EXPLORACIONES GEOGRAFICAS
Y
EMPRESAS COMERCIALES
NOTES SUR GEORGE GLAS (1725-1765)
FONDATEUR DE PORT HILLSBOROUGH
(SAHARA MAROCAIN)
P A R
. . . . . . . . . . . , . .
Trust m, una thimlc, to morrcrw wzZ[ --y;
To-rnorrcnn's falser than the forrner &y
(Vers brodes en lame rouge retrouvés a
la g&ve ap&s le naufrage du aEarl of
Sandwich». )
SOMMAIRE
T introduction.-ii Elements biographiques (1725-1764) -111. Un etablisse-ment
ephemere: Port Hillsborough (1764-1765).-N. Santa Cruz de Mar Pe-queña
et les ruines de Puerto Cansado.-V. Aspects politiques et adminis-tratifs.-
VI. Le drame du «Earl of Sandwich» -VII. Annexes.-VIII. Bi-bliographie.
Des recherches, de39 anciennes ', sur la bibliographie du Sahara
accidental devaient me mettre en contact avec l'auteur de la Hzstory
*
1 Notes óibZiogruphiques 6ur le Sahara occidelatal, «Journ. Soc. -&$r P,
111, 1933, N? 1, p 129-196, .id., Premier supplément, ihdem, 111, 1933, NO 2,
p 335-340; id, Deuxieme supr>l6ment, ~ b i d emV, . Nv 1: 1955: p. 117-124.
2 THEODORE MONOD
o# the Discovery and Conquest of the Canary Zslands ... (1764). Ma
curiosité éveillée, & propos d'un personnage et d'une entreprise peu
connus, j'ai dfi constater tres vite, en essayant de la satisfaire, que
les sources imprirnées étaient A la fois rares, et tres sommaires: de
plus, divers écrits contemporains, dispersés dans de journaux ou re-vues,
restaient peu connus, et parfois, d'ailleurs, difficiles d'acces.
Mais, d'abord, o i ~fa llait-il s'adresser? Théoriquement, on pouvait
songer, en fait d'archives: & Madrid, aux Canaries, & Londres, Edim-bourg
et Dublin. L'essentiel des documents consultés est conservé-au
Public Record Office; les archives canariennes ne semblent pas
avoir de matériaux sur Glas; celles de Madrid mériteraient une ex-ploration
attentive @our les négociations ayant entrainé la libéra-tion
de Glas en 1765); Edimbourg ne parait pas avoir grand chose,
meme sur l'état civil de George Glas; quant & Dublin, o6 j'ai tenté
de retrouver les pi6ces du proces des meurtriers de Glas, la destruc-tion
par le feu du Record Office en 1922 semble devoir enlever tout
espoir.
En ajoutant aux pi6ces d'archives quelques textes imprimés con-temporains,
empruntés & des journaux ou revues, on pouvait déjh
réunir une documentation assez étoffée pour autoriser la rédaction
d'un article apportant sur Glas et son entreprise des données non
négligeables.
Au cours de mes recherches sur Glas, j'ai eu la providentielk
bonne fortune de pouvoir entrer en relations avec un érudit de Té-nérife,
Louis H. Heydeman qui, de son caté, avait été amené & s'in-téresser
& Glas et s'efforcait de réunir une documentation paralI&
le & la mienne et, bien entendu, cornplémentaire. Mr Heydeman a
eu la générosité de me communiquer les riches matériaux qu'il avait
rassemblés, en m'autorisant & les utiliser: je ne saurais trop l'en
remercier, car j'ai connu, grace & lui, des documents que je n'aurais.
certainement pas pu découvrir tout sed.
Je tiens mentionner ici, pour l'aide qu'A des titres divers ils on
-a ie- n- --y-- - 9 ,----A--. C...- w m o,.,:ii ,n ,,,, YVUU 111 d y y u ~~C L. ~rsuu . sr. u v r u \vuaar, Eusex), U. Ch~überl,
2 A propos de la prkparation d'un ouvrage intitulé The Hwtvrg of the
AstronomBcal Ezp&ments on the Mountains of Peneriffe (Pico de Teide)
of 1856, un8 the eventual Naming of <The Nountairn af Tewrifm on the
Wnnm -ww".".
a 0 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANlICOS
GEORGE GLAS S
(Rabat), Mrs. M. K. Donaldson (General Register Office, Edinburgh),
J. Rodríguez Doreste (Museo Canario), G. S. Dugdale (Librarian,
R. G. S.), Ramón Ezquerra (Madrid), P. Gouldesrough (Scottish Re-cord
Office), Dr. D. Henze (Sevres), Louis H. Heydeman Penerife),
Hydrographic Department (Taunton, Somerset), Sir L. P. Kirwan
(R. G. S., London), Brian MacCurtain (Ordnance Survey, Dublin),
Prof. R. B. McDowell (Trinity College, Dublin), Prof. R. Mauny
' (Univ. Paris 1), Mark Milburn (Ronda, Málaga), We Magali Morsy
(Paris), J.-C1. Nardin (Bibl. Mazarine) Colonel Joaquín Portillo
Togores (Madrid), O. du Puigaudeau (Rabat), Gerard L. Sandeman
(Edinburgh), M. W. B. Sanderson (National Maritirne Museum, Green-wich),
Gunter Wege (Marburg a. d. Lahn).
Je d& une r ~ c ~ n n&- a n cp~r t i c~l i $ r e Mr le Pr~fesseiirP aii?
Pascon (Rabat), le meilleur connaisseur de la lagune de Khnifis et
de ses environs, auteur de la seule description précise de la tour
d'Agwitir, et qui a bien voulu me conduire sur place (14-16 juillet
1975).
Enfin je désire exprimer toute ma gratitude a M. le Professeur
Antonio Rumeu de Armas qui a bien voulu accueillir la présente étu-de
dans «Anuario de Estudios Atlánticos».
Les textes reproduits d'apres les archives du Public Record Of-fice
(Crown copyright) l'ont été avec l'autorisation de ce dernier,
que je tiens a remercier ici de son aimable obligeance.
1. Glass ou Glas?
On trouve les deux orthographes. Dans les archives du P. R. O,
(S. P. 42/65, 44/41 et 141 et J. C. Tr. Pl., vol. 71 et 72) que j'ai con-sultées
on trouve 10 fois Glas et 45 fois GIass aui est I'orthographe
toujours utilisée dans les papiers concernant la mutinerie du <iEarI
of Sandwich». Parmi les auteurs importants, si Chambers (1833, page
449) et Blunt (1874, p. 517) utilisent: Glass, Viera y Clavijo (1773,
* Qui m'a fort aimablement -et tds efficacement- facilité certaines
recherches bibliographfquea
Nhm. 22 (1976) 41T
r2i4 THEODORE MONOD
page 191) et Chichester (1890, p. 415) écrivent: Glas. Sans doute n'ai-je
pas vu de signature manuscrite, mais l'ouvrage imprimé porte
comme auteur: Glas. Ce dernier fait et le témoignage de Viera y
Clavijo, encore tres proche de I'affaire de Port Hillsborough et de
la détention de Glas aux Canaries me semblent devoir lever toute
hésitation. L'auteur des Papers relating to the adventures of Cap
tain George Glas croit pouvoir affirmer (p. 56): «he always signs
himself Glasx
Le testament de Katherine Black, épouse de John Glas, confirmé
.en 1752 porte: Glass, ainsi que le registre paroissial de Tealing. En
fait il est difficile de définir un nom «correct» A une époque ou les
noms de famille étaient en train de se fixer. Si George a signé lui-meme
«Glas» et utilisé cette orthographe pour son livre imprimé,
cela doit inciter, cependant, A adopter cette graphie.
On a meme écrit «Glasse» (Murray, 1859) et ... «Glats» (Peter Le
Dru, Reise ..., 1, 1821, p. 12).
George Glas est né & Dundee (ou & Tealing?) en 1725, l'un des 15
enfants de John Glas (1695-1773), fondateur de la secte des &lassi-tes
» ou «Glasites» appelés aussi «Sandemanians», du nom de Robert
Sandeman (1718-1771), gendre et successeur du fondateur 4.
L'église glasite s'était répandue en Ecosse et avait essaimé en
Amérique comme en Angleterre: & Londres, Michel Faraday appar-tenait
& la congrégation glasite. 11 subsiste un lieu de culte 2 Edin-burgh,
Barony Street, o t ~la tradition du repas en commun s'est con-servée:
c'est le rite de la dove feast» dominicale que a valu & I'égli-se
glasite le nom familier de «Kail Kirk» ou «Kale Kirk», d'église
de la soupe de pois».
Des recherches poursuivies par Mrs. M. M. Donaldson (General
Register Office for Scotland) dans les Old Parochial Registers of
Births and Baptisms for Dundee (1720-1729) sont demeurées sans
résultat. Mais George est-il né & Dundee? Son p6re ayant été pastew
& Tea:iag, Aíig~s (E'ui.faiishiw) dz 1715 2 1728, date de sa süspeixim
par le synode d'Angus & Mearns, il n'était pas invraisemblable que
4 11 amive que I'on trouve, au Iieu de George Glas: John Glas, et m&me
John Glas Jr.
412 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTZCOS
GEORGE GLAS 6
George fut né A Tealing: le registre pour Tealing se trouve au Ge-neral
Register Office (New Register House, Edinburgh) : le bapteme
de George Glas (1725) n'a pu y &re retrouvé, me signale M. P. Goul-desbrough,
ce qui est d'ailleurs assez surprenant pour le fils du pas-teur
de la paroisse. Apr4s tout, savons-nous vraiment oii est né Geor-ge
Glas?
Sur la vie de George Glas jusqu'a sa tentative d'établissement sur
la c6te sud-marocaine, nous savons peu de choses. A part la mention
d'un commandement sur un navire faisant le commerce avec le Bré-sil
(Chichester, 1890, p. 416) et un éventuel passage dans la R. N.
comme midshipman (eod. loco et Mem. John Glas, 1828, p. XXVII:
«He had served severa1 years as a midshipman in the navy») nous
n9avons guere que l'article From the LONDON CNRONICLE, du
journal les «&e's Occurences», LXIII, No. 6464, 18-22 Febr. 1766 et
celui de The Clan (Glas Sandeman, 1895, p. 85-88). Les lignes suivan-tes
de l'article de 1766 méritent d'etre reproduites ici:
«Capt. Glass was a native of Scotland, and bred a surgeon; in
that capacity he made some voyages to the coast of Guiney, and
was at length master on a Guiney ship 5, in which station he continued
till the late war began. Having saved a good sum of money in trade,
Be ventured part of it on board a privateer, and went himself as
captain. He was not three days at sea before the ship's crew mu-tinied
6; but at length, by fair speeches, were pacified; and still more
so by the capture of a French merchant man of great vahe, which
followed immediately.
»This good fortune was soon dispelled by the appearance of an
enemy's frigate about twice his strength, with which, however, he
engaged. The contest was very warm for more than two hours; but
another French ship appearing, Capt. Glass was obliged to strike,
with the loss of more than half his crew, and hirnself shot through
the shoulder. He remained some time in a French prison in the West-
Les Mem John Glas, 1828, p XXVU:, specifient m6me qu'au cours
de se$ voyages 2 ia c6te occidentaie á'Áfrique &e traded for dye stuffsp.
6 Une autre source (Glas Sandeman, 1895, p. 851, precise: «his crew
mutinied, and sent him that which 1s called in sea-phraseoIogy a round-robin
(a corruption of an old French military tenn, the ruban rond, or
xound nbbon), in whJch they wrote their names in a circle hence none
could knav who was the leaderíu).
6 THEODORE MONOD
Indies, and was treated with much severity, but being at last ex-changed,
he embarked the remainder of his fortune upon another
adventure in the privateering way. He was again taken prisoner, and
his whole fortune at once destroyed.
»Upon being released a second time, he was employed by mer-chants
in their service to and from the West-Indies, and was taken
prisoner no less than seven times during the last war. - Homever, he
had, upon the conclusion of the late peace, amassed about two thou-sand
pounds, and being an excellent seaman, he resolved, in his own
ship, to go upon a discovery. He found out a new harbour on the
coast of Africa, between the River Senegal and the cape de Verd,
to which he supposed a very great trade might be driven.»
Le Brésil, mentionné, on I'a vu, par Chichester, I'est aussi par a N
Blunt (1874) et cette fois avec une date: 1763, i'année d'avani ceiie
de Port Hillsborough. O
n En somme, si Glas a bien fait des études médicales et mGme na- -
m
O
vigué comme médecin, il apparait essentiellement comme un hom- E
E
me de mer, navigant tant6t au commerce (cate occidentale d'Afri- - 2
E
que, Antilles, peut-etre Brésil) tant6t comme corsaire, avec, on l'a
-
vu, des fortunes diverses. 3
Budgett Meakin (1901, p. 389) nous apprend, sans citer ses sour-
- -
0
m
ces malheureusement, que Glas dn 1760 ransomed there [a «Arksis ... E
described on severa1 Charts as Port Hillsborough»] some Europeans O
detained in slavery by the Berbers»; il semble donc que si, en 1764, n
E Glass veut créer un établissement fixe, et va solliciter une conces- -
a
sion, il pratiquait depuis des années la &te, et sans doute y com- nl
mercait dé& 5 partir des Canaries. n
n
On trouve une preuve de la connaissance que Glas avait de la 3
c8te saharlenne dans le fait que plusieurs cartes du XViiI e si6cle O
le mentionnent: &io do Ouro or Gold River, and Inlet explored by
Capt. Geo. Glas in 1760», «A Chart of the Coast of Africa from the
Streights of Gibraltar to Cape Blanco, with Madera & the Canary
Islands: from the Observations of Capt. Geo. Glas in 1759 & 1760, and
those of Monsr- de Eleuríeu made by Üder os the r'rench Govern-ment
in 1768 and 1769», London, 1781 (Bibl. Nat., Cartes et Plans,
Arch. Serv. Hydrog., 110-2, No 16, 17, etc.)
7 Carcopino (1943, face p. 136) repmduit un fragment de la carte
~1763-1771, (date 6 laquelle l'auteur était mort depuis 6 ans) de Glas et
414 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEORGE GL4S 3
11 avait appris l'arabe «and by conversation obtained a great deal
of information about the country, and the easiest plan of trading
with the interior parts for gold dust and ivory» (Mem. John Glas,
1828, p. XXVIII). 11 n'est pas douteux que Glas avait accumulé une
documentation importante sur la c6te saharienne et son hinterland
et il n'en est que plus désolant que le manuscrit du gran ouvrage
de A History and Description of that Part of Africa ... ait péri avec
son auteur: ce texte eut été, au moins pour la cate atlantique et son
hinterland, d'un extreme intéret.
On doit & la diligente de Mr L. Heydeman la découverte a la
St. Andrews University Library (Ms. 1889) d'un document concernant
lec activités commerciales de Glas. 11 s'agit d'une lettre de Tenerife du
13 juillet 1762 signée John & Killiam Pasley, adressée a John Bap-tist
Durand, London, dans laquelle il est question de deux caisses ren-fermant
300 pieces de baffetas en provenance d'dmsterdam, en-voyées
au Sénégal & la demande de Glas et chargées sur le navire
~<Britannia».
Glas avait une longue expérience du commerce aux Canaries,
comme on le voit d'apres ce qu'il dit de ses séjours A Fuerteventu-ra
(1764, p. 200 et sqq.),ou a Lanzarote (ibid., p. 214 et sqq.): dans la
premiere de ces iles on le voit acheter une cargaison de blé A desti-nation
de Madere, opération d'ailleurs médiocrement légale, et dans
la seconde échanger des marchandises contre de I'orseille.
En septembre 1761, il avait fait une ascension du Pic de Teyde
gu'il raconte en 1764 (p. 252-259).
Sa carte des iles Canaries 0764) est reproduite par Viera y Cla-vijo'
en 1772 et sa carte du détroit du Rio, séparant Lanzarote de
Graciosa, se retrouve dans Berthelot (1840, p. 192).
mentionne les «cartes f ran~aisesq u'a son retour en Angleterre, a p s s 1760,
le voyageur a pu consulter aisément»: «aisément» est peut-etre ici exagéré.
8 «Three hundred Wces of Bafts»: cbafb, tissu grossier a bon mar-che,
généralment de coton, destiné a I'exportation, en particulier sur 1'Afri-que
(James A H. Murray, A New EngZish Dictionaqj, Oxford, 1888).
9 Viera y Clavijo se fait 1'8cho du dépit évident caus6 aux Espagnols
par la publication du livre de Glas, cet «Aventurero de Escocia» (1772,
f. 3, re); mais Glas n'avait jamais dissimulé ce qu'il devait Abreu y Ga-lindo,
avouant que son histoire des Canaries était «almost entirely a trans-lation
from a Spanish Manuscript .. by Juan de Abreu de Galineo (sic)»
8 THEODORE MONOD
On trouve dans Viera y Clavijo 011, 1776, p. 451) une note a cet
égard intéressante: <Mientras los ingleses hablaban mal de nues-tros
vlnos y los compraban, sufrían las Islas las plagas de langosta
y viruelas, funestos dones de! Africa vecina. Temióse igualmente la
peste. Jorge Glas, autor de la H~storia Inglesa de las Canarias, llegó
de aquellas costas con vehementes sospechas de infección. El Co-rregidor
don Martín de Roxas y Teruel, que desde 26 de marzo de
1757 había sido digno sucesor del Conde del Palmar, pasó al Puerto
de La Orotava con la Diputación de Sanidad; pero el Comandante
General, que declamaba contra la langosta, dispens�� a Glas su pro-tección
como Conservador del comercio».
Glas avait épousé en 1753 Isabel Miller (1723-1765), de Perth, fzde
Gerard Sandeman (zn litt., 6-VIII-1972, 7-VIII-1972 et 20-X-1974, ar-chives
L. Heydeman); une fille, Catherine, naquit en 1754 (vide in-fra,
P. 9).
1. Glas fonde Port HQlsborough et se retrsuve en prbon 6 Ténérife.
Nous avons vu (Anon. 1766) qu'au cours de ses voyages 2 la cok
occidentale d7Afrique, Glas avait découvert un <mouveau p o h , situé
«entre le fleuve Sénégal et le Cap Vert».
Cette localisation est certainernent erronée puisque nous verrons
plus loin que Port HilIsborough ne pouvait se trouver que sur le lit-toral
faisant face aux Canaries, mais n'y a-t-il pas pu y avoir tout
de meme une confusion entre deux cites, I'un sénégalais, I'autre
marocain?
