifiees et parfois aberrantes (absence totale de
premolaires et, parfois, d'une ou plusieurs incisives). Cette remarque nous suggere
qu'il ne serait peut-etre pas ininteressant d'etudier sous cet angle la denture des
cränes de chien canaries dont nous disposons.
Autre bizarerie que l'on rencontre chez ce type de chien: wie hyperthermie
plus ou moins importante selon les specimens, de m1 a plusieurs degres supplementaires
par rapport aux autres chiens, qui les faisait utiliser par les precolombiens
comme "chiens-bouillottes" ou meme "chiens-guerisseurs" (34).
On ne les a pas apprecie que pour leurs qualites de "chauferette domestique"
mais aussi pour leur chair. En Amerique comme en Chine, les chiens nus
etaient eleves specialement pour etre consommes. Au Mexique, le marche d'Acolman
etait repute pour ses "chiens comestibles et expiatoires", puisqu'ils servaient
aussi aux sacrifices au dieu Xolotl. Si ces chiens ont pratiquement disparu,
c'est en raison d'une consommation abusive, y compris apres la conquete, mais
aussi en raison de l'extermination des classes superieures de la societe "qui procedaient
aux selections et aux croisements des chiens nus au Mexique (prise de
pouvoir par les espagnols) comme en Chine (renversement de la dynastie mandchoue)"
(35).
Certains penseront que le Xoloizcuintle nous aura mene bien loin des levriers
sauvages que hantent encore les barrancos canaries. Peut-etre ... II nous semble
toutefois que l'hypothese de possibles relations entre lui et les chiens canariens,
voire egyptiens, merite d'etre etudiee, en particulier par une relecture
attentive des temoignages archeologiques signales.
Si eile etait confirmee, la these de relations entre les Canaries et l'Amerique,
d'une part, et l'Egypte, d'autre part, deja mises en evidences par certains
elements ethnologiques, se trouveraint confortees par la zoologie.
Peut-etre alors pourra-t-on dire un jour que les chiens canariens sont les
derniers descendants des dieux qui conduisirent les ämes des morts sur l'une et
l'autre rive du vaste Atlantique?
Notes:
(1) J.-B. Marcellin Bory de Saint Vincent, Essai sur les iles Fortunees de l'Antique
Atlantide ou Precis de l'Histoire generale de l'archipel des Canaries, Paris,
Baudoin, 1803
(2) Pline, Historia naturalis, Livre VI, chap. XXVII
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(3) Juba II, prince herbere eleve a Rome, de double culture grecque et romaine. II
ecrivit une monumentale oeuvre de geographie de l'Afrique du Nord, Libyca,
dont il ne reste que de courts fragments, publies par Jacoby, Die Fragmente der
griechischen Historiker ...
( 4) Francisco Lopez de Gomara, Historia general de la Indias, Ed. por E. de Vedia
in: Historiadores primitivos de la India, vol. I, Madrid 1852
(5) Le Canarien, cap. XL VlI. ed. por A. Cioranescu, Santa Cruz de Tenerife,
Aula de Cultura, 1980, p. 165-166
(6) Le Canarien, cap. XLVIII (Texto de Gadifer de La Salle), ed. por E. Serra
Rafols y A. Cioranescu, La Laguna/Las Palmas, lnstituto de Estudios Canarios/
EI Museo Canario, 1965, p.131
(7) Thomas Nichols, A description of the Fortunate Islands ... , in Cioranescu, A.:
Thomas Nichols. Mercader de azticar, hispanista y hereje.- La Laguna, Instituto
de Estudios Canarios, 1963
(8) Ces cränes sont depose au Museo Canario de Las Palmas. sous les references
no. 1226 a 1228. Ils semblent provenir des fouilles de S. Jimenez Sanchez a la
Montaia de Moya. C'et archeologue cite, dans ses nombreuses publications qui
s'etendent sur plus de dix ans ( Anuario de Estudios Atlänticos, EI Museo Canario,
etc.) de nombreuses trouvailles semblables mais nous n'avons pas reussi a identifier
les collections ou elles sont actuellement conservees.
(9) Luis Diego Cuscoy. Los Guanches, Sta. Cruz de Tenerife, Museo Arqueologico
de Tenerife. 1968, p. 108 et sq.; une photo de ce cräne est donnee in fine,
planche IX. 2.
( 10) Luis Diego C'uscoy, op. cit., p. 109 citant Martin Almagro Basch, Prehistoria
del Norte de Africa y del Sahara espafiol. Barcelona, CSIC, lnstituto de Estudios
Africanos. 1946. Ces pieces corespondraient donc aux periodes neolithiques et
eneolithiques (Vandier. Ma.nuel d'archeologie egyptienne, T. I. Paris, Picard 1952).
O 1) Vandier. op. cit., et Lortet et Gaillard, "Faune de l'ancienne Egypte, Canides"
in: Archives du Museum d'Histoire Naturelle de Lyon, T. X, chap. XVII,
Lyon. Georg, 1909
( 12) Decouvertes de von Tschudi. Max Uhle et A. Kroeber au Perou (Communication
de Mme. Simone Waisbard, de Paris)
(13) Hans Biedermann, "Die Hunde-Inseln im Westmeer", in: Almogaren. t.III
(1972). p. 99-107
( 14) Luis Diego Cuscoy. op. cit.