Reprenons le texte de l'article de 1766 oi3 nous l'avons interrom-pu.
Voici la suite: apres la découverte de son nouveau port, &íe
returned to England and laid his discovery before the ministry; and
a t 1~ngthn htained tra& te h i ~ ~ hw~~&?~) =fio.r t t ~ & y
years ". Having prepared for his departure, with the assistance of
(1764, p. VII-ViiI) Berthelot, en 1840 (p. 128-129) a fait justice des ac-cusations
dont Viera y Clavijo avait charg6 cet <hombre sospechoso».
lo Chichester (1890, p. 416) parle, lui, d'un ú.exclusive grant of the coun-try
for a11 trading purposes for thirty years».
416 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
GEORGE GIAS 9
one or two merchants 11, he left England, and arrived at the new-found
harbour. He sent one of his men on shore with propositions of
trade, but the nativea murdered him the moment he landed. Capt.
Glass found means to infoi-m the King of the country of the wrong
done him, and the mutual advantages that might acrue from trading
hlther .
»The King seemed to be pleased with his proposal, only to get
him the more securely in his power; but Glass, being on his guard,
he failed in effecting his design. The King's next attempt was to poi-son
the crew by provisions sent as presents to the Captain, this also
failed of effect; but Glass, for want of necessaries, was obliged to
en the CvnuRes in z epen he&, in order to h ~ nym e from t h _~ a"
Spaniards. In the mean time the savages fe11 upon his ship, but they
were repulsed by the crew; and the ship being obliged to quit the har-bour,
and not finding her Captain return, sailed for England, where
she arrived in safetys.
Ce texte est intéressant en ce qu'il est encore (1766) presque con-temporain
des événements racontés (1764). 11 pose plusieurs pro-blemes.
En ce qui concerne la date de l'arrivée a Port Hillsborough, iL
semble qu'on puisse la situer entre juin l2 et novembre, époque du
départ pour les Canaries, et plus exactement en septembre puisque
Glas aurait quitté I'Angleterre, s'embarquant a Gracesend, en aofit
(Chichester, 1890, p. 416). Glas arrive sur la &te, avec sa femme
Isabel (Isobel) et sa fille Catherine, «a beautiful girl» agée de 11
(<cPue's Occurrences», No. 6464, 18-22 Febr. 1766), 12 (Viera y Cla-vijo,
11, 1773, p. 194, qui ajoute ce détail A sa citation de la Gazette
de Madrid, dont le texte ne le contenait pas) ou 17 ans («PueYsO ccu-rrences
», No. 6446, 20-28 Dec. 1765). Une lettre de Gerard L. Sande-man
(6-VIII-1972, archives L. Heydeman) dit A la fois que Catherine
était née en 1754 (ce qui est tout A fait vraisemblable, le mariage
de Gias étant de 1753) et qu'elle avait 12 ans en 1765. Si l'on accepte
la date de 1754 pour la naissance, Catherine aurait eu en effet 11-12
11 Anthony Bacon et Mr F'ranklin, en tous les cas, qui représenteront
Glas absent aupds du Board of Trade and Plantations.
12 Le 25 jum, Glas assiste encore 5 une réunion du Board for Trade
and Plantations, a Londres.
10 THEODORE MONOD
ans au momento de sa mort 13. n avait aussi avec lui quelques ser-viteurs
et un «interprete Armenio» 14. 11 mouille au large, au-dela
de la barre et réussit a faire débarquer un érnissaire, qui se fait
tuer. Mais le contact s'établit avec des notables, dont Viera y Cla-vijo
nous donne les noms, <<Salem Ben Yathsoun, Yahia Ben Ham-med,
Muza Ben Mahmud, &». Glas débarquera également pour par-lementer,
et découvre les ruines d'une tour dans les fontations de
laquelle on trouvera «una moneda de cobre, pero tan comida del he-rrumbre,
que no se pudo reconocer el cuño aun después de limpia»
.(Viera y Clavijo, 11, 1773, p. 192).
La lagune, ou du moins son grau, s'appelle Reyeala (done: Ar-jeila
= eirjeFZn, la petite jambe) mais Viera y Clavijo n'héslte pas a
I'appeler aussi <Puerto de Guader o Santa Cruz de Marpequeña».
Glas donnera a l'emplacement du nouveau point de traite le nom
de Port Hillsborough, en hommage & Wills Hill, lEt Marquis of Dow-shire,
lEt Viscount Hillsborough l5 (1718-1793), nommé le 10 sept. 1763
grésident du Board of Trade and Plantations, c'est ?diire de l'auto-rité
avec laquelle Glas va avoir negocier.
On comprend peut-&re qu'il n'ait pas estimé nécessaire de s'as-surer
de l'accord du Sultan, qui 5 cette époque avouait lui-mGme ne
pas etre en mesure de se faire obéir si loin vers le Sud, ni de celui
de l'administration espagnole des Canaries, qui avait, et depuis beiie
lurette, laissé tomber en déshérence ses droits sur le littoral, et -6
ironie- précisément sur le site de Santa Cruz de Mar Pequeña que
Glas s'appretait peut-6tre réoccuper.
Mais il pouvait difficilement, sous peine de devenir un simple
aventurier, un «interlope», se passer de quelque caution supérieure
lui accordant, fíit-ce en fait, et, dans le cas présent, assez symboli-quement,
des droits et une garantie.
C'est done ce que Glas va réclamer de son Gouvernement, en mai
1764, par le canal du Board of Trade and Plantations: l'attribution
d'un monopoie commerciai pour un nombre ciéierminé d'années le.
13 Si les vers brodés sur le canevas de Miss Glas (cf. znfm, p. 72)
l'ont bien été par elIe, les 11-12 ans paraitront smguli6rement précoces:
mals rien ne prouve que I'auteur de la brodene n'ait pas été sa mere.
14 Viera y CiaviJo, 11, 1770, p. 191.
1: IFi::UburoUgh est .Une lucapLt6 #xr:an& aü U-W Be &!fa&
1s Trente ans, fi& Mem. John Glas, p XXVIII et Chichester, 1890,
p. 416.
418 A N U A R I O DE E S T U D I O S A T L A N I ' I C O S
GEORGE GGLAS 11
d n consideration of which he engaged to get the said port and dis-trict
ceded to His Majesty by the natives» (Mem. John Glas, 1828,
page XXVIII).
Le Board of Trade prend note, apparemment sans enthousiasme
et, en tous les cas, sans hate: il va falloir d'ailleurs l'accord du Roi
et une décision du Parlement. Et puis, le territoire en question se
trouvant situé dans une zona ou le commerce est libre pom tout
sujet de Sa Majesté, ?qiu oi bon préciser davantage? Mais h défaut
de concession officielle, Glas obtiendra peut-&re, A certaines con-ditions,
une subvention. Les Mem. John Glas, 1828, p. XXVIII-XXIX,
sont ici tres explicites: «The Board would not agree to the granting
of any exclusive privilege to the trade of the port and district, as
it. wa- pr~videdb y SE -.ct n_f P~rliarnert,o i., the ~ h d i t imn_ f $he e!<
African Company, that the whole trade on that coast should be left
free. They afterwards entered into an engagement with Captain Glas,
that if he could procure the voluntary cession of the territory from
the natives to the drown of Great Britain he should be entitled to
a sum of money, which was agreed to be L. 15.000. In consequence
of this arrangement he entered into partnership with a respectable
house in London, and a large vessel was fitted out, having a valuable
cargo on board. So anxious was he to proceed on his undertakng,
that in less than two months he was ready for sea. Having received
his orders from the Privy Council, in the month of August, he em-barked
at Gravesend, accompanied by his wife and daughter.
»After a short and prosperous voyage they landed on the coast
of Africa, and sailed into the port which had been before discovered,
and which they named Hillsborough. Shortly after the chieftains
and leading men of the country came on board the vessel by appoint-rnent,
and the ship's crew being assembled with them on deck, a
treaty, written in the Arabic language, was read aloud, by which
the natives agreed to cede the port and a certain district around ~t
to the Crown of Great Britain. This treaty being formally signed and
sworne tn, Captuin U!^S's enguge,n;leilt ~ i t hthe Uritfsh &vei.ani&,
was completed, and he determined to send over a boat to the Ca-nary
Islands with the deed of cession, in order to its being forwarded
to London: but a famine prevailing at that time in Africa, at the
sollicitation of the natives, as well as for the support of his intended
colony, he resolved to go to Tenerife, to buy some small vessels and
12 THEODORE MONOD
load them with corn for Port Hillsborough. On the 5th of November
1764, he set out in the long boat with five men for the nearest of
the Canary Islands, intending to send back the long boat and take
a passage in a Spanish bark to Teneriffe. They arrived at the Is-land
of Lancerotta in twenty-four hours, from whence the treatg
containing the cession of Port Hillsborough was sent to London by
an English ship». En janvier 1765, l'associé de Glas, Anthony Bacon,
peut annoncer que les indigenes ont <&dé» Zi Glas, dogether with a
tract of land adjacent and an exclusive trade» le «<Port of Regeala
of Gueder (now Port Hillsborough)» et le document (annexe no 13)
peut ajouter: «in behalf of the English nation». Les formalités re-quises
pour l'inscription de I'affaire A l'ordre du jour de la Cham-bre
des Communes se poursuivaient quand, le 28 mai 1765, allait se
manifester une opposition marocaine au projet Glas, non pas de la
part de 1'Etat chérifien, mais de celle des commercants anglais de
Mogador, etc., voyant de mauvais oeil une concurrence s'installer
plus au Sud Zi leur détriment, A l'abri des taxes douanieres chéri-fiennes,
en un point capable de devenir une nouvelle tete de ligne
du commerce transsaharien. Le Board of Trade se trouve sans doute
bien embarrassé, mais la mort de Glas (3 déc. 1765) viendra résou-dre
le probleme: affaire classée.
Plus d'un siecle plus tard le Gouvernement britannique ne se
montrera pas beaucoup plus chaud pour appuyer la création du Port
Victoria de Mackenzie et semblera meme assez satisfait de pouvoir,
par la convention du 13 mars 1895, négocier la cession de I'établis-sement
du Cap Juby au Sultan pour la somme de 50 000 £. La cour
de St. James, puis l'empire britannique, auraient-ils craint d'indis-poser
1'Espagne en se manifestant trop ouvertement, fut-ce par des
entreprises commerciales privées, sur une c6te si proche des Ca-naries?
Ou faut-il voir ici, ou voir aussi, les effects d'une tendance
de la diplomatie britannique traditionnellement respectueuse de l'in-tégrité
de 1'Etat chérifien et peu soucieuse d'indisposer sur ses fron-tieres
un pays l'intérieur duque1 le commerce anglais possede de
si solides intérets?
Les données concernant le dernier séjour de Glas h Port Hillsbo-rough,
en 1764, sont contradictoires. L'on s'accorde cependant sur
un départ de Glas pour les Canaries avec 5 hommes A bord d'un
dong boats ou copen boat», donc d'une chaloupe ou baIeir?i&re, pBur
420 A N U A R I O DE ESTUDIOS ATLANTZCOS
GEORGE GLAS 13
y chercher un second navire, de moindre tirant d'eau et permettant
de pénétrer & I'intérieur du qort» (nov. 1764) : Viera y Clavijo croit
meme pouvoir préciser (TI, 1773, p. 192) qu'il s'agirait d'un «pequeñ@
vergantim, ce qui prouverait que le navire, toujours mouillé a l'ex-térieur,
était de taille supérieure A celle d'un petit brigantnn. San%
doute Glas avait-il d'autres achats h effectuer, peut-&'e du person-nel
supplémentaire & recruter l7 ou qureiques marchandises A écouler.
On peut d'ailleurs se demander si les marchandises que Glas ira ven-dre
ne seraient pas tout simplement premiers produits de ses échan-ges
avec les Maures de Puerto Cansado (peaux, laine, miel?).
On a supposé que le voyage de Glas a Lanzarote avait été provo-qué
par la nécessité d'acquérir des bateaux de tonnage moindre que-ceki
aiec !eyue! :! && t;rriié & n,ci a ~ r u i tr iqgh & cp rrnir i-m--
mobilisé dans une lagune d'ou il était impossible pour un navire im-portant
de sortir sauf avec un vent de terre, du Sud (Murray, 1859,
page 208-209; L. von Buch, 1825 et 1877, p. 274). J'ignore ce qui jus-tifie
l'hypothese car Viera y Clavijo ne dit pas expressément que
Glas était entré dans la lagune avec un navire trop grus pour re-prendre
la mer aisément.
Nous ~etrouverons Glas tout A l'heure: pendant qu'il est absent
que va-t-il se passer autour du naviere-ponton oii se trouvent sa fem-me,
sa fille, son interprete «arménien», son équipage, et, bien entendu,
la cargaison? Si c'est I'absence du Capitaine @las qui provoque, ov-explique,
les incidents de mars 1765 qui vont faire de Port Hillsbs-rough
un mort-né, les récits vont différer. Pour Viera y Clavijo, une
mutinerie éclate a bord ls, des Anglais sont tués, le navire est pillé,
et incendié mais Mrs et Miss Glas, I'interprete, un domestique, et
d e reste de l'équipage~l a sont parvenus A embarquer précipitamment
dans deux chalsupes pour gagner Gran Canaria et, de 15, Tenerife,
Le document cité plus haut propose une autre version: le navire
est attaqué, done par des agresseurs venus de la &te, mals ceux-ci
sont repoussés et le navire peut appareiller, pour se rendre en An-dnfnrro
fol ci ófcí ln nor i! f n i ~ d r ~ni fn nnnnlsrv-n ni-n ?&\o. n+ ?\K- c i b.LC"L'.'.C' Y C I U C V C Lb bu", L U C L U l U l Y bII b V I L b l U l b YIAL LlLl., Gb 1,11.,U
-
17 Figueras (1941, p. 46): « como para buscar algunos trabajado-res
»; Schirrner (1893, p 378) avait déj&.parlé d' «ernployés de renfort».
18 Peut-&re parmi les Maures embarques, car il y en avaik certainemunt,
19 Ce qui peut signifier ou bien: ceux qui ne sont pas partis avec
Glas, ou bien ceux qui ne se sont pas mutinks.
Glas seraient revenues ensuite d'Angleterre aux Canaries puisqu'on
les voit s'embarquer A Orotava, avec Glas, sur l'«Earl of Sandwich»
en novembre 1765 pour Londres, ee que rapporte d'ailleurs précisé-ment
le chroniqueur anonyme des <iPue's Occurrences» (No. 6464, 18-
22 Febr. 1766): «Here [A Tenerife, apres son élargissement] he con-tinued
for some time, till his wife and daughter (a beautiful girl of
eleven years old) came to him from heme...».
La version donnée par les Mem. John Glas, 1828, p. XXX (cf. Chi-chester,
1890, p. 416) est différente. L'attaque du navire a lieu le 7
mars 1765, en l'absence du canot et d'une partie de l'équipag, 0 oc-cupés
A l'aiguade; de nombreux maures montent A bord et a un
signal donné se jettent sur l'équipage, tuant le capitaine et six autres
ar.---.i-.,-u. inulca,. !e mv1re est aUandmr,S et !es survivurl,s pariiement 5
rejoindre la Grande Canarie, d'ou Mrs Glas aurait passé A Tenerife.
Rien ne permet de choisir entre les deux récits (le navire par-venant
A appareiller pour Londres ou abandonné sur place).
Nous avons enfin une version marocaine de l'affaire dans une
lettre du Sultan Sid~ Mohammed A Carlos III du 28 mai 1767 (Ga-llano,
1879, p. 78; Figueras, 1941, p. 49): «Es lo que sucedió a los
ingleses [Glas, évidernment], a quienes acometieron, entrando en su
embarcación, que destrozaron y quemaron, llevando los palos para
sus tiendas». Donc, de nouveau la destruction du navlre: la version
de la fuite de ce dernier repose peut-&re sur une coniusion avec
celle des deux chaloupes.
De Port Hillsborough Glas se rend Lanzarote -le Capitaine Bo-teler
(13-111-1765) précise meme: «at the Island Allegranza Lazaret-ta
»- ou il avait été d'abord bien accueilli 20 quand l'autorlté supé-rieure
s'en mele: le Commandant général des Canaries, Don Do-mingo
Bernardi Gómez Rabelo, probablement alerté par Madrid, ac-cuse
Glas d'etre un «defraudador de la Real Haelenda»: il est entré
dans la provhce sans passeport et vend des marchandises de con-trebande.
En réalité, il y avait aussi autre chose: en effet, si Glas,
5 fieykc Cansa& pcuiuit peUtJty aveir =&!ié != suzey2in&é ma-rocaine
sur une région pratiquement indépendante du Sultan, il de-
20 Le Gouverneur de l'ile sera d'adleurs emprisonn6 pour avoir laissé
débarquer Glas (Boteler, 13-111-1765); Glas ayant debarque sur une ile ha-bitde,
et pourvue d'un Gouverneur, 11 s'ensuit que «Allegranza Lazaretta»
ne peut désigner l'ilot désert d'Alegranza rnals bien I'ile de Lanzarote,
422 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANZZCOS
GEORGE GLAS 15
vait savoir, ayant séjourné aux Canaries et publié un ouvrage entier
sur I'archipel, l'extreme susceptibilité des Espagnols et leurs pré-tentions
la possess~on de certains points au moins de la c6te ma-rocaine
atlantique et -pour comble de malchance- précisément sur
l'emplacement de Port Hillsborough, site posible de l'ancien cha-teau
construit vers 1476 par Diego García de Herrera.
En réalité, en effectuant une tentative d'établissement sur une
c6te africaine située juste au niveau des Canaries, Glas allait pro-voquer
de vives inquiétudes chez les Espagnols et réveiller la tres
vieille qpestion des droits de 1'Espagne sur divers points du littoral
sud-marocain, Le Gouverneur des Canaries, D. Domingo Bernardi
est 5 cet égard tout A fait explicite dans sa lettre du 1" avril 1765
quand il insiste sur <da conveniencia de anticiparse a los ingleses en
la posesión de aquella costa, y en la necesidad de impedirles una
nueva tentativa, que lastimara los derechos adquiridos por los pes-cadores
isleños» (En Millares, VI, 1894, p. 213).
Un établissement anglais, commercial pour le moment sans dou-te,
mais appuyé par la Couronne et de caractere semi-officiel ne
pouvait qu'éveiller la suspicion 21. Le résultat ne se fit pas attendre:
Glass est arreté, avec son domestique rt transféré & la citadelle
principale de Santa Cruz de Tenerife 22, mis aux fers, privé d'eau, de
papier et de plumes; une tentative d'évasion est rapportée par Viera
y Clavijo 01, 1773, p. 193) et par les Mem. John Glas, 1828, p. XXIX.
Mais le prisonnier réussira cependant A communiquer avec l'ex-térieur:
meme s'il fallait renoncer A Z'histoire du message écrit au
charbon de bois sur un biscuit («Pue's Occurrences», No. 6464), ou
écrit au crayon et caché dans un pain, il existe une lettre de Glas
«dated Santa Crux, Teneriffe, 15th December, 1764, giving an account
of his confinernent there, and of the reasons thereof, and praying
that the Board [of Trade and Plantations] would interpose to pro-
21 Si les Anglais commercaient activement depuis le XVIe sigcle avec
les Canaries, leur situation n'avait pas toujours Bté facile et certains avaient
eu maiiie partir avec i'inquisition (cf Cie Xiberii ei waiiis, iYi2 j: meme
5 I'époque ou Glas circule aux Canaries, le non-catholique demeure, a prio-ri,
suspect; Glas, d'ailleurs, en bon commeqant, ne cherchera peut-&re pas
toujours, surtout dans les iles éloignées du slege du pouvoir central, ob-server
tres scrupuleusement les Sglements en vigueur.
22 CMteau de Saint Christophe.
cure his en[l]argement» (P. R. O., J. C. T. Pl., vol. 72, f0 55; publ.
page 147; cf. annexe 2). En fait, Glas a pu tres vite appeler au se-cours,
et toucher, en partlculier, le Commandant d'un navire de
guerre anglais 23, le &hannon», et des le 13 mars 1765, le Captain
Ph. Boteler peut rendre compte au Commodore Thomas Graves, 2
bord de lY«Edgar, (cf. annexe no 1A/1) de la situation de Glas, et
Graves, alors au large du Sénégal, écrit le 22 mars A Philip Stephens
pour attirer 1' attention sur cet «unfortunate poor man» qui se trouve
«kept under such rigid confinement even to barbarity~.
D'apres l'anonyme des <3ue's Occurrences» (No. 6464), le Com-mandant
qui était intervenu en faveur de Glas n'aurait obtenu gain
d e cause que ~ a f t e rb eing previously sent to prison hirnself». * D
N
E D'ailleurs, comme le Gouverneur des Canaries l'avait deciaré au
O
Captain Boteler, il fallait attendre les ordres de Madrid et l'affaire
n-= m allait se traiter, au niveau diplomatique, entre les deux Etats inté- O
E
ressés. A cet échange de correspondances officielles ont pris part, SE
au cours de l'année 1765, du caté anglais, en tous les cas: le Earl =E
of Halifax, son secrétaire L. Stanhope, 1'Ambassadeur le Earl of
3
Rochford, ou son suppléant Mr de Visme, et Jerónuno Gri- -
-
maldi Pallavicini. Marqués (pi s : Duque) de Grimaldi (1720-1786)' 0m
E
alors secrétaire d'Etat, pour 17Espagne. 11 ne serait pas sans inté- O
ret de rechercher ces pieces, ne fut-ce que pour les renseignements
qu'elles seraient sans doute susceptibles de fournir par exemple sur n
-E
I'attitude des deux Etats en cause l'égard des territoires de 1'Ex- a
2 trtreme-Sud marocain, des droits de 1'Espagne sur cette cate ou de n
Sidentification de Port Hillsborough avec Santa Cruz de Mar Pe- 0
queña. 3
O
Quelques textes, cependant, sont connus: lettres de D. Domingo
Bernardi du 1" avril (Alcalá Galiano, 1879, p. 30, note 3), de D. Jor-ge
Juan du 3 février 1767 (ibid., p. 73-75 et 1900, p. 259-260) et du
Marquis de Grimaldi du 9 février 1767 (ibid., p. 75-77 et 1900, p. 260-
262).
Le Roi Carlos 111 finit par consentir A la libération de Glas, aui
23 Pour Chambers (1833, p. 449) c'est au Consul britannique que se
serait adresse Glas. Peut-Gtre au Consul aussz? Egalement, semble-t-11, au
Consul des Pays-Bas.
424 ANUARIO DE ESTUDIOS .4TLANTICOS
GEORGE GLAS 17
aurait eu lieu en octobre 1765, apres environ onze mois de déten-tion
24.
2. Identificatzon géographique de Port Hiílsborough.
Mais il est temps d'en arriver Zt un point essentiel de cette étude,
l'identification géographique de Port Hillsborough.
On a vu plus haut que Port Hillsborough a pu se voir localisé au
Sénégal, Zt la suite sans doute de confusions et de malentendus car
Glas lui-meme n'aurait jamais prétendu avoir découvert une riviere
inconnue entre le Sénégal et le Cap Vert et surtout une riviere «na-vigable
to such a distante, that by three days' land carriage goods
might be conveyed to Tombut, and thence through a vast extent of
country» (Mem. John Glas, 1828, p. XXVII-XXVIII).
Mais une fois éliminée l'hypothese sénégalaise 25, toutes les don-nées
contemporaines indiquent un site proche des Canaries.
Nous ne possédons pas - d u moins ne les ai-je pas trouvés- les
mémoires rédigés par Glas l'appui de sa demande d'appui officiel
aiapres du Board of Trade and Plantations. C'est regrettable car il
y avait certainement des détails géographiques, voire des cartes.
Mais ce que nous avons parait suffisant pour cerner le probleme
de tres pres.
1 2 Lettre du Commandant Ph. Boteler (13-111-1765).
Cette lettre, reproduite & 1'Annexe nQ 1 A/1 (mde zmfra, p. 74) mention-ne
«a River cailed the Iittle Sea», done «Mar Pequeña».
20 Board of Trade and Plantations (7-1-1765): P R O., J. C. T. Pl.,
vol. 72, fQ 9-10, publ. p. 134).
I, eut y ~ e s t : ~c=?e. 1s :tvrssim c?f the ,PO/, ef Regea!~o r Gwder B, c'ert
& dire «Ar-Rjeila ou Agwidim, deux toponymes bien connus et désignant
encore l'actuel Puerto Cansado.
3" D. Domingo Bernardi, qui a mis Glas en prison, écrivait le le' avril
1765, á propos de sa victime: «vino al paraje destinado que es el puerto que
los moros nombran Voord, y el mismo que la corona de España tuvo en
dominio y posesión hasta el año 1524. >> (Alcalá Galiano, 1879, p. 30,
24 Et non «severa1 years» comme Yécrit Chambers (1838, p. 449).
25 De toutes facons, Glas n'aurait pas pu se rendre en baleiniere du
Sénégal zux Cananes comme 11 Ya fait de Port Hillsborough: ce seul fait
exclut totalement, 5 lui seul, un site sén6galais.
note 3). Si ve «Voord» est le «Ghord» de I'entrée de la Iagune (cf. p. 28),
c'est une indication positive.
En 1900 (p. 56-57) Alcalá Galiano fournit de cette m6me lettre du 1"'
avril 1765 un texte un peu différent, mais tres intéressant en ce qu'il sig-nale
que Glas aurait vu des ruines: <Vino Glas al puerto que los Moros
nombran Voord, al Sur de Cabo Naon en la latitud de estas islas y a dis-tancia
de treinta leguas de las más cercanas Lanzarote y Fuerteventura,
del cual dice Glas tomó posesión a nombre de su soberano, cedi6ndolo los
moros habitantes, en virtud de ser independientes del rey de Marruecos
el puerto que Glas eligió fue el que la corona de España tuvo en dominio
y posesión hasta el año 1524, como consta de los documentos rem~tidos a
V. E., y se confirma en unos apuntes del mismo Glas en que se halla ha-ber
encontrado vestigios de fortaleza, capilla o templo».
40 Viera y Clavijo (11, 1773, p. 191).
L'auteur précise que Glas a appelé «Puerto de Hilsborugh (sic)» le
«Puerto de Guader o Santa Cruz de Mar Pequeña». On ne saurait 6tre plus
explicite, ni d'ailleurs, entre parenthgses, controuver plus clairement la these
officielle espagnole qui pour des raisons politiques et non historiques dé-cidera
un si&cle plus tard que Santa Cruz de Mar Pequeña se trouvait
A . ifni
50 Jackson (1809, 1811, 1814, 1820).
A la carte du livre de James Gray Jackson, «An Account o£ the Em-pire
of Morocco and of the Districts of Suse and Tafilelt », on trouve
bien -comme sur la carte de Jackson de 1820- un «Gueder or Port Hills-borough
» mais vers 290, donc tres au Nord, entre l'Oued Assaka et Ifni, et
sans rapport avec Puerto Cansado, ni meme avec I'Oued Chbeika. 11 ne
peut s'agir que d'une erreur puisqu'on se trouve ici bien au-dela des 30
lieues de Viera y Clavijo 26, mals j'ignore compl6tement d'ou elle aura pU
provenir: peut-etre du fait que Jackson: 1 9 avait appris que «Pod Hiils-borough
» était identique A un «Guader» ou «Regeala», 20 avait découvert CeS
toponymes sur la c6te des Ait Ba Amran o0 les avait transposés quelque
cartographe mal informé Ce n'est qu'une hypothese.
D'ailleurs, on retrouve A diverses reprises un «Porto Reguela» ou aGue-der
» au Nord du Cap Noun; Bouet, p ex en 1840 parle du Porto Reguela
«de certaines cartes» par 298 10'N (fg 17 v ~ e) t en 1841 d'un «Porto-Re-gzcela
ou Gzceüer» (p. 8), tandis que Kerhallet (1841, p. 43) place par
29~16'40"N un «Port de Guéder, ou Reguela, ou Port Rilborough ((sic),
ou Santa-Cruz de Mar-Pequeña». S'agit-il d'une confusion, ancienne, avec
Puerto Cansado, pourtant lointain, ou d'une coincidence toponymique? Mais
si cette derni6re peut etre poss~ble pour «Gueder» (=agadzr, heu fortifié),
I'est-elle pour «Reguela» (-=rjezZa, terme ne pouvant désigner qu'un bras,
un grau, une entrée de lagune, etc)?
26 On devrait se demander aussi si I'on peut aller sans danger d'ifni
aux Canaries avec une embarcation non pontée.
426 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEORGE GLAS 19
Be Jacopo Graeberg di Heme 2.7 (1834).
L'ouvrage Specchw geografwo e statzstzco delZ' zmperzo di Marroco (Se-nes,
1834) est aceompagné d'une «Carta del Moghrib-ul-Ac& ossia dell' Im-pero
di Marocco», reproduite par Allal el Fassi (carte n@ 1); on y trouve
un <Gueder o. Porto Bills Borough», toponyme évidemment emprunté a
Jackson, mais dont la situation, par env. 290 201N, se rspporte plut6t a la
région d'Ifni qu'a Puerto Cansado.
79 Sabin Berthelot, en 1840, porte bien sur sa carte «Gueder porl
Hillsborough ou Sta Cruz de Mar ~ e h o rou Mar Pequeña», mais par env
29" 10'N (alors que Puerto Cansado est par 2&0 4' N), donc au Nord du Cap
Noun et meme de l'Oued Assaka, toute la notice de Berthelot (p. 205-207)
sur Gueder-Reguela-Port Hillsborough est donc inexacte: l'auteur a peut-
&e étt? induit en erreur par Arlett mais il est aise de découvnr («c6tes a
pie», «ravine profonde et Btroite», cpetit ruisseau», etc.) qu'il ne peut s'agir
de Puerto Cansado.
8 0 Bou6t (1840, f@ 17 vQ) cite un <Porto Reguela», d'apres ucertaines
cartes», par 299 10' encore une fois: l'erreur doit &re ancienne et remonte
au moins a Jackson sinon au-del&
90 BoueX (1841, p 8-9): «Je n'ai donc pas besoin de vous faire observer
que la possession de Porto-RegueZa ou Gueder, si ce point est vraiment ce-lui
que se sont dispute si long-temps les afncains, les anglais & les ca-narlens
sous le nom de EIzZs5orozcgh (sic) ou Marmenor, que sa possession,
dis-je, serait tres importante pour la France, tant comme point de traite
que comme blockhaus d'observation du Maroc, que comme sécherie de p6-
che». 11 ne s'agit pas de hierto Cansado, mais du toponyme homonymique
décalé au Nord jusqu'a 299 10'.
109 Kerhallet (1841, p. 43) precise que ce «Port de Guéder, ou Reguela,
ou Port Hilborough (sic), ou Santa-Cruz de Mar-Pequeña (Agulon de Bor-da)
» se trouve par 290 16'40": 4 toponymes certainement ou probablement
identiques A Puerto Cansado se voient transposes tds au Nord
1lQ Dans l'ouvrage de Figueras (19411, & la carte (entre p 22 et 23)
on irouttpeo,u r la lagune $&-njeiia: xpuei.to ((6. c~~~de~ ; ,,far
Pequeña) Hilsborough (sic) de Jorge Glass (1764)» (cf p 46). Cette indi-cation,
venant d'un historien impartial tres au fait du problBme de Santa
Cruz de Mar Pequeña est ~mportante.
Viera y Clavijo fixait & 30 lieues la distance du chgteau de Santa
Cruz aux Canaries: sans doute ne sait-on pas tres bien de quelle
«legua» se servait l'auteur, mais avec la lieue marine actuelle de
5,5 km, une distance d'env. 180 km sera bien celle qui sépare l'ile
27 Jacob Graberg af Kems6.
Núm 22 (1976)
de Lanzaroie (Arrecife) de Puerto Cansado; on remarquera cepen-dant
que l'embouchure de l'Oued Chbika est A peine plus éloignée.
Or l'on salt que ce point, sltué par en 28O 10' N 28, est parfois consi-deré
comme l'emplacement de Santa Cruz de Mar Pequeña: Alcalá
Galiano et Ruméu de Armas en particulier ont defendu cette these
avec beaucoup d'ingéniosité et d'érudition.
Port Hdlsborough a meme été cherché, on l'a vu, au Nord du Dra,
entre 1'Oued Assaka et Ifni. Car ainsi que Budgett Meakin (1901,
page 389) formule & propos dYArksis (2g0 10' N, entre Ifni et le Noun)
des remarques intéressantes: <&ksis is described on severa1 charts
a s Port Hillsborough, having been so named by a Captain Glass,
who in 1760 ransomed there some Europeans detained in slavery a
N
by the Berbers. Ghss atteiiipted tu estzblish a tra&ng stukim, but
at the instance of Spain in 1764, Lord Hillsborough caused his with- O
n drawal. From a narne on its little river, Gwider, it has also been -
m
O
called «Isgueder» by Davidson, and is probably the «Yedouecsai» at E
E
2 which in 1859 29 the French were understood to be erecting J factory, -E
though the idea was abandoned in the face of the sultan's remons-trances
». 3
-
Si Port Hillsborough est bien Puerto Cansado, il semble difficile -
0
m
d'admettre que Glas est entré dans la lagune sans voir la ruine de E
la tour, mais ne peut-on penser qu'il n'a pas mentionné celle-ci dans O
ses écrits pour ne pas fournir aux Espagnols un argument historique n
E en faveur d'une revendication de ce site? Sa lettre du 15 sept. 1765 -
a
(cf. annexe 2) fait en effet allusion aux efforts des Espagnols pour 2
n
justifier leurs droits historiques sur la localité choisie par Glas. n
On doit d'ailleurs faire remarquer que ce que Glas a imprirné en 3
O 1764 a pu &re Zcrit bien antérioeurement, peut-&re avant qu'il efit
visité la lagune de Khnifis.
Glas lui-meme n'a pas eu l'idée que la ruine de son Port Hills-borough
ait pu etre celle du chateau de Mar Pequeña, puisqu'il écrit,
& propos de ce dernier (1764, p. V, n. "): «Where this castle stood 1
1--a-- -.-.J. L... 4 e.-.,-.-.* KI~UW LIUL IJUL i3UppV3G it mi&t be scmewhere ub& thr ?ric&h ef the
river called by the Arabs Wadnoon; for in some of our old sea-charts
sf the coast of Barbary, and the Canary Islands (which are very
2s Jannasch: 28019'; Lenz: 28028', etc.
29 Sans doute erreur pour: 1839 (d'ailleurs, en fait, 1840).
428 AVUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEOBGE GLAS 21.
iiicorrect) there is a place on the coast of Barbary, opposite to the
Canary Islands, called Mar-piveno, which 1 take to be a corruption
of Mar Pequeño». Les incertitudes de Glas sont tout a fait compré-hensibles
car confusions et erreurs abondent tant dans les textes
que sur les cartes quant k la toponymie des c6tes sud-marocaines,
qu'il s'agisse des caps, des oueds ou des localités littorales.
U. n'est pas aisé de conclure, car s'il est certain que Port Hills-borough
se trouvait sur quelque point de la c6te sud-marocaine en
face des Canaries, on a peu d'éléments sérieux pour préciser, en
l'absence de cartes établies par Glas lui-meme, puisque les divers
Port Hillsborough des cartes imprimées, toutes bien plus récentes
(1809, etc.) ne sont pas nécessairement bien placés.
La distance aux Canaries indiquée par Viera y Clavijo (30 lieues),
encore que fort imprécise, peut cependant limiter géographiquement
les recherches et éliminer au moins 1'Arksis de Meakin, trop au
Nord (2g0 10'). Les 30 lieues de Viera y Clavijo peuvent, par contre,
ccadrer aussi bien avec l'0ued Chbeika qu'avec Puerto Cansado.
La toponymie ne doit Gtre utilisée qu'avec beaucoup de prudence
sur une c6te oii les noms se sont aussi largement «promenés» au cours
des siecles. 11 reste cependant que des documents contemporains (les
preces-verbaux des séances de la Commission for Trade and Planta-
'tions) emploient le terme de CiRegeala or Guider~: or, si «Guider»
en soi n'a pas grande valeur puisque désignant tout endroit o6 peut
exister une construction fortifiée ou agadir, cxRegeala» par contre ne
peut désigner que Ar-Rjeila, nom encore employé pour la partie tou-jours
en eau de la lagune. Viera y Clavijo (1173) ne parle malheureuse-ment
que du «Puerto de Guader o Santa Cruz de Mar Pequeña», ce
qui n'est pas suffisant puisque si Puerto Cansado est bien un «Gua-der
», ce n'est pas le seul.