( 15) Pedro Gome7 Escudero. Historia de la conquista de la Gran Canaria. Presentado
por D.V. Darias y Padron y M. Quesada Saavedra, Galdar, Tipografia EI
Norte. 1936
( l 6) Pedro Hernändez Hernändez. C'reencias y practicas religiosas, in: Natura y
cultura de las lslas C'anarias, Las Palmas de Gran Canaria, 1978. Information
completee par une commwücation personelle de James Krüss, de Tafira, G. C.
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( 17) Pedro Hernandez Hernandez, op. cit.
(18) Luis Diego Cuscoy, op. cit., p. 109, citant Zeuner, Some domesticated animals
from the prehistoric site ofGuayadeque, Gran Canaria, in: EI Museo Canario,
no. 65-72, Las Palmas de Gran Canaria, 1958-1959.
( 19) Fray Jose de Sosa, Topografia de la isla de Gran Canaria comprensiva de las
siete islas llamadas Afortunadas ... , Ms. 1687
(20) Luis Diego Cuscoy, op. cit., p. 109
( 21) Thomas Nichols, op. cit.
(22) Communications de Antonio Cardona Sosa, de Las Palmas de Gran Canaria
et travaux d'ASCAN
(23) "Los perros chinos", "Raza de perros del Incario" et autres articles parus
dans La Prensa (Lima) communiques par Mme. Simone Waisbard, de Paris
(24) Selon M. Masse, "Le Podenco ibizenco ou chien sacre des pharaons" (article
d'origine non identifiee, documentation personelle) aurait ete abandonnee a Ibiza
par la deesse Tanit dont il canduisait le char; voir aussi C'laudine Fahre-V assas,
Levriers des Baleares, in: Terrain no.10, Avril 1988, p. 97-101, Paris, Ministere
de la Culture, 1988.
(25) Guide Nagel sur Malte (Communication de Jacqueline Montagne); cL Fabre-
Vassas, citee dans la note precedente, identifie ce chien, qui vir sur l'ile de
Gozo a Malte, comme un "podenco"; eile le compare a d'autres "podenco tres
proches ( qui) se retrouvent a l'ile de Gozo, aux Canaries. du Portugal a l'Extremadure
et a l'Andalousie ou ils constituent autant de varietes locales adaptees a la
chasse" (p. 97).
(26) Sur tous ces types de chiens, voir J.-Cl. Hermans. Une vieille famille au
passe glorieux, heritage de la civilisation antique: les levriers mediterraneens, in:
Chiens 2000 no. 63 (Janvier 1982), pp. 30-31
(27) Mythologies de la Mediterranee au Gange (Mythologies egyptiennes), Paris,
ed. Larousse, p. 37
(28) Lortet et Gaillard, op. cit.
(29) Isha Schwaller de Lubicz, Her-Bak disciple, Paris, Flammarion 1956, pp.
324-325
(30) R. Comte, Le Canis Atlanticus et les origines atlantiques de Ja civilisation
occidentale, in: Cahiers du Realisme Fantastique no.2 ( 1976 ), Nice, p. 30-42
(31) Etienne Hervier, Le Xoloinzcuintle, in: Tele Sept Jours (illustre d'une photo
pleine page) et divers articles de la presse peruvienne communiques par Mme.
Simone W aisbard, de Paris
(32) Andre Couture, Ces etranges et mysterieux chiens nus, in: Chiens 2000, no.
80 (Jllet.-Aoit 1983 ), p. 38
(33) lbid., p. 41
(34) Ibid., p. 41
(35) Ibid., p. 42
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Zusammenfassung (der Redaktion)
Der Verfasser geht davon aus, daß der Name des Kanarischen Archipels
sich tatsächlich auf Hunde bezieht. Diese Hunde erscheinen in mehrfacher Form:
als Nackthunde, die einfach der Nahrung dienten; als Opferhunde, die mit dem
Totendienst zu tun hatten und als wildlebende Pariahunde, die es zum Teil heute
noch in den Barancos der Kanarischen Inseln gibt.
Der Verfasser zieht Beziehungen nicht nur nach Ägypten, sondern auch
transatlantischer Art in Betracht, worin wir ihm nicht folgen können, besonders
nicht in der teilweise verfehlten Ausdeutung der aztekischen Gottheiten Xoloizcuintle
und Xipe. Die Rolle des Hundes wird benützt, um transatlantische Beziehungen
wahrscheinlich zu machen, aber afrikanische und iberische Beziehungen
genügen da wohl vollauf. - HSt
Abstract (by the editorial board l
Tue author starts from the supposition, that the name of the Canarian lslands
is based on the name of the dog, latin II canis 11• These dogs are met with in
three diferent ways: first as naked dogs, which simply served as victuals; second
as sacrified dogs, used in burial rites and as wild errant dogs, socalled 11Pariah
dogs11 , still to be found in some of the barrancos of the Canary Islands.
Tue author does not only think of relations with ancient Egypt, he considers
transantlantic relationships as also feasible, in this we cannot follow him,
especially not in the partly eroneos interpretation of the Aztec deities Xoloizcuintle
and Xipe. Tue role of the dog is used, to make transatlantic relations
probable, but African and lberian connections are enough to explain the role of
the dog on the Canaries. - HSt
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