Bien entendu s'il était prouvé que Mar Pequeña et Puerto Can-sado
(Khnifis) fussent synonymes, le probleme serait résolu et Port
Hillsborough aurait bien été Puerto Cansado; or, et j'y reviendrai,
les opinions sont ici partagées, «Mar Pequeña» étant pour les uns
la mer séparant les Canaries de 1'Afrique et pour les autres la la-
$une de Puerto Cansado (Ar-Rjeila, Arjeila, Khnifis).
Je crois cependant qu'a la réflexion, c'est bien a Puerto Can-szdo
qu'a dil se trouver Port Hillsborough:
Núm. 22 (1976) 429
22 THEODORE MONOD
lo Viera y Clavijo (11, 1773, p. 91) parle du «abandonado Puerto
de Guader o Santa Cruz de Mar Pequeña» et Glas d'un «Port», done
de quelque sorte d'abri, et sans doute d'un plan d'eau qu'il faille
atteindre par quelque maniiire d'entrée (estuaire ou grau).
2O Viera y Clavijo parle A la fois d'un port, d'une construction
(Guader) et, si la Mar Pequeña a bien ici son sens restreint, d'une
lagune, trois éléments présents au Puerto Cansado.
3O Le fait que Viera y Clavijo (Zbidem, p. 192) spécifie que le
port présentait un grave défaut {porque aunque las embarcaciones
grandes entran con entera facilidad, no pueden salir sin que sople
el viento de la parte de tierra, lo que no acontece en algunos meses
del año», parait impliqirer quelque mouillage plus ou moins fermé,
et d'& il fallait sortir aver. Ie vent de terre, plut6t qu'une rade
foraine.
4O L'argument le plus fort et, en fait, décisif, reste le document
cité plus haut (p. 12 et 76), du 7 janvier 1765, oti 11 est bien spécifié
que I'emplacement choisi par Glas était le «Port of Regeala or Gue-den>:
<Ar-Rjeila» et «Agwidir» ne peuvent se trouver ailleurs qu7&
Khnif is.
11 reste sans doute que Glas ne mentionne pas -mais, apres tout,
oii l'eut-il fait?- la ruine de la tour. Mais cela ne signifie évidem-met
pas qu'il ne l'ait pas remarquée.
La complexité de la toponymie de la lagune tient ii plusieurs cau-ses.
Des noms anciens sont tombés en désuétude et d'autres les ont
remplacés, la toponymie est bilingue et il peut y avoir pour le meme
point deux noms, l'un arabo-berbere, l'autre espagnol (ou portugais),
enfin l'étendue de la lagune est telle que ses diverses parties peuvent
porter des noms diff érents.
Une liste des principaux toponymes en cause ne semblera done
n-e ;nid-ile
pub, I I I U U I L C .
1. 'Aghrüd Tigidit, ales dunes de '33gidit», pluriel de ghord - Arhat Ti-guadzt
(Pascon, 1963).
2. Apwitir, diminutlf arabisé d'agadi~, heu fort1fi6 «le petit ch&teau» -
Guzder (P. A. del Castillo, éd 1848, cf. Chiva1 et La Chapelle, 1935, p 16);.
430 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
F'ig. 1 -Lagune de Khnifis (Puerto Cansado), zwec l'emplacement de la tour (Agouitir).
Oued Aouédri
GEORGE GLAS 25
Si Mohammed Bargach (1883: G erredchzla) - Gudder (Viera y aavqo, 1,
1772, p. 483; 11, 1773, p 69, 173, 192) - Guedir - Agouitir (Pascon, 1963)-
3 <Ain Bu-Agmgas - Azn VZU (sic) Agmgm (Jáudenes, 1882) - Azn
Brouguid (Pascon, 1963): d'apres ce dernier 11 s'agirait du nom d'un oiseau.
4. 'Azn al-Khnifis. d a source du petit scarabee» - Ain Ajanafes (Jáu-denes,
1882) - Ain Ag-Anafis (d'Almonte, 1914) - Azn Knifzs, etc - Paul
Pascon m'assure qu'il s'agit non du pluriel, comme je Savais pensé, mais,
@un &mmutif c'e khanfus, nom des gros Ténebironidés noirs si communs
au désert.
5. <Azn Nahzla 1-Keb&, Azn NuhzZa c-Ceghw - Az% NahzZa el Kbzr, Aim
Nahita es 59hnr (Jáudenes, 1882) 30 - «Nahda» signifie «source» (Pascon,
comm. or.).
6. Ar-Rjezla, dim. de rjil, ~ambe, pied (cf. Leriche, 1956, p. 58) - Le
toponyme, pourtant bien simple, a été tres diversement transcrit- Angila,
Anguilla, Argzia (Atlas Mercator, etc), ArguzZu, ErczZa, Erredchzla, Emzla,
&-z& 5 - ~&- iíj &&nes), Er@&, &yne&x, R~gue&&R,o yn,Z~i;e tc. - Ie m&,
encore employé localement, désigne plus spécialement les eaux vives du
bassln marin wtu6 i% l'intérieur du grau.
7 Awedri (Oued) - AoulFri (Pascon, etc.) - Puerto Cansado a été ap-gel6
~Er y i l aU audri» (Jáudenes, 1882) - L'oued Awedri est en fait le cours
inférieur de l'oued Khawi NGm, q. v.
8. cAwim - El AozGEna (paücoii, 19633 - ~ 3 0 ~ ~ , ~&w+& u 0u,-, 4 7A0V A,.,. i m de
<azn, pl. cayün, done «la petite source»
9. Boca del Rio (Millares, 18931, Duro & Galiano, cf. Ardanuy, 1914;
Francisco de Navarro, Carta de pesca, Trab Inst. esp. Oceanogr., N. 20,
1947) - Désigne évidemment le grau, Foum Agwitir.
10. Castillo de Guaüoi, «cMteau de 170ued» (?) - Le terme figure dans
le testament de Doña Ines Peraza (1482). Pascon (1963, p. 28) croit pouvoir
faire ici de gzcado (= oued) un synonyme de gua&r (= agadii-)
$0 On trouve des références toponymiques a ~Jáudenes, 1882», mais je
n'ai pas trouv6 de publication correspondante; il s'agit évidemment de la
Commission hispano-marocaine de 1883, dont faisait également partie le
Capitaine du Génie Eduardo Alvarez Ardanuy; Jáudenes parcourut la c6te
par voie de terre d'hgadir & I'Oued Assaka; 1&, 11 trouve la goelette <Li-gera
», qur arnve le 25 aoíit 1883 et appareille le 26 pour &re & Cap Juby
le 29 la visite de la lagune de Khnifis a donc eu lieu entre ces deux dstes
(27-28 aoíit?); si Jáudenes n'a rien publié sous son nom, 11 est I'auteur d'un
certain nombre de cropis annexés la grande carte d'Ardanuy (1912-
1914); Pascon donne pour les toponymes empruntés Jáudenes. «1882»,
mais 1883 semblerait plus probable, en adoptant la date du voyage lui m&
me. Sur le Capitaine d'Etat Major d. Ramón Jáudenes y Alvarez, voir
notice nécrologique in «Bol. Soc. Geogr.» (Madrid), XVI, 1884, p 359-361,
et Reconommiento del Wtoral entre Agadir y Cabo Juby por el Comandante
26 THEODORE MONOD
Jáudenes (par Ed Hernández-Pacheco), p. 156-158, in: E2 Sahara Espafioz,
Madrid, 1949.
11. &&-. 11 s'agit de la sansomre - Schorres a Spartinu maratima, Hali-mwne
p o r t ~ l a c r n ~ sS,a lzcornia spp, etc., et slikkes - intercalée entre les
eaux vives d'El Karcan et la sebkha Tazra; comme P. Pascon me l'a ex-plique,
il s'agit d'une forme locale du pl. jmzr de jxira, ile.
12. Foum Agwitir - La «bouche d'Agwitir», le goulet, la passe, le grau.
. 13. Ghord al-Hamar, «la dune rouge», synonyme d' 'Agbrad Tigidit -
Gort-Ebhmar (Gatell, 1869) - Gord eZ Jamar (Alcalá Galiano, 1879; Milla-res,
1893) - Guerd-el-Hamcír (Ardanuy, 1914) - Gord-El-Ahmar (d'Alrnon-te,
1914)
14 Cuader, cf. Agwitir - On notera que le terme d'Oued Guader a pu
désigner d'autres lieux que la presente lagune; I'Oued Assaka a pu 6tre
parfois cite sous le nom d'Oued Guader, soit a cause de l'éphémere fortin
de S. Miguel de Saca, soit & cause des ruines du piton de Tiliuin (vide znfra,
page 53)
15 Jrayf, «les falaises» (P. Pascon, in litt , 11-X-1975), petit iI6t greseux
affleurant 2 peine & maree haute et situé dans le bassin principal Ar-Rjeila.
16. Khami Na'am (OueíZ), d'oued de la cuvette (dépression) des autru-ches
» (cf. Leriche, 1956, p. 42) - Uad Jaui Naam (Duro & Galiano; cf. Ar-danuy,
1914) - Gwd Jaui Naam (Galiano, 1879) - Yauz Naam (Hertslet,
Tñe Map of Africa by Treaty, 3rd ed , 1909, carte no 1) - Oued Khouz-Naam
(Andr6, 1973) - Oued Khaoui Ndm (Mathez, 1975, pág. 256). il s'a@ d'un
oued important drainant la Hameida el Mhouiba et rejoignant par la sebkha
Lemkerim la partie basse, septentrionale du Puerto Cansado. - Pour d'Al-monte
(1914) Jáui-Naam serait une r6gion c6tiSre située A I'Ouest de la la-gune
et o i ~le sol resonnerait au choc.
17 KarCan - El Karaan (Pascon, 1963), pl. dial (Maurit : kurfÜn),
designe le bras de mer resserré faisani communiquer, en chenal entre la
dune au Nord et la falaise au Sud, Ar-Xjeila avec la sansouire de Dzer -
Litt6ralement: pied (krü') ma:s aussi depression inondee, chenal d'ecoule-rnent,
etc. (Leriche, 1956, p. 41); c'est Bvidemment 2 tort que Lozano Mu-ñoz
(1913, p. 252) ecrit que «Kara» («Calabaza o botella») erait une allusion
B la forme arrondie de la lagune; quant au «Km&» de Gatell (1869, p 270)
c'est évidemment une coquille
18. Kccsba ar-EjezZa - Kasóa-ArgzZa (Quedenfeldt, 1887) - Kaxbá de
Eryila (d'Almonte, 1914) - Désigne 6videmment la ruine de tour
19. Mar chzca Eryila - R. P. Sarriondia (cf. Ardanuy, 1914): mtéres-sant
pour l'adjectif «chica», «pequeña» etant plus souvent utilise. «Mar
chzca» est deja dans Viera y Clavijo (1. 1772. p. 483) avec «Mar menor».
20 1War pequeña - Attest6 des 1449 (lettre du rol Juan li du 8 ~uillet
1449, repr. par Rumeu de Armas, 1I, 1957, p 3-4; cf Cénival et La Cha-pelle,
1935, p. 9 et note 2) - Glas a signalé (1764, p. 57, note +) la forme
corrompue «Mar-piveno»: on trouve d'ailleurs sur les cartes, également
Marpyveno, Marpeivem, Marpeyvena, Marpeveno.
434 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
GEOXGE GLAU 27
21. Mama-el-EryzZa, de port d'Ar-Rjeila» (d7Almonte, 1914, carton).
22. Nahzla - On trouve: Nazlah, Nazla, etc.; bien que d'Almonte (1914)
ait Bcnt «Najla», donc «palmier dattiem, 11 s'agit (P. Pascon, comm. or.)
@un mot signifiant «source»; pour Lozano Muñoz (1913, p. 252) «Wad luxr
hila» signifierait <Zaguna grande». On doit cependant ajouter qu'un auteur
ayant spécialement Btudie la toponymie maure, cite un na'la, pl. ntÜ%l, qpe-tit
plateau».
23. Port Hzllsborough - Ce nom, cree par Glas en 1764, l'a eté en
hommage A Wiiis Hi11, lnt Marquis of Dowshire, lrst Viscount Hillsborough
(1718-1793), president, a l'époque, du Board of Trade and Plantations et
qui appuyait la tentative de GIas Le nom de Hillsborough (localit6 d'Ir-lande)
a souvent 6th estropie dans les textes non anglais: cela peut aller jus-qu'&
«Pliesborough» (Galiana, 19110, p. 55).
24. P W Q Cansado - Cf. Cenival et La Chapelle, 1935, p. 12, note 1:
Pe mot semble etre apparu sur les cartes au XVIIIe s&cle. L'Btymologie
dOuteuse: s'agit-ii U'"u iioiii propi-e Por'. de c'aiisa&j
adjectif («tranqullle»?), comme, sans doute, pour Ia Baie (de) Cansado
(fin XVIIe S ) dans la Baie du LBvrier (C. Consacio 1700, Cap. Cama&
1857-8, Ponta Cansada 1866, etc., cf. A. Teixeira da Mota, Topónimos de
origem portuguesa na costa ocidental de Africa desde o Cabo Bojador a
o Cabo de Santa Caterina, Bissau, 1950, p. 87-88) - Porto Cansaal08 (Gatell
2.- xr,. ~l*,...--,.\ n-4. ,?..--,.A,. fXK..-7-,.--4n\ tr* <rVL%S.bm';.IIúiJ= - I VI I< VVIWUIWV \UILIibRCYY1G 7.
25. Er-Rekana - Carte, Iieu dit.
26. S%di Lemsid - Pascon, etc.
27. Souq er-Roumi (Jáudenes, 1882) - S& er-Rumi (Quedenfeldt,
1887) - Cet emplacement a éte retrouve par P. Pascon en 1963 (in Zitt.,
20-111-1964), qui m'y a conduit le 16-VII-1975.
28. Taxra31 - Nom de la grande sebkha faisant suite au Sud A la la-gune
- D'Almonte utilise le terme «Sebja Utarga» et Biberson (1966, p. 8
et 13, pl U: a) celui de «Targa».
29. T<gzd%t - Lieu dit, avec des puisards (Biar Tigidit) dans les du-nes
a I'Est du grau. Est-ce bien l'orthographe exacte, car JAudenes et d'Al-monte
écrevent Tzgd%lits Mas tég8dit signifiant en tamacheq «snassif de
p&i t~$d un-r & iai&s (a.de Fog~gu!d, Dl~tfonngirn tonareg-francais
de noms propres, Paris, 1940, p. 60-61), il n'y a pas de doute: il
faut 6crire Tigidit.
30. Toui (twi) a 1'Est et Toughé (tuge) & I'Ouest, noms de deux cap5
& la limite nord de la sebkha Tazra, qui jalonnent la piste littorale contour-nant
ici la lagune par le Sud et permettant de passer a pied sec (P. Pas-con;
in. lztt.; 11-X-1975).
31. Vado deZ Mediodia - Viera y Clavijo (1, 1772, p. 483) signale que
le débarquement de Herrera s'est fait «por la embocadura del Río que
aquellos Naturales llaman, el Vado del Medzodtm qui forme «una vahia
31 Le «Tarza» du croquis Pascon (1963) est une COqUiile.
Núm 22 (1976)
28
28 THEODORE MONOD
navegable hasta tres leguas herra a dentro»: je n'ai aucune explication a
proposer de ce toponyme surprenant: voir la glose d'Alcalá Galiano (1879,
page 26 et note l et 2); vado peut vouloir dire <<gué» ou *;oued», mais
«mediodia» peut sans doute paraitre hispanique . Galiano, prenant a la lettre
les 3 lieues de navigabilité de Viera y Clavijo et tenant a l'hypothgse Chbeika,
refuse le sens *;gu6» 32.
32. Voord - Cet etrange toponyme, a consonnance plus néerlandaise
qu'arabo-berbere, se trouve deja dans une lettre de D. Domingo Bernardi
du ler avril 1765 (cf. Alcalá, Galiano, 1879, p. 30, note 3, et Millares, VI,
1894, p. 212) et dans celle de D. Jorge Juan du 3 févr~er 1767 au Marquis
de Grimaldi (Alcalá Galiano, 1879, p. 31, note a et p 74; cf 1879 a, p. 46,
48): «el puerto de Voord o de Santa C m » ; pour Galiano, «Gord el Jamar»,
sur la c6te immédiatement 5 I'Est du grau, sigmfierait «la colline rouge»,
en réahté plut6t «la dune rouge». On peut imaginer, en effet, que <Voord»
soit una transcription tres fantaisrste de ghord, pl. 'aghrüd, q. v.
JJ est inr;iige <ie reiraceric i ce yon <ie i'iilsioire de i',&ia-blissement
de Santa Cruz de Mar Pequeña (c. 1476-1524) et l'on se
contentera de renvoyer au travail de Cénival et La Chapelle (1935)
qui adoptent l'hypothese Puerto Cansado (résumé par Pascon, 1963)
et surtout Ruméu de Armas (1956-57) qui a réuni toutes les sources
anciennes et, comme Alcalá Galiano, aprb avoir accepté dans son
ouvrage l'hypothese Oued Chbeika, est revenu celle de Puerto
Cansado (in litt., 20-VI-1975); le volume de Figueras (1941) reste une
source tres estimable 33.
Cependant, bien que le probleme de l'identification géographique
de la forteresse de Santa Cruz de Mar Pequeña sorte évidemment
du cadre de la présente étude 34, il n'était pas possible de le passer
32 11 y a dans I'Adrar de Mauritanie un aMeddahiya» ( p. ex.: ~Assabt-al-
Meddah~ya»,p robt da griotte», et quand I'on sait le genre de défigura-tions
que les auteurs étrangers ont fait subir a des mots arabes, le rappro-chement
de medüuhiya et de mediodm n'a plus rien d'invraisemblable.
33 Bien que sans index et sans bibliographie détaillke; quand Rgue-ras
(1941, p. 133) parle, pour Puerto Cansado, de «Jorge Juan» (au Iieu de
Jorge Glas), 11 s'agit d'un la- calami, explicable d'ailleurs par la pro-ximité
dans le temps des deux personnages, la tentative de George Glas
étant de 1764, l'ambassade de Jorge Juan de 1767.
si evicit.nl que i'etüde <en ciia.nui;e>> et i'expiora Luan ae aocu-mentation
écrite ne peut apporter désormais rien de nouveau. C'est aux
archeologues de terrain a nous éclairer, par une étude sysematique des
ruines Iittorales pouvant existir entre Ifni et la Saguia-1-Hamra, etude que
les Espagnols n'ont pas su Eaire, meme pour les territoires qu'ils occupaient
et que les Marocains ne semblent pas pr&s encore a entreprendre.
436 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEORGE GLAS 29
ici sous silence. ne fut-ce que pour tenter d'attirer l'attention des
chercheurs futurs et fournir & ceux-ci au moins quelques points de
rep8re.
Dans la tres abondante litterature dominée par les noms de Ce-sáreo
Fernández Duro, Cénival et La Chapelle, Alcalá Galiano,
T. García Frgueras, Ruméu de Armas, etc., on retiendra qu'en de-hors
des identifications Agadir ou Ifni, l'un et l'autre plus diploma-tiques,
il reste en fait deux hypotheses en présence: Puerto Cansado
(013 il existe une tour de pierre en ruines) et Boca Grande, embou-chure
de 1'0ued Chbeika (oU l'on n'a pas signalé jusqu'ici, rna
connaissance, de ruines tant soit peu anciennes).
Santa Cruz, fondée vers 1476-78, prise par les Maures vers 1490,
recmstruite en 1446, reprise et reperdw en 1517, est perdiie pnw da
bon en 1524: l'excellent ouvrage de Rum6u de Armas (1956-1957) four-nit
& ce sujet tous les éléments connus et reproduit les sources an-ciennes.
Cet auteur arrivé indépendamment d'AIcalá Galiano la meme
conclijsi~n qg- CP d-rnipr fnrt Sanf.a &n dev& -ronver &
l'embouchure de 1'Oued Chbeika), va beaucoup plus loin, car, pour
lui, il y a eu en réalité deux établrssements: «no se puede dudar de
que las torres de Santa Cruz e Inés Peraza fueron dos fortalezas in-dependientes
» (1, 1956, p. 427). 11 croit pouvoir distinguer en effet:
lo la tour royale de Santa Cruz de Mar Pequeña et 2O la tour seig-neuriale
dYInés Peraza, celle que mentionne le projet de traité daté
d'Evora, 15 déc. 1508: da torre e castillo que agora posee e tiene "
doña Inés Peraza» (1, 1956, p. 425; 11, 1957, p. 172); c'est & dire, sem-ble-
t-il, 2 constructions; il est vrai que rien ne prouve que le «cas-tillo
» ait été une fortification en pierre: des fortins ont pu &re cons-truits
en bois (palissades, etc.), comme Portendik au XVIIIe siecle
et peut-&re San Miguel de Saca.
Pour Ruméu de Armas (I1,95 6, p.
début du XVIe siecle, sur cette cate
yarrn: Santa Cruz de Cabo de Gué
(Oued Assaka), Santa Cruz de Mar
340 et fig. 27) il y aurait eu au
sud-marocaine, 3 chateaux ro-
(Agadír), San Miguel de Saca
Pequeña (Oued ChbeTka) et 1
chateau seigneurial, la tour d'Inés Peraza 35. Cette derniere polarrait
&re la mine bien connue de Puerto Cansado.
35 Veuve de Diego de Herrera, morte en 1503.
Nzim 22 (1976)
30 THEODORE MONOD
L'hypothese est intéressante, mais des difficultés subsistent.
Si la tour construite vers 1476-78 par Diego de Herrera (Santa
Cruz de Mar Pequeña pow Ruméu de Armas) est bien celle qui fera
dévolution & la courounne de Castille en 1490, comment peut-elle Gtre
différente de celle dont Doña Inés Peraza recevra la propriété par
héritage?
Et surtout, comment Gtre assuré que la Santa Cruz royale (ou de-venue
telle) se trouvait bien & l'embouchure de l'0ued Chbeika? Pour
Ruméu de Armas (i1,95 6, p. 79) ce dernier serait A peu pres certai-nement
le <&ío de la Mar Pequeña» ... Peut-Gtre, mais, 2 défaut du
moindre argument archéologique, on en reviendra toujours A la ques-tion
de Ia signification de I'appellation <&!lar Pequeña»: terme lar-gement
régional (espace maritime Canaries-Oued Noun-Tarfaya) ou
strictement local (la lagune de Puerto Cansado = Khnifis, Ar-Rjeila)?
On ne peut pas tenir pour impossible que I'étendue d'eau fermée du
Puerto Cansado ait pu se voir qualifier de «Mar Pequeña»: la lagune
de Melilla ne s'appelle-t-elle pas «Mar Chica»?
D'ailleurs Ruméu de Armas, revenant en 1968 sur la question, ac-ceptait
alors I'identité de la lagune de Khnifis (Puerto Cansado) avec
la Mar Pequeña: la ruine de Khnifis est bien le vestige de la Santa
Cruz de Mar Pequeña.
A propos de l'identification de Mar Pequeña, on peut rappeler
que Valentim Fernandes écrivait en 1506 (éd. Cénival et Monod, 1938,
page 40): <¿Mar Pequeño tem huum ryo grande de muyta pescaria ... »:
existe-t-il dans tout 1'Extreme-Sud marocain une autre localité que
Khnifis ayant & la fois une «rivi&re» et une «peche abondailte»?
Mais, encore une fois, la parole est désormais aux archéologues,
en souhaitant qu'ils parviennent 2 départager les historiens.
En effet, le probleme archéologique demeure entier, la preuve
n'étant pas faite que la fameuse tour dite «Agouitir» appartienne
bien & l'établissement de Diego García de Herrera. La pr obabilité
serait grande, sans doute, si cette ruine était unique 36. Or, si lfon
reprend en détails les témoignages des voyageurs, on se trouve, com-me
1'a tres bien souligné Pascon, sérieusement embarrassé.
36 ii resterait cependant A expliquer la situation d'un monument pou-vant
se trouver recouvert 5 maree haute et dont les meurtr~eres s'ouvrent
presque au ras du sol.
438 ANUARIO DE E S T U D I O S ATLANTICOS
GEORGE GLAS 31
Que faut-il, par exemple, penser de la curieuse note * de Viera
y Clavijo (11, 1'773, p. 192) concernant la présence 2 «Guader» d'un
«adoratorio» de pierre? 37 d'abord, le texte en question:
«También se descubrió en Guáder cierta especie de Adoratorio, fa-bricado
de piedras sueltas en medio de un vasto arenal. Era un
quadrilongo de ciento y ocho pies de largo, y setenta y cinco de an-cho,
cuyo centro se elevaba algún tanto sobre la circunferencia. En
este centro se veían unas paredes de cuatro pies de ancho, y nueve
de alto, todas de piedras bien trabajadas, algunas de seis y de ocho
pies. Faltábale enteramente el techo, y lo interior, que estaba lleno
de tierra, piedras, cal y retamas, tenía un suelo muy bien apisonado.
Como cuatro pies más arriba de los cimientos, y a nivel del piso, ha-bía
por la parte exterior doce agujeros, tres por cada lado. La ex-tremidad
de estos agujeros era mayor por dentro, y se elevaba casi
cinco pies; seis pulgadas más arriba se hallaban doce vigas de tea
quemadas, que penetraban de una parte a otra, cerca de cuyas pun-tas
atravesaba otra pieza a manera de Cruz.»
La traduction de ce texte n'est pas facile pour certains détails
elle donnerait 2 peu pres ceci.
<On a découvert aussi 2 Guader une corte de temple, construit de
pierres serhes [non liées, «individuelles»] au centre d'un vaste sa-blon.
C'était un rectangle de cent huit pieds de longueur et de soi-xante
quinze de largeur, dont le centre s'élevait lég&rement au-dessus
de la périphérie [litt.: circonférence]. Dans ce centre on voyait quel-ques
murs de quatre pieds de large sur neuf de haut, tous de pierres
bien travaillées dont certaines de six et de huit pieds. Le toit man-quait
complGtement et l'intérieur, plein de terre, de cailloux, de chaux
et de broussailles, avait un sol tres bien tassé. A quatre pieds au-dessus
de la base, et au niveau du plancher, il y avait du c6té ex-térieur
39 douze orifices, trois de chaque c6té [sur chaque face],
37 Alcalá Galiano (1900, p. 56) semble cependant admettre que la des-cnption
de l'rldoratoí-io est de Glas: mais dans ce eas, comment Viera y
Gz+jü, qüi iie cite U'aiiieurs maiheureusement pas sa source, aurait-il pu
en avoir connaissance ?
38 Mr. Mark Milburn et Melle. Josette Reyssac ont bien voulu m'aider
et je les en remercie
39 Signification douteuse: «m Ea parte ezte-rior» veut-il dire cdans le
mur externe»? Ou «sur le face externe», ce qui semble plus probable?
32 THEODORE MONOD
L'extrémité de ces orifices était plus haute 40 vers l'intérieur et at-teignait
presque cinq pieds 41: six pouces plus haut se trouvaient dou-ze
poutres de tea42 brillées, pénétrant [le mur?] de part en part:
pres de leurs extrémités, elles étaient traversées par une aidtre piece,
A la maniere d'une croix.»
Si ce texte peut bien concerner Puerto Cansado, ii ne peut guere,
a premi&re vue du moins, s'appliquer au vestige de tour actuel, qui
ne se trouve pas au centre d'un enclos de 35-36 x25 m, d'abord, et
qui, ensuite, possede 20 meurtrieres (5 par face) et non pas douze
(3 par face).
On en vient done a se demander, apres d'autres (p. ex. Pascon,
1963), s'il n'y aurait pas eu Puerto Cansado plusieurs édifices: la a
N tour bien connue et au moins une autre.
Reprenons, pour tenter d'y voir clair, les données des auteurs 43. O
-
=m
1. (1772) - Vlera y Clavijo (p 192 et note *) signale au <Puerto de O E
Guader»: «algunos vestigios de cierta Torre, o Fortaleza antigua» et azcssi, E
2
en plus («también»). une enceinte de pierre de 108 X 75 pieds [env. 35-36 X E
X 25 m] avec au centre «unas paredes» 44 de 4 pleds de large [env. P,2 m ]
=
et 9 de haut 13 m] avec 12 orifices (agujeros), peut-&re des meurtrz&res, 3
A raison de 3 sur chaque face. - -
0m
E
43 Litt.: «plus grande», mais quand on nous a dit que les trous se O
trouvaient a.5 quatre pieds au-dessus de la base», 11 s'agissait donc sans
n doute de PextérZezlr: i Z'intérieur, les orifices sont plus haut placés, et par -E
conséquent le trajet du pertuis est ~ncliné de l'interieur vers I'extérieur. Le a
detail est mtéressant car les «meurtrieres» du fortm de la plage sont éga- 2
n
iement inclinees de la meme facon: «ces rneurtr&res plongent vers le de- n
0
hors» (Pascon, 7963, p. 7 ).
41 11 faut entendre sans doute «cinq pie& [au dessus de la base]», done 3
O
1 m 60-70, hauteur approximatrve actuelle du ploncher de ia platefcrme.
SI les <<agujeros», ouverts A 4 pleds, atteignaient 5 pieds, cela signifie sans
doute qu'ils ont 1 pied de haut, ce qui est en somme relativemest com-parable
aux 50 cm (moyens') de P. Pascon.
32 Ji s'agit du nom d'un arbre, le Phus canariensis.
43 Les dates sam parentheses sont celles de l'observatron sur le te-
~raln,c -11~3 al>ec pgy e ~ t&2 ~ í lCs& PS & 11 nr nhl ir~t inn
44 Ce terme n'est pas tout 5 fait clair, a la fois parce qu'il est au plu-riel
et parce que «pared» signifze essentiellement un mur; mais comme pliis
loin 11 est question de 12 orifices dont 3 par face, ou c6té (<por cada Zado),
.on songera a quelque sorte de construction: s'agit-il d'une enceinte qua-drangulaire,
voire carrée?
440 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N I ICOS
GEORGE GLAS 33
2. (?) - Francisco Puyana (cité par Galiano, 1879, p. 48): une en-aeinte
rectangulaire de 100 varas de long [env. 80 m] - mais s'agit-il bien
~ c die Puerto Cansado? (cf. Alcalá Galiano, 1900, p. 56).
3. 1882 - Vfctor [de] Arana et Manrique Saavedra: une mine de 30
pieds de c6té [env. 10 m] ce qui fait bien a peu pr&s les 900 pieds signi-fiant
«pieds carrés) et non «carné de 900 pieds» [de caté] comrne certains
ont semblé le croire.
4 Carte marocaine de 1883: les Marocains auraient presenté aux Com-missaires
espagnols de la Commission mixte, d'apds Alcalá Galiano (1900,
p. 163), «un plan de la costa en que figuraba dicho lugar [Puerto Cansa-do],
con edificios, fuentes, e&. il serait prodigieusement intéressant de
retrouver, s'il existe, un document fournissant un plan de Puerto Can-sado
«con edificios» en 1883.
5. 1883 - Le Commandant Ramón Jáudenes y Alvarez, membre de la
Commission mlxte hispano-marocaine de 1883 45 a visib.5 Puerto Cansado
et I'a décrit, mais je n'ai pas retrouvé ce récit qui fait état «a proximité de
la bale» de «den forteresses, l'une au sud, l'autre a l'ouest»: la Commis-sion
officielle de 1883 signale qu'il existe 5 Puerto Cansado <ruinas de dos
Kasbas o fortalezas, una al S. que ya visitd D. Antonio Manrique, en 1882,
y otra al 0.; además dos manantiales de agua por este lado y otro dos por
el S. que se llaman NahQa grande y chica, varias ruinas, y un mercado que
lleva el nombre de Suk-e-Rumi o del Cristiano» («Bol. Soc. Geogr. Com.»,
no 25-30, 1886, p. 7, cité par Alcalá Galiano, 1900, note 1, p. 56).
6 1883 (1911) - Mackenzie: une mine de 27 pieds de c6té [env. 10 m]
avec 20 meutri6res de 52,5 ,X 22,5 cm (du c6té interne)
7. (1886) - Lee (p. 151): un édifice de 27 pieds de c6té [env. 10 m]
avec 20 meurtrBres de 52,5 X 22,5 cm (du c6té interne).
8. (1887) - Quedenfeldt porte quatre ruines sur sa carte
9. 1868 (1905) - Lahure (p. 108): 2 ruines: «Au nord et oans les ro-chers
qui bordent la crique, quelques traces de muralles en ruines; au
sud 46, en retraite (sic) de la plage, les restes d'un vleux fort carre en pier-res,
qui atteste bien 12 une ancienne installation européenne. Cette cons-truction
est & demi enfoncée dans le sable. Chose singuli&re, les embrasu-
45 Le Commandant d'Etat-Major D. Ramón Jáudenes y Alvarez (i-C eu-ta,
1884) avait fait partie de la Commission hispano-marocaine de 1883,
chargke de rechercher le site de Santa Cruz de Mar Pequeña; 11 ne doit
pas &re confondu avec le Sr. Alvarez Pérez, Consul d'Espagne a Mogador,
coma-is-~ur -~l_dm-nt& S ~ d - n / l ~ r o c ~ i ~ .
4% Puisque ce arvieux fort carré» est la tour de l'embouchure de la la-gune,
comment évidement le considérer comme mériclzolzalg Les traces de
murailles du N n'btaient tout de meme pas dans la mer: on doit penser
A une interversion accidentelle des notations N et S. Jáudenes distinguait
aussi 2 sites, l'un ouest, l'autre sud.
Núm 22 (1976)
34 THEODGRE MONOD
res sont plus bas que le niveau de la mer haute, ce q ~ fei ra it supposer que
ce n'est pas le sable qui a monté tout autour, mais le fort qui s'est enfoub
10. (1896) - Instructions nautiques. C6te ouest d'dfrique (du Cap Spar-te1
Sierra Leone). «un petit bassrn sur les bords duque1 on aper~oi tu ne
vieille tour et un mur en ruines» (p. 76).
11. (1914) - D'Almonte (p. 140-141, 1 plan): 2 ruines: 19 «Kazbá de
Eryila», 20 «Recinto amurallado en ruinas».
12 (1963) - Pascon: une tour de 8 m 30 de c6t6, avec 20 meurtrieres
(50 X 25 cm a l'intérieur, 50 X 10 & l'exterieur); l'auteur signale kgalemeni'c
(p. 13) «un amas de pierres sur une petite ile en face des .ruines de la
tour et que l'on ne peut decrire comme une enceinte qu'avec beaucoup
d'magination» 47.
Reprenons cette énumération:
lG Le-s- -11-.O- q a, 6 , 7, 12 coi~ceriieiitI a s e d e tüür eiicGre ac~ieIkmezt ',
visible sur la plage, I'embouchure de I'Oued Aouedri.
2O Le no 2 mentionne une enceinte rectangulaire, mais il n'est pas
certain qu'il s'agisse de Khnifis.
3O Les nos 1, 5, 8, 9, 10, 11 semblent clter d la fois la tour et
autre chose, mur, enceinte, etc. 48.
a) [N0 11 - V~era y Clavijo n'est pas un témoin oculaire et cite
peut-etre plusieurs sources différentes, et dont la précision n'est peut-etre
qu'apparente: lY«enceinte de pierre» ne répond rien d'actuelle-ment
observable sur place; par contre, malgré les 12 orifices (la
tour en compte 20), et la différence de hauteur (3 m contre 1,80 m ac-tuellement)
49 on doit tout de meme se demander s'll ne s'agit pas
de la ruine actuelle.
b) [N0 51 - Deux ruines. Sud et Ouest: si celle du «Sud» est la
tour, l'autre serait-elle Arwitir edz-Dzer? Vide infra, p. 43.
47 L'auteur ajoute: «Cette ile est pratiquement recouverte a maree
haute lorsque la mer ne se brise pas sur les pierres les plus hautes»; 11
s'agit de l'il6t Jrayf.
48 Les «ruines» figurant sur la carte Ardanuy (1914) un peu au Sud
Ge !u tccr uint les tomhes .51. cimeti5re de Si@ Lemid, o=, plus exacte-ment,
les murets de pierre s6che encadrant les sepultures, ceux du tom-beau
somrnital etant particuIi6rement massifs.
49 La partie haute peut s'etre degradee depuis le XWIe siecle et sur-tout
la tour pouvait etre il y a 300 ans plus haute au-dessus du sol qu'au-jourd'hui
442 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
GEORGE GLAS 35-
c) [8] - Sur les «4» ruines de Quedenfeldt il y a évidernment
la tour, mais que sont les 3 autres?
d) [9] - Lahure a vu la tour, mais on ne peut deviner a quoi
correspondent les cdraces de murailles~ dans les aochers qui bor-dent
la crique»: encore les murettes de Sidi Lemsid?
e) [IO] - Le «mur en ruines» pourrait &re emprunté Lahure-
I) [ll] - D'Ahnonte ayant, lui, foruni un croquls (daté de 1913,
publ. 1914), on constate que la «Kazba de Eryila» est mal placée,
trop au Nord, alors que le decinto amurallado en rum~s» occupe
la pssition de la tour: il n7y a dsnc, en fait, qu7une ruine et l'on se
demande si d7Almonte a véritablement visité la lagunr: son plan
semble fortement influeneé par celui de Manrique (Figueras, 1941,
ni ~---n---t pr. ~ln7 i-ln.?).
Une fois encore, la sede conclusion qui s'impose est que I'unique
espoir de voir avancer la solution des problemes posés repose dé-sormais
sur des recherches exécutées sur le terrain, pour y procé-der
A un inventaire détaillé des ruines littorales du Sud Marocain.
Grace & l'amabilité de IK et Madame Paul Pascon, fam~liersd e
la lagune de Mhnifis dont ils connnaissent mieux que quiconque les
eaux, les sables, les cailloux et les gens, j'ai pu enfin visiter le site
les 1416 juillet 1975. Voici les données, et les hypotheses, que je puia
apporter.
1. La ruine de la tour.
Paul Pascon a donné en 1963 une excellente description de la la-gune
(p. 5-6) et de la ruine (p. 6-7, plan, croquis, phot.) so.
Je pense que le mieux sera de reproduire le texte de Pascon, en
y ajoutant par endroits quelques commentaires.
[p. 61 <(Les vestiges, tels qu'ils apparaissent aujourd'hui, repré-sentent
le haut d'une tour carrée qui serait enfouie dans Ie sable,
50 Sur la situation de la lagune dans la g6omorphologie r6gronale, dans
la zone de jonction de deux entitbs, I'embouchure de I'Oued Aouedrr et le
systeme des sebkhas (Tpzra prolonge Tah vers Ie NE et I'Océan), voir
Fr. Herdández-Pacheco. Las seb~as del SaAam occidemtal, p. 593-598, fi-gure
68, m: El Sahara EspaGoZ, 1949; Pascon, 1963, p. 6; AndrB, 1973,
page 24-25, et 1975, p. 6 et 8.
similé au plancher d'origine. Ces meurtrieres plongent vers le de-hors
comme si elles étaient drsposées au faite d'une tour de 4 A 5
metres de hauteur. Aujourd'hui elles débouchent presque au niveau
du sol (0,50 m). Les meurtrieres cnt une ouverture de 50 cm sur
25 cm A l'intérieur et une bouche extérieure de 50 cm sur 10 cm. Elles
sont orientées radialement par rapport au centre de la tour et les
angles morts sont tres faibles, vu le grand nombre de meurtrieres
et la largeur de leur ouverture~51 . - Le plancher actuel ne serait
pus le pla~cher d'orzgine? L'auteur fait allusion aux blocs tombés
de la superstructure et encombrant plus ou moins la surface intérieu-re
de la tour et & cet égard il a raison; mais il subsiste cependant
.des témoins d'une plateforme cimentée qui elle pourrait représenter
le «plancher d70rigine». S'il est ezact que les fentes sont orientées
radialement par rapport au centre de la constructzon, on 'constate
-une certuine ir~égularité dans leur espacement: j'ai relevé l'orien-tation
des 20 ouvertures, reportée sur la fig. 3 02 l'on remarquera
ces Zégeres irr&gulavités.
[p. 81 «A l'intérieur, le dessus des rneurtrieres constitue le faite du
mur principal de la tour. Au-dessus de ce mur, une murette, fort dé-labrée,
dont seule la base subsiste, a été construite avec des maté-riaux
moins choisis et plus réduits. Alors que le mur principal de !a
tour est bati en pierres seches avec des moellons taillés mesurant en
moyenne 100 cm x 100 cm x 50 cm (le plus gros visible dépassant
260 x 100 x 45), la murette ne comporte pas de pierres dépassant
50 cm, la plupart ne sont taillées que sur une seule face et elles
sont maintenues entre elles par un liant qui semble &re de la chaux.
@es matériaux sont des gres & stratification entrecroisée identiques
aux roches que I'on peut trouver alentour dans la falaise, provenant
de dunes consolidées et que l'on connait dans le nord du Maroc sous
le nom de "pierre de RabatV.» - 11 faut donc distinguer le «para-pet
», qui est la partie supérieure du mur principal» et la murette»
qui surmontait le tout. Quant d l'origine des pierres de la tour, les
4chantilions prélevés montrent qu'il s'agit du gres de la dalle cons-tituant
ia plateforme cotiere, dalle genéralement considérée comme
51 A noter que les légendes des clichés 3 at 4 sont interverties et que
le plan figure 6 ouvertures sur la face nord, qui en compte, I'auteur le
srgnale lw-mGme, seulement 5, comme les autres.
Fig. 3,PIan sommawe de la platefome de la tour avec l'einplacement des
meurtrreres e'r. des trous Cangle.
A N U A R I O DE E S T U D I O S ATLANL'ICO
GEOEGE GLAS
Flg. 4.-Orlentation des meurtrieres.
THEOWRE MONOD
hg. 5.-Disposltlon d'une meurtriere. on notera le contraste entre l'appareil
principal et la superstructure.
448 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANl ICOS
Agouitir, lagune de Khnifis (Puerto Cansado), ruine de la tour, aspect de la partie supérieure:
on remarquera les ouvertures internes (suptxiei i r~sd) r plusicurs rnpurtrier~sr t, ti travrrs l'une
d'elles, son débouche sur l'pxterieur - ClichF. Maximilien Bruggmann, aimablement communi-qué
par l'autwr.
PLANCHE IV
l.-Ruine de la tour de Agouitir, partie superieure, avec les meurtri8res.
2.-Ruine de la tour de Agouitir. partie supérieure, avec les meurtrihes.
PLANCHE V
l.-Falaise d'El Aouina, a mar& haute. vuc vers I'Ouest.
2.-Falaise de Nahila. a l'extremitb NE de la sansouire - Clichés Th. Monod.
PLANCHE VI1
1 et 2.-Ruine de la tour Agouitir, avec le dCpart superieur des meurtrieres. -
Clichés Th. Monod.
GEORGE GLAS 41
mogréblenne et, dans ce cas, notablernent plus ancienne que l'enfa-tien
du Gres de Rabat.
[p. 81 «Aux quatre coins de 17évidement central de la tour, sur la
table du mur principal sont forés quatre trous cylindriques de 22 a
25 cm de diametre, d'une dizaine de centirn&tres de profondeur et
dont la fonctions pouvait etre de maintenir des mats vert~caux. La
tour était-elle coiffée d'une pergola protégée par une murette? Du
point de vue technique, la partie visible de la tour est de tres belle
facture. L'importance des moellons et leur ajustement entre eux at-tirent
l'attention. Souvent les meurtrieres sont tailléees au sein d'une
seule pierre ou A cheval sur deux moellons dans le sens vertical.» -
Existe-t-il des ouvertures creusées dans me sede pierre? En tous
ZPS CSS En f n ~ dmnn .t PZEPS E- s0n.t dan.- deun: pierres superposées re-presente
un travail assez remarquable.
11 faut maintenant faire le point sur les divers problemes pos6s-
2. Les sources historiques.
On ne peut que renvoyer Zt Ruméu de Armas (1956): «La torre se-ñorial
de Inés Peraza» (p. 424-427) et les pieces citées au t. 11 (1957).
Evidemment, la situation actuelle de ce rnassif de maconnerie
planté A rnarée basse au milieu des flamants et des cormorans, A
l'embouchure d7un oued ensablé et Zt proximité de hautes dunes vives
semblera étrange. L'acces par eau n7est possible qu7A la haute mer
(1 m-1,50 m) et par de petites embarcations, et par terre qu'a la bas-se
mer par une greve nue de sabie vasard. Or ii existe 2 petite dis-tance
(1-2 km) une falaise rocheuse, vers laquelle conduit, du grau,
un chenal principal et dont le pied est A marée haute plus accessible
aux embarcations. On etit tres bien imaginé un établissement sur la
plateforme littorale, au sommet de la falaise, en excellente situa-
42 THEODORE MONOD
tion de commandement pour la bale et pouvant surveiller également
la steppe, complété peut-etre par un wharf, soit d'enrochenzent soit
sur pilotis (mais alors implicjuant l'importation des bois).
Il y a certainement eu une raison topographique A l'implanta-tion
de la tour et 11 se peut bien que P. Pascon l'ait devinée en no-tant
(1963, p. 4) que la tour se trouve «dans l'alignement du gouletx
.On comprend aisément l'utilité d'un amer pour permettre d'embou-quer
la passe en sécurité, l'amer pouvafit meme avoir fait partie
&un alignement dont le second élément (signal, mat, balise) a pu
disparaitre.
Mr Paul Pascon (in bitt., 11-X-1975) m'écrit: «La tour parait trop
considérable pour &re un simple amer et trop petite pour Gtre un
fort, une forteresse~. On ne peut, pour lui, concevoir une telle cons-truction
que comme un débarcadere, c'est A dlre comme un éIé-ment
d' un systeme plus étendu et plus complexe, pouvant par exem-ple
comporter outre la tour un établissement ou comptoir que la te-rre
ferme. Il est d'ailleurs vrai que certains textes (cf. p. 32) on
pu laisser supposer la présence d'un autre lieu ayant possedé des
vestiges anciens et que le toponyme &ouq er-Itoumi» (cf. p. 50)
pourrait avoir conservé le souvenir d'un point de traite. Associant
cette hypothese A celle d'une tour utilisée comme élément a'un alig-nement,
Paul Pascon serait porté A imaginer, en prolongeant la lig-ne
goulet-tour a chercher le deuxieme élément de l'alignement: ce
«point x» serait occupé par le d de Lemsid sur la carte au l : l O Q 000
provisoire et un peu au S-E du d de Sidi-el Msid sur le 1:200 000.
Ajoutons que cette région est actuellement tres ensablée et que le
modelé dunaire a pu se modifier considérablement au cours des
si6cles.
Ajoutons enfin que si le goulet d'entrée dans la lagune avait une
eertaine longueur, m8me en l'absence d'un deuxieme élément d'alig-nement,
la présence de la tour, peut4tre surmontée d'une balise,
pourrait déjA faciliter l'orientation d'un batiment et son atterrissage
au débarcadere prévu.
4. Existente possible d'une seconde construction.
P. Pascon a recueilli sur place des renseignements sur l'existen-
@e d'une autre ruine, dont certines pierres se trouvaient encore vi-
430 A N U A R I O DE E S T U D I O S A T L A N T I C O S
PLANCHE ViII
1.-Ruine de la tour Agouitir, face sud. P.-Idmn, angle nord-ouest. 3.-Idem, l'un des quatre trous d'angle sur la
plateforme. - ClichCs Th. Monod.
GEORGE GL4S 43
sibles dans la jeunesse de certains informateurs, se trouvant au bord
nord de la sansouire et portant le norn de Agwitir edz-Dzer, le «pet~t
agadir de la sansouire»; les pierres étaient, dit-on, semblables A cel-les
de la tour; rien n'en est actuellement visible, comme je l'ai cons-taté
sur place en compagnie de P. Pascon et il faut bien imaginer
que le schorre, en s'épaississant, a fini pa rmasquer et par oblitérer
les cailloux. Mackenzie en 1911 signale (p. 176) que lors de sa visite
A Khnifis le 15 aout 1883 &he natives said that some dressed stones
were Iying on the opposite side of the port, as if ready for shipmenb:
s'agi-rait-il de 1'Agouitir disparu?
En tous les cas, s'il y a eu au bord de la sansouire quelque ma-
&re de construction en pierres de taille, l& encore on doit se de-mander
la raison de cet emplacement. Encore un amer?
Bien sur, il ne faut pas oublier que la topographie de la partie
sablo-vaseuse de la lagune et de ses abords a pu varier, peut-&re
notablement, depuis la fin du XVe siecle. En 500 ans ingression et
transit dunaire se sont poursuivis, peut-étre meme intensifiés, tan-dis
que le colmatage de la lagune a pu s'accélérer dans la mesure
od une diminution du volume d'eau disponible pour la «chasse» du
jusant se voyait provoqué par la réduction des surfaces en eau (as-séchement
progressif de la sebkha, croissance des banquettes de
schorre).
5. Enfoncement ou ennoyage?
De trois choses l'une: ou la tour s'est enfoncée, ou le sédiment en
a enfoui la base, ou bien encore rien n'a bougé. Dans cette troisie-me
hypothese nn n'explin,.~ierait =as !U sitirutim ~ct2Lelle de meür-trieres
venant s'ouvrir A l'extérieur A peu de distance du niveau du
sol. Ou alors, les ouvertures ne seraient pas des meurtrieres, mais
rneme en imaginant je ne sais que1 s y s t h e d'évacuation des eaux
& partir de la plateforme ou de base plus ou moins A clairevoie pour
faciliter la circulation de la mareej on n'aura pas exp!iyG ?e seir,
apporté A l'exécution des ouvertures quand le plus grossier des con-duits,
ou des espaces ménagés entre les moellons eiit suffi.
Les meurtrieres ne sont pas fonctionnelles dans l'état présent des
lieux: il a donc fallu que ceux-ci se soient modifiés. Une tour peut-
mgi 7 -eude peie vi sible de b tour.
THEODORE MONOD
GEORGE GLAS
inces bat.tues par les meurtri6res (env. 5 m a + 5 m, env. 15 m a + 10 m)
Fig 9.-Coiipes hypothétiques d'une tour cle 5 m et de + 10 m avec
ANUARIO DE E S T U D I O S ATLANTICOS
48 THEODORE MONOD
elle s'enfoncer dans le sable, humide ou non? 52. U serait intéressant
de rechercher des exemples. Par contre, on adrnettra tout naturelle-ment
qu'un banc de sable pulsse s'engraisser autour de l'obstacle 53
et s'élever contre la murallle.
Mais 17hypoth&se d'une accumulation de sable autour de la tour
s'effondre si I'on admet la perrnanence du niveau marin, car qu'il
s7agisse de la greve (actuelle) ou d'une basse mer sans découvrant
et laissant encore quelques metres d'eau, les meurtrieres débou-chaient
encore trop bas a I'extérieur: sur le sable aujourd'hui, au
ras de 17eau ii I'origine. Ou alors, avec ou sans eau, l'inclinaison des
meurtrieres était volontairement destinée it battre seulement le pied
du mur, les tirs moins proches se faisaient de plus haut, d'un étage
~ ~ p é r f&es~pzrrg .
On admettra saas doute difficilement que des meurtrihres aient
été spécifiquement disposées, & marée basse pour battre le pied du
mur et a marée haute pour tirer ... dans 17eau.
Sinon, il ne reste que le dilemme: ou le niveau marin a changé
reíativement 6 la c6te (mais o13 sont les preuves d'un ennoyage sub-actuel
de celle-ci?), ou la tour s'est bien enfoncée.
Un géomorphologue, le Professeur F. Joly, qui connait la région,
auquel j'avais soumis le probleme, estime qu'un additionnant le dou-ble
jeu d'une faible transgression marine (générale) et d'une sub-sidence
(régionale), accompagné bien entendu d'un ennoyage par al-luvionnement,
l'hypothese d'un «enfoncement» de la tour d'une dizai-ne
de metres en cinq siecles ne pouvait &re a priori écartée. La fi-gure
10 schématise cette hypoth6se.
On a fait remarquer que 17ensemble lagune Khnifis + sebkha
Tazra parait représenter un élément comparable a celui que cons-tituent
plus au Sud-Ouest et plus ou moins sur un meme alignement
les grandes sebkhas a parois en falaise: le fond de celle de Tah est
A -55 m au-dessous du niveau de la mer. L'élément Khnifis-Tazra
serait du meme type, mais envahi par la mer par destruction de sa
paroi nord, et largement comblé par des alluvions: les faiaises de
52 L'était-il déj& lors de la construction?
53 Sedirnentation nourrie a la fois par les courants de maree et les ap-ports
éoliens.
456 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEORGE GLAS 49
Sidi Lemsid, etc., représenteraient dans ce cas le haut seulement
d'une ancienne falaise beaucoup plus haute.
Bien entendu, dans cette hypothese, il ne s'agit pas d'un enfon-cement
«direct» de la tour, provoqué par son propre poids, ce qui
semble incompatible avec la parfaite intégrité de la partie visible de
la construction, sans la moindre inclinaison, gauchissement ou fis-
Fig. 10.-Stades successlfs de la situation de la tour par suite du double
effet l o d'une transgression marme (niveaux de la haute mer HM, HMl, HM2,
HM3) et 29 @une subsidence du socle de la tour (nureaux 0, 01, 02, Os), ac-compagnees
d'un alluvlonnement concomitant (sables, en pointillé).
suration: c'est le substratum sur lequel a été batie la tour qui s'est
enfoncé, tandis que le niveau marin s'élevait, en provoquant la sé-dimentation
accrue expliquant que la tour, entrainée par la subsi-dence
de ses fondations, ne se trouve pas dans quelques 10 metres
d'eau aujourd'hui mais émerge tout juste de la greve intertidale.
En 1968, Ruméu de Armas formule l'hypoth&se que la «torre-facto-ría
» aurait été construite sur une ile, réunie depuis A la terre ferme:
«En el siglo xvrrr, según mapas inéditos que tenemos a la vista, to-davía
la diminuta ínsuIa conservaba su individualidad, bien que ame-nazada
por la arena». En réalité, la tour se trouve encore dans l'eau,
A marée haute, le probleme majeur restant d'ailleurs sa situation par
rapport au niveau marin plut6t qu'h la cate.
50 TXEODORE MONOD
6. Habilitabilité.
Il semble difficile d'admettre qu'une tour carrée de 6-7 m de c6té
(espace libre derriere des murs de 2 m) ait pu servir a loger une
garnison permanente. On sera done amené 5 penser que l'ouvrage
n'était qu'un élément d'un ensemble plus vaste: d'ailleurs un texte
cité plus haut dit: «torre y castillo»; ce dernier, je l'ai dit, a pu etre
en bois et s'il se trouvait en retrait par rapport a la tour, il se fiit
trouvé en un lieu actuellement envahi par les dunes, en direction
d'ajlleurs du Souq er-Roumi. Aucune trace, aucun débris n'ont été
retrouvés, du moins ji-squ'& aujourd'hui.
Naturellement, dans I'hypoth6se d'un enfouissement d'une ancien-ne
forteresse dont il ne serait plus aujourd'hui visible que le som-met
de la tour de guet, d'autres ruines, moins élevées a l'origine que
cette derniere, pourraient se trouver conservées en profondeur, sous
la place actuelle: des sondages seraient utiles pour S' en assurer.
7. Le massif central.
Actuellement, on ne voit dans la tour sous le mortier de la pla-teforme
qu'une blocaille donnant I'impression d'un massif plein: une
sorte d'amorce de puits central peut &re dfi, au moins en parti, &
divers essais antérieurs de sondage, dont l'un est dfi 2 P. Pascon,
qui a noté dans l'excavation, atteignant rapidernent le niveau de l'eau,
un morceau de bois, qui n'a pas été retrouvé en juillet 1975. Sedes
des fouilles futures nous éclairciront sur la nature de ce massif. Si
la tour s'est bien enfoncée, rien n'empeche de penser qu'elle a pu
&re creuse, ne f6t-ce que pour ménager une voie d'acch 2 la ter-rasse
o6 s'ouvraient A l'intérieur les meurtrieres 54.
8. Les acces.
Dans sa situation actuelle, la mine n'est pas un site défensif ef-ficace?
avec un mur de moins de 2 m et des meurtrieres tirant au
pied de celui-ci. Si la tour a été plus haute et si par conséquent nous
n'en possédons que le sommet (?) plus ou moins dégradé, comment
54 DU couronnement car, alors, 11 aurait pu y avoir d'autres archeres
% un ou pIusieurs 6tages inferieurs.
458 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANI ICOS
GEORGE OLAS 51,
pouvait-on y accéder? On songe d'abord a des échelles, que I'on peut
escamoter apres usage en les hissant vers le haut. Mais si les murs
s'enfoncent suffisament dans le sol, alors il se pourrait qu'il y ait
eu une poterne et un acch par l'intérieur, d'autant plus que, sauf'
si la base de la tour se trouvait située abritée (a l'intérieur d'une
enceinte), un acces externe par une échelle eiit été sans doute trop
exposé aux vues comme aux traits d'un assiégeant. On ne peut rien.
conclure pour le moment: des fouilles seront nécessaires.
9. Le Souq er-Roumi.
Quedenfeldt avait en 1887 55 signalé ce toponyme (de marché dw.
chrétien::) que Pauc=n u pu i&nt;-kr en 1963: ;I E'& rJ'w reg mil-louteux
situé un peu & 1'Est du bas Oued Aouedri, actuellement & la
limite de la dune des Aghrad Tigidit; jé I'ai visité mais n'y ai re-marqué
absolument rien de particulier. I1 est intéressant cependant,
de noter, si pres de la tour, un lieu-dit évoquant des relations com-merci&
s avec des étrangerr: fl existe des traditinns locales touchant
un commerce avec les «Portugais» (Pascon, 1863, p. 8).
10. L'il6t Jrayf.
Le seul ilbt d'Ar-Rjeila qui ne soit pas recouvert a marée haute, ce
qui est mgme les cas de certains bancs & Spartina ou les Mejjat vont
couper cette herbe pour leurs animaux, se trouve sensib?ement A
I'Ouest de la tour et de I'autre caté du chenal principal. 11 s'agit d'un
banc de gres étroit et tres plat dont la plus grande partie n'émerge
qn'9 mar& hasse, sedi q~~elquemcP ltres carrés, 2 la pointe N-E, de-meurant
exondés. Ces gres, différents de ceux de la plateforme coz
ticre, sont plus ou moins lapiazés et se retrouvent d'ailleurs au pie8
de la falaise cotiere, sous la cote 31 du 100 OOOO. Sur une coupe d'An-dré
(1975, fig. 3) le bas niveau marin est donné comme ~Mellahien
probable»: pourquoi ne s'agirait-il pas plut6t de l'ouljien? En tous
les cas, l'ilbt Jrayf, si l'on peut y rencontrer des chameaux broutant
les Spartina, ne semble avoir aucun intéret historique: on n'y releve
55 Pascon (1963, p 14) attribue la prem&re mention du toponyme &
~(Jáudenes, 1882»
Ndm 22 (1976) 459
-52 THEODORE MONOD
aucune trace de présence humaine identifiable comme Pascon I'a
noté (1943, p. 13).
L'existenee de cet il6t est intéresessante parce qu'il a pu y en
avoir d'autres et qu'on peut demander si la tour (et ce qui aurait pu
I'accompagner) n'a pas reposé, lors de la construction, sur un socle
rocheux naturel.
Peut-&re doit-on tenter ici d'établir une liste des ruines d'origines
divers, parfois européenne 56 dans le secteur qui nous intéresse, c'est
3 dire de «Ouad Noun> 57 la Saguia-1-Hamra
Pascon (1963, p. 20) a esauissé dé@ semblable Este, & laquelle on
peut apporter quelques précisions.
Rappelons d'abord l'étendue des confusions qui ont si gravement
affecté la toponymie littorale dans la région Noun-Dril, et que I'on
trouvera utiliment discutées par Jannasch (1887, p. 114 note 1)' Cé-nival
et La ChapeIle (1935, p. 10-11, 16-17 et passim) et Mauny (1960,
page 4 et passim) 59.
56 On éccutea vofantiers ici les conseils de pruoence de Cénival et La
Chapelle (1935, p. 46, 47). affirmant qu'il n'y eut jamais dans la zone qui
nous occupe que deux établissements espagnols, ceux de Santa-Cruz de Mar
Pequeña, «qui sut se maintenir cinquante ans» et de San Miguel de Saca
q u i ne vécut que quelques semaines de l'année 1500; plus une factorerie
Tagacst pendant quatre 5 cinq amées». la plupart des ruines attribuées
par la tradition ou la toponymie aux chrétiens, ne sont ,en fait, que de
vierix agadirs berberes.
57 Et non de «l'Oued Noun»: cf La Chapelle, 1934, p. 7, et Monteil,
1948, p. 22-23
5s La triviere rouge» et non ~Saguiat-al-Hamra» qui signifierait la
ctriviAre de la [femme] rcuge]», cf Leriche, 1956, p 58.
59 Les marics eux-memes non seulement n'ont pas Bchappé 5 des in-certitudes
(qu'expliquent assez et la nature meme de ces cates et I'absence
quasi totale de relations avec les populations littorales) mais en sont pour
une iarge par% responsabies; i'un ü'eux ie reconnalt Caiiieurs. 6: .. ies géo-graphes,
les explorateurs de toute sorte, Borda meme & les plus rfkents
Arlett & Davldson ont commis de grossi6res erreurs sur la géographie de
cette carte, Borda et Arlett parce qu'ils ont fait de l'hydrographie sans
communiquer avec la terre, & Davidson qui a placé Waddra 2 32 rnilles du
Cap Noun dont il n'est ébign6 que de 4 milles, parce qu'il n'avait pas
460 A N U A R I O DE E S T U D I O S A T L A N Z I C O S
GEORGE GLAS 53
lo Oued Assaka (c'est 5 dire le cours inférieur de l'0ued Seyyad):
Agouidir (Gatell, in Mackenzie, 1911, p. 247) Zi 112 heure de cheval
au Sud de Tiliouin; évidemment YAgadir-ennana de Monteil 1948,
p. 22 et carte no 5, a env. 2 km au SW de Tiliuin: ces ruines ont été
vues par les naufragés allemands de l'expédition Jannasch le 14
avril 1886 (Jannasch, 1887, p. 186 et carte no 2: «alten rorni-schen
(rumi) Bef estigungem.. .) ; il été souvent supposé qu'il pouvait
s'agir du chsteau espagnol de San Miguel de Saca, mais ce n'est nul-lement
établi et Maldonado (Africa, mai 1934, p. 38) ne voit rien
1a qui puisse passer pour une ruine portugaise ou espagnole. Sur San
Miguel de Saca, cf. Gerónimo Zurita [Curita], Historia del re3 Don
Hernando el Catholico, 1580, vol. V, lime IV, art. XII, f0 180 v0 (Al-caiá
Gaiiano, 1879, p. 55-58 et zote :, p. 51, zt Vi&-u! &, Lr, ChapeEu,
1935, p. 40-41). Ruméu de Armas, 1, 1956, p. 337 et sqq. reste l'exposé
le plus important.
Z0 Oued Seheb el Harcha: cet oued se trouve entre l'0ued Dril
et 170ued Chbeika des ruines y sont signalées par Asensio (1930, 18 et
-p-a#g- c L0V0? 3. 1): cs smt p z~t 4 t r eee !!es qtie décrit Tamiasch (1887, pz-ges
131-132, européennes mais pas nécesairement tres anciennes (ca-nariennes?),
et avec des citernes, au lieu que les Allemands du «Got-torp
» on appelé «Rettungsbucht» (carte no 2); Jannasch signale d'au-tres
&,este alter europ. Niederlassungen~e ntre l'Oued Chbeika et La
Uina Meano (carte no 2).
3O Lagune de Puerto Cansado (Khnifis): pour mémoire.
4' Le Msid (El Msid, El Msit): le site se trouve sur la branche
nord (boca de Barlovento ou boca del Meano) de l'embouchure de la
Seguia-1-Hamra; d'lllmonte (1914, p. 145) y signale les «ruines de una
fu&r-u pcrtugue~u» (sic)
5O Viera y Clavijo (11, 1773, p. 192) rnentionne les ruines de «<Liad
Tssince~, probablement «El Oued ... », mais je n'ai pu identifier ce
koponyme.
On trii?.sreri dms Lozano Mxñoz (1913, p: 167-168 et p 215) une
liste des diverses ruines de la région Ifni-Assaka.
d'instrumens sans doute pour observer la latitude ou quQil les observait
mal» (BouEt, 1841, p. 9); cet auteur lui-m6me a été fort embarrassé par
un toponyme comme Assaka (Akassa) et en porte . 3 sur sa carte.
Fig. 11.-Croquis de la c6te africaine entre Agadir et Seguia I-Hamra, avec l'mdication de quelques Iieux ou
des ruines plus ow moins anaiennes ont ete signalées.
GEORGE GLAS 55
On doit souhaiter que l'archéologie entreprenne une étude sys-tématique
et scientifique de ces sites, ainsi que de ceux qui
pourraient se trouver plus au Sud: Cap Garnet, Angra de Cintra?
On a vu plus haut que l'entreprise de Glas devait soulever des pro-blemes
diplomatiques, portant d'abord, bien sur, sur la détention et la
libération du Capitaine, mais dépassant le cadre d'un épisode qui al-lait
en fait réveiller certaines prétentions espagnoles et annoncer une
longue suite de projets et de tentatives srisant a ouvrir le Iittoral de
1'ExtSme-Sud marocain 60 au commerce et, en particulier, a l'im-portation
de produits manufacturés (tissus, armes, poudre, quincail-lerie,
papier, sucre, thé, etc.), période qui se termine seulement en
1895 avec le rachat par le Maroc de l'établissement anglais de Port
Victoria a Tarfaya. En meme temps allait évoluer peu a peu Ia ques-tion
de I'antique Santa Cruz de Mar Pequeña dont les Espagnols fi-nissent
par obtenir su Maroc l'identification avec Sidi Ifni, conclu-sion
sinon historiquement défendable du moins adoptée pour des rai-sons
tout autres que scientifiques.
L'histoire détaillée des entreprises commerciales espagoles, an-glaises,
francaises et autres entre 1'0ued Noun et la Saguia n'a pas
encore été écrite et exigera la mise au jour d'une masse considéra-ble
de documents d'archives dispersés mais l'essentiel doit se trou-ver
Londres, Paris et Madrid 61.
On se bornera ici a quelques notes tres sommaires, destinées a
replacer la teatative de Glas dans une perspective plus étendue.
Si Moulay Rechid était parvenu en 1670 a mettre fin a l'existence
de la petite principauté autonome du Tazeroualt, et si Moday Ismail
envoya des guerriers tekna jusqu'au Sénégal 62, les relations entre
60 Le projet (1698) d'une installation de huguenots r6fugiBs en Angle-terre
& Santa Cruz «en ei país del Sus», concerne Bvidemment Agadir (Fi-gueras,
1941, p 44-45).
61 Les archives cherifiennes renferment certainement des pieces in-teressantes
que I'on découvrira peut-&-e plus tard.
e2 Cf. les chapitres: «Les "Marocains" sur le bas SBnégal» (p. 152-155),
<Le pays des Fouls, protectorat marocain» (p. 156-157), ~L'attaque du fort
56 THEODORE MONOD
le Makhzen et Z'Oued Noun se reliicheront 2 partir de la création de
Mogador (1765). L'ancien rcymrne du Tazeroualt allait reprendre
son indépendance, avec Goulimine pour capitale: un siecle durant.
du début du XIXe siecle A ceIui du XXe, les Ouled Beyrouk, resteront,
malgré quelques incursions chez eux de méhallas chérifiennes (par
exarnple 1882, 1886)' pratiquement indépenda~tes, et manifestant une
pohtique étrang6re autonome, longtemps favorable & la création
ü'établissements commerciaux européens sur leur littoral.
Dans le traité hispano-marocain de paix et de cornmerce du 28
mai 1767, le Sultan Moulay Md ben Abdallah admettait que son con-trole
direct ne s'étendait pas au Sud de l'Oued Noun et ce n'est qu'un
siecle plus tard que le Maroc se rnanifestera officiellement au moins
jusqu'au Cap Juby, ou un caid marocain sera installé en 1895 apres
le rachat de la factorerie Mackenzie 'j3.
Au moment de la tentative de Glas, le pays tekna était en effet
pratiquement indépendant, au-dela des frontieres de I'empire maro-cain
et, de fait, on ne trouve aucune trace d'intervention du Sultan
dans une affaire qui se sera traitée tout 2. fait localement et, d'ail-leurs,
avec les résults que l'on sait. Le Sultan, cependant, n'ignore
pas ce qui s'est passé a Port Hillsborough puisqile, dans une lettre
& Carlos 111, du 22 mai 1767, 11 fait allilsion A la destruction, par le
feu, du bateau de Glas (vide supra, p. 14).
Peut-&e d'ailleurs l'affaire Glas va-t-elle précisément contribuer
A réveiller l'attention et de 1'Espagne et du Maroc sur une région long-temps
oubliée ou mal connue. Pour 1'Espagne c'est le souvenir de la
Santa Cruz de Mar Pequeña qui va ranimer d'anciennes préten-tions
64: des 1766 la mission du P. Bartolomé Giron puis l'ambassade
de Sorge Juan ne manqurnt pas, entre autres questions, d'évoquer
celles-ci; et si le traité de 1767 ne regle pas le probleme celui-cl ne
St Joseph par les Ormans> (2 162-164) et pmsznz, in A Delcourt, La
Brawe et les établissements fmwais au S&rtSgd extre 1713 et 1763, Wem.
1. F. A. N, n.o 17, 1952
$3 C)= ccuudtera pncr lec: frontl2.res sud-ouest du Maroc: F.g-uiras
(1941), AIIal el Fassi (s. d.) et Trout (1969), ouvrage de base
64 Cénival et La Chapelle avaient d& 1935 (p. 36) signalé que le pro-jet
de résurrection de St2. Cruz de Mar Pequeña, 6voqué au cours des né-gociations
de Jorge Juan qui devaient préparer le traité du 28 mai 1767,
semblart bien &re la conséqueme de I'affaire Glas
464 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
GEORGE GLAS 6T
sera plus perdu de vue par Madrid jusqu'k sa solution définitwe, au
moins sur le papier, a I'article 8 du traité de Tetouan de 26 avril 1860..
Mous connaissons une lettre de Jorge Juan du 3 février 1767
Grimaldi et la réponse de ce dernier, du 9 février, reproduites par.
Alcalá Galiano (1879 et 1900). Jorge Juan (in Galiano, 1879, p. 75;
1908, p. 259) suggere que 170n fasse connaitre au Marocains les in-tentions
de Glas et sa mauvaise foi a leur égard (<<lam ala fé con que
con ellos procedió»), de facon ?i les inciter Zi ne pas laisser s'instal-ler
les Anglais.
Grimaldi (1879, p. 76-77, et 1900, p. 260-262) note que si la tentative
de Glas peut &re simplement celle d'un aventurier, elle pourrait bien
avoir eu une autre signification puisqu'elle a été connue, approuvée,
voire encouragée par le Gouvernement britannique «qui nous envoya
des notes tres énergiques ?i propos de l'emprisonnement de ce Glas aux
Canaries et autorisa son entreprise par un Acte du Parlement». Il
est d'ailleurs évident que aous ne pourrons jamais empecher les
Anglais de s'installer sur les cates dYAfrique quand ils le voudront,
meme si un de nos établissements s'y trouve déja; mais il est éga-lement
certain que, dans ce cas, ils ne le tenteraient pas sans &re
décidés Zi faire un établissement considérable et eoíiteux, en raison
du n6tre; et pour installer un établissement de ce genre, ils pour-raient
bien rencontrer toutes sortes de difficultés ... ». Que l'on ne
rnanquera pas, au besoin, de leur susciter, bien entendu.
Il est curieux de voir la diplomatie espagnole, deux ans apres la.
mort de Glas, rester si sensible a la tres éphémere menace qu'avait
pu représenter pendant quelques mois Port Hillsboroug11. Celle-ci
avait indubitablement été prise au sérieux A Madrid.
Si les Tekna, et demain les Ouled Beyrouk, devinaient les avan-tages
d'un commerce maritime qui les affranchissait des douanes
marocaines, le Sultan, lui, connaissait le volume de ce manque A.
gagner et I7intér6t qu7iI avait ?i obliger les caravanes soudanaises
trouver leur terminus sur des terres soumises a sa propre adminis-tration.
Et pour tenter de détourner de l'0ued Noun, etc., le com-merce
transsaharien de I'axe Goulimine-Tindouf-Tombouctou, et
meme le commerce régional du pays tekna, voire du Sous, il crée
Soueira (Mogador) en 1765.
Mais la principauté de 1'0ued Noun, sous la direction des Ouled
Beyrouk, n'en poursuivra pas moins pendant une bonne partie du
-58 TH EODORE MONOD
XIXe siecle ses pourparlers avec les Européens en vue de la création
de points de traite méridionaux 65.
L'histoire de ces tentatives a été esquissée par Alcalá Galiano
(1900, p. 114 et sqq.), Meakin (1901), Taquin (1902, p. 340-342), Marty
(1915), La Chapelle (1934), Figueras (1931) et Miege (1962). On se con-
,%entera donc ici de rappeler quelques noms et quelques dates 66:
Cochelet (1820: naufrage de <&a Sophie») - W. Arlett (Roya1 Navy,
1835: hydrographie) - Davidson (1835, assassiné vers le Hank, en route
pour Tombouctou, par les Arib, en 1836) -- <<Scorpion»(a ngl., 1836;.échec
de la tentative de débarquement) - <¿La Malouine/> (Lieut. de vaisseau
Bouet, juillet-aotit 1840: projet de création d'une «casanbah» A 1'0ued
Assaka, noyau d'une nouvelle ville, la future <<ville de marbre» (Me-dzna
el ras'ham 67); voir la carte jointe au rapport de 1841 et la
«Carta de las costas de la provincia de Uad-Nun construida por
Mr. Edouard Bouet, Teniente de Navío, Comandante del Cañonero
La Malouine. Julio y Agosto de 1840» in Alcalá Galiano, 1879, pl. 1 bis;
-rf. Marty, 1921, p. 101-116, et Miege, 1962, p. 81-82) -- <&'Aloutte» (Lieut.
-de Vaisseau de Kerhallet, oct. 1841) - <&a Vigie» (1843, avec le com-mercant
sénégalais Borel, emb. Bued Assaka) - le «Jeune-Victor»
(1845, Maison Chauvin (Marseille); cf. Marty, 1915, p. 76) - D. José
Sáenz de Urraca (project O. Noun) - La <<Fortuna»( Juan Cumella et
José Shanahan, avril 1845; cf. Alcalá Galiano, 1900, p. 119-120) -
Panet (1850, venant du Sénégal) - Maison Altaras et León Cohen
(1850) - Bou el Moghdad (1861, venant du Sénégal) - La <Esmeral-da
» (1862, naufragés) - Gatell (1865) - Fr. Puyana, J. Butler et
N. Silva (1860-1866 et captivité 1866-1874; Alcalá Galiano, 1900, pages
121-127) - Les Beyrouk sollicitent (4 déc. 1872) une installation fran-caise
soit 5 1'0. Assaka, soit A 1'0. Dra - Mackenzie: premier vo-yage
5 Tarfaya en 1872, créat~ond e la North West African Company
65 Jackson (1814, p 270) attnbue meme a Napoleón des visées sur le
Sud Marocain: xmust probably Bonaparte, E he succeed m the final con-quest
of Spain, will turn his mind decidedly to an extensive factory some
-where here rWednoon]» comme tete de lime caravanlere vers Tombouctou
et le Soudan.
66 Une histoire détaillée des naufrages sur la &te sahanenne atlanti-
.que et des tentatives européennes d'établissement entre le Noun et le Cap
Bojador m8riterait d'etre entrepriss. elle serait a coup sur d'un grmd intérSt.
67 OU plut6t : Medimt ar-mckh¿im.
466 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS
GEORGE GLAS 59
Limited en 1875 68, début des constructions en 1879, A terre et sur le
récif 69 - Gatell 2e expédition (1878) - Adamaoli (1879, projet de
factorerie itahenne) - Vapeur «Anjou» (1880, David Cohen, de Mar-seille;
cf. Alcalá Galiano, 1900, p. 138-142) - Sus and North African
Trading Company Limited (John Curtis, 1880-1883); cf. Alcalá Ga-liana
(1900, p. 143-152), Meakin (1901, p. 390), Lozano Muñoz (1913,
page 236-239), Miege (1962) - Alvarez Pérez (1886, pays tekna; des
détails intéressants sur la tentative d'établissement A la Uina Meano
du 19 avril 1886 dans Jannasch, 1887, p. 50, n. et 113-114) - Jannasch,
etc. (Deutsche Handelsexpedition, 1886) vapeur «Gottorp»; naufra-gés
de 1'0. Chbeika rentrés par voie de terre 70 - Colonel Lahure
(1888, Cap Juby, etc.; cf. bibliogr.) - Compañia mercantil hispano-africana
(1883-1893), devenue Compañia transatlática: cf. Alcalá Ga-liano,
1900, p. 172-177 et 206-216 - The North West African Mineral
Concessions Limited (1883-1894), tentative de pénétration par la C6te:
dcod» et «Adán»; cf. Alcalá Galiano, 1900, p. 200-203) - The Globe
Venture Syndzcate Limited (navire «Tourmaline», 1897-1898, Major
G. Spilsbury; cf. Alcalá Galiano, 1900, p. 203-205); - Citons enfin, en
1933, l'équipée de Jacques Lebaudy, ~Empereur du Sahara».
La liste qui préc&.de est certainement tres incomplete, bien des
68 Les aearly 1800's~ de Trout (1969, p. 150) sont un simple lapsus.
69 On trouve parfois cette maison appelée «Fort Victoria» (p. ex. Pas-con,
1963, p. 1, 20, 23). en réalité, l'établissement avait été nommé uPort
Victoriar, mals 11 semMe que Mackenzie lui-meme ait abandonné, peutdtre
la suite de ses difficultés avec Londres, une appellation qui ne paraft
meme pas figurer dans son ouvrage de 1911. Sur l'entreprise de Mackenzie,
on trouvera l'essentiel dans Castaneira (1876), Mathews (1881, p. 20.1, et sqq 1,
Alcalá Galiano (1900, p. 128-137 et 194-1991, Mackenzie (1911), Parsons
(i958j et Mi&ge (1962, p 29%SGJ j.
70 La note des Instructions nautzques, C6te occ. Afr. (Cap Spartel au
Cap des Pahes), 6d. 1920, p. 235, n. 1, fait sans doute allusion A l'expédition
Jannasch: «Un essai commercial a été essayé en 1886, mais I'embarcation
ayant chavir6, 11 y eut une dispute entre l'équipage et les Maures, au cours
de laquelle deux Européens furent tués et le reste fait prisonnier et rendu
&.J+,U : o':! s'a,-,*, de yGfsxrr. ed <c<U&.tcp, le ch&vjrem+,Et dU can=$
est exact, mais les deux morts se sont noyés et les naufragés ont aD leur
libération A la générosit6 du caid Dmachman b. Beyrouk et du Sultan ivíuley
Mohammed b Wassan (1875-1894), rencontré dans le Sous. La livre de Jan-nasch
(1887) est tres intéressant mas, semble-t-11, peu connu des auteurs
francais.
60 THEQDORE MONOD
entreprises ayant échappé A toute documentation imprimée. Certains
tentatives allemandes, le commerce canarien sur la cate, enfin les
discrets débarquements de la contrebande d'armes, mériteraient
d'etre mieux connus: ce n'est, on doit le reconnaitre, pas facile.
Un dernier point reste A évoquer. Nous avons vu que le Sultian,
meme s'il ne pouvait intervenir directement dans une zone qui échap-pait
alors ii son controle, avait deviné la menace que faisait peser
sur le commerce «officiel» de son empire, celui qui se trouvait insou-mis
au controle de la douane chérifienne. Il n'est cependant pas le seul
A redouter une concurrente de I'Extreme Sud et nous voyons les mar-chands
anglais du Maroc eux-m4mes élever une protestation contre
les efforts de leur compatriote Glas: l'intéret de leur commerce ne a
N
coincidera pas, cette fois, avec ceux de 19Etat, et, bien entendu l'em- E
portera. Les <xBarbary merchants~r édigent done un mémoire contre O
n
Glas et l'adressent au Board of Trade and Plantations, une discus- -- m
O sion a lieu, A laquelle prennent part les «mémorialistes» d'un coté, EE
Mr. Franklin (représentant Glas, alors en prison Ténérife) de SE
i'autre (11-VI-9765), sans autre résultat qu'un renvoi de l'affaire, en -
attendant plus de détails (pieces annexes 16, 17, 18). On peut penser 3
que les choses en sont restées 15, d'autant plus que Port Hillsborough - -
0
m abandonné et Glas assassiné, les négociants anglais avaient, de tou- E
tes facons, gain de cause. O
On reverra le m8me processus se repéter un sigcle plus tard n
E quand Mogador viendra protester contre la création de la factorerie -
a
britannique de Tarfaya (cf. Miege, 1962, p. 302, 309). A n
n
n
VI. LE DRAME DU «&RL OF SANDWICH»
Libéré sans doute en octobre 1765, Glas va s'embarquer pour Lon-
&esi avec (;a femme et $;1 fi!!~ Cahrjne wr Ir <Zar! of Sandwich?:,
Master, Jonathan Cochran, du port de Londres.
Le bateau était un brigantin de 120 tonneaux construit 2 Yar-mouth
en 1762, proprietaire: Palgrave (parfois: <SoIgrove»). S'agit-il,
me dit Mr. L. Heydeman, de William Palgrave (1745-1822) qui
468 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N T I C O S
GEORGE GLAS 61
aurait d'ailleurs été bien jeune encore -20 ans- en 1765, ou de son
pere Thomas Palgrave?
En aoiit 1765 le navire quittait Londres pour Ténérife ave<:
une cargaison de divers (<<baleg oods, hard-ware, hats, &» (Ann. Reg.
1766); il y avait aussi du sucre, cf. pike 30) et deux passagers un
négociant portugais et un horloger anglais de Londres, Mr. Jackson,-
L'équipage embarqué au départ sera celui du retour et c'est ici
le lieu de fournir la liste des dramatis personae, se trouvant bord
quand le «Earl o£ Sandwich» va quitter Orotava, en novembre 1765.
1) Master: Captain Jonathan Cochran (var.: John et Cockeran,
Crockrill, Cockerell; Cochran est I'orthographe la plus fréquente, tres
probab!eme~t la banm).
2) Mate: Charles (var.: David) Pinchin (var: Pinchen, Pinchent,
Pinching).
3) Boatswain: Peper McKinley (var.: McKinlie, McKulie), ir-landais.
4) Mariners:
a) James Pinchin, frere du Second (var.: Pinchen).
b) Andrees (var.: Andres, Andrew, Andrews) Zeckerman
(var . : Zekerman, Zeckormann), hollandais.
c) Richard (var.: Michael) St. Quintin (var.: St. Quintan,
H. Quintin), anglais de 1'0uest.
5) Cook: George Gidley (var.: Godley, Getley), anglais de I'Ouest.
6) Cabin boy : Benjamin Gillespy (var. : Gillaby, Gallipsey).
7) Passengers:
a) Captain George Glas.
b) Mrs. Isabel Glas.
c) Miss Catherine Glas.
áj LuKe -?-, garcon de Gias.
71 Le Gent. Mag. dome: «June, or JuIy» mais Mr Kinley ayant dit avoir
embarqué le 16 juillet, Zeckerman: qabout the 20th of July» et St Quintin
le 20 juillet, un appareillage en aout parait tout fait vraisemblable.
62 THEODOBE MONOD
Avec ses 8 hommes d'équipage et ses 4 passagers, le «Earl of
Sandwich» quitte Orotava en novembre, sans doute au début du mois,
avec une cargaison composée de: vins de Ténérife 72 en «pipes»,
&ogsheads» et cquarter casks» - soie grege -soie manufacturée-orseille
-dollars mexicains en grande quantité (valant 4s. 9d. piece)-
quelques lingots d'or -quelques bijoux- une petite quantité de pou-dre
d'or 73. Donc une riche cargaison -les dollars représentant 2t eux
seuls environ 30 000 £ (fide St. Quintin)- t.t_ a laquelle venait s'ajou-ter
ce qui pouvait appartenir 3 Glas et, en fait, on devait constater
qu'une partie de ce qui avait été détourné par les mutins «must have
belonged to the unfortunate captain Glass» (Ann. Reg., p. 235). Si
Glas avait quelques biens 3 bord, malgré sa longue détention et
l'échec de Port Hillsborough~ il pouvait parfaitement s'agir de béné-fices
réalisés dans d'autres opérations commerciales, aux Canaries
sans doute. Une source (Anon. 1895a, p. 87) évalue, sans donner l'ori-gine
du chiffre, 3 100 000 £ le montant des especes embarquées.
La traversée devait etre longue: des vents contraires, le manque
de vivres vont obliger la navire & faire escale & Crook Haven ou a
Bantry Bay 74, Irlande, 013 l'on passe 3 ou jours, puis l'on repart et
2-3 jours plus tard on reconnait les Iles SciUy, mais au lieu de pou-voir
entrer dans la Manche, on est chassé vers l'Ouest, en direction
de 1'IrIande. On est alors le samedi 30 novembre et c'est dans la nuit
du 30 novembre au ler décembre que la mutinerie va éclater.
Depuis longtemps, depuis le Golfe de Gascogne, un témoignage
dit meme depuis le départ, une conspiration s'est ourdie, inspirée
peut-&re par le maitre d'équipage, McKinley, entre ce dernier, deux
marins, St. Quintin et Zeckerman, et Gidley, le cuisinier: on se dé-
72 Et non de Madere (Gentl. Mag )
73 Ceci correspond bien ii la liste des produits exportés sur la Grande-
Bretagne et 1'Irlande donde par Glas lui-meme (1764, p. 3-28): «orchilla-weed,
a few wines, some Gampeachy logwood, and a considerable quantity
0f Mexican dollars».
ücilirmer (1893, p 3783 croit pouvoir avancer que ia pudre a?or
embarquee sur le «Earl of Sandwich» Btait un echantillon provenant des
operations commerciales de Glas et rapporte par ce dernier en Angleterre:
comment Schirmer l'aurait-il su?
74 Lloyd's List, Dec. 10, 1765: le navlre a peut-&e touché les deux
points, t&s voisins.
470 ANUARIO DE ESTUDIOS A T L A N l I C O S
GEORGE GLAS 63
barrassera du commandant, de son second, du frere de celui-ci, du
garcon de cabine et des quatre passagers et cet octuple meurtre ren-dra
les mutins maitres du trksor, que l'on débarquera oii l'on pourra,
Apres trois tentatives avortées, déjouées par la vigilance de Glas
<xrather than that of his country man, Captain Cochrane~ (Anon.,
1895a, p. 87)' le complot va enfin éclater le 30 novembre entre 2% et
minuit. Le commandant, Cochran, maintenu par McKinley, est amené
du gaillard d'arrihre sur le pont principal, oii Gidley l'assomme B
coups de barre de fer 75. Le second, Charles Pinchin, et son fr&re
James, attirés par le bruit montent sur le pont: Charles est assaillf
par McKinley et Gidley qui le jette a l'eau encore vivant; c'est en-suite
au tour du cadavre de Cochran de passer par dessus bord; on
rhgle ensuite son compte A James Pinchin, blessé A coups de manche
de brosse de pont et d'épée, mais Glas, qui était monté avec les Pin-chin
et redescendu chercher son épée, intervient ~ l o r sco ntre McKin-ley,
Gidley et Zeckerman, qu'il blesse A l'épaule, mais McKinley por-te
un coup de couteau & Glas (?), lui prend son épée et l'immobilise;
Zeckerman tient un moment l'éuée, que reprennent Gidley et St. Quin-tin
qui, finalement en atteignent Glas au coeur 76; deux coups d'épée
ont été portés, dont i'un aurait blessé au bras McKinley, qui main-tenait
Glas. Puis l'on s'occupe de James Pinchin, toujours pas mort:
il est tué a l'arme blanche par McKinley, Gidley et St. Quintin puia
jeté A la mer. Le plus difficile est fait: il ne reste plus que les fem-mes
et les 2 garcons. Madame Glas et sa fille ayant apparu sur le
pont, implorent la pitié des mutins mais enlacées dans les bras l'une
de l'autre sont jetées & la mer par Zeckerman et McKinley. Quant
aux garcons, inutile de prendre la peine de les tuer: ils périront avec
le «Earl of Sandwich» quand celui-ci coulera A bas, car on va ouvrir
ie sabord de cale pour admettre l'eau dans la coque.
Mais avant de quitter l'épave il y a encore a faire: mettre l'em-barcation
A la mer et la charger, A ras bord, de sacs d'argent (env.
2 tonnes). Quand on peut enfin déborder, Euke, le boy de Glas, sau-te
5 la mer et s'accroche au canot mais est repoussé et se noie;
75 Probablement <a marline-spike» spdcifie le rdcit de l'Anon, 1895 a,
page 87.
76 Le detall de la bagarre est impossible 5 preciser, meme avec les
depositions de McKinley, Zeckerman et St Quintin, difficiles & unifier.
64 THEODORE MONOD
Benjamín Gillespy, rzsté a ~ o r d ,s era balayé par la mer quand le
navire, rempli d'eau, va chavirer. 11 est, hélas, tout A fait inexact
de prétendre avec Berthelot (1840, p. 247): de navire arriva en Ir-lande
ou un jeme mousse, que les matelots avaient épargné, révéla
A la justice du pays cet horrible attentatx
Au moment du massacre (30 nov.-le' déc.) le navire se trouvait
peut4tre encore A l'entrée de la Manche; on fera route au Nord-
Ouest et c'est seulement le mardi 3 decembre que le navire sera
abandonné; vers 14h on est a env. 10 lieues devant le Waterford
Harbour, embouchure de la riviere de Ross. A 18h l'embarcation at-teint
l'entrée de la baie, et, a l'aviron, on va remonter la riviere pen-dant
3 miles environ. A 2 miles du fort de Duncannon, on aborde,
car il serait peu prudent de remonter plus avant avec un pareil char-gement
et l'on cache dans les rochers, sur la plage, les dollars en
sacs, en n'en gardant que ce qu'on estime pouvoir transporter sur
soi, sans chevaux, par terre, avec les autres «bricoles», lingots d'or,
bijoux et poudre d'or. Et l'on continue, toujours avec le canot, k
remonter la riviere: & 4 miles de Ross, on s'arrete et on débarque
a Fisherstown. Les quatre complices y descendent dans une auberge
de Bally-Brassel (Wexford County), non sa