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LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES; LES FAITS ACQUIS ET LES HY POTHESES PAR A la mémozre de deux anthropologastes quz s'adonn2rent avec passzon Péttde des anczens Canamens le Professeur René VEXNEAU, le Docteur Miguel FuSm3. Entrevue pour la premi6re fois en 1874, par de Quatrefages et Hamy, l'extraordinaire ressemblance entre les cribes de Cro- Magnon du Faléolithique supérieur frawais et les anciens Guan-ches des Canaries a d'emblée suscité la curiosité des anthropolo-gistes. Elle a donne lieu a d'importantes recherches. Elle a entrahe diverses hypoth6ses. Renforcée par le fait que, comme nos Paléoli-thiques supérieurs, les plus anciens des Guanches habitaient dans des cavernes et y enterraient leurs morts, qu'ils en étaient encore A l'age de Pierre -néolithique il est vrai et non plus paléolithi-que-, celle de ces hypotheses qui fait des Guanches les descen-dants directs des Hornrnes de Cro-Magnon est de beaucoup la plus répandue. Les découvertes faites depuis une trentaine d'années en Afrique du Nord tendent cependant A la modifier. Meme avec celles-ci, certains points restent encore obscurs et ne sont pas 2 1-IENRI V. VALLOIS résolus. C'est cet ensemble de problemes que je voudrais exami-ner ici. Ce faisant, je spécifierai d'abord que je m'en tiendrai unique-ment 5 ce ,qui concerne l'anthropologie physique; les données ayant trait ,A l'archéologie ou A l'ethnographie devant &re exami-nées dans d'autres communications de ce symposium. Le terme "Guanche" d'autre part a été pris dans différents sens: certains le lirnitent A ceux des anciens Canariens qui ressemblaient aux Hommes de Cro-Magnon (de Quatrefages et Hamy, Falkenbur-ger, etc.) ; d'autres, aux seuls anciens habitants de Ténérife (von Behr) ; suivant l'acception la plus générale, je l'utiliserai pour désigner l'ensemble des Canariens antérieurs i I'occupation es- N a pagonle, que1 soit leur localisation géographique ou leur type phy- E sique. 11 sera donc consideré ici comme ayant une valeur historique, O n - non anthropologique. =m O E E 2 1.-LES HOMMES DE CRGMAGNON Bien que ce soit le centenaire de leur découverte qui est 5 l'ori- - - 0 gine de ce syrnposium, je serai bref sur ce sujet. Les circonstances memes de leur trouvaille sont bien connues et j'ai eu l'occasion, O 5 la suite du Colloque cornmémoratif organisé aux Eyzies l'an d dernier (1%8), d'en rappeler l'essentiel. 11 me suffira de dire que c'est en mars 1868 que deux entrepreneurs, au cours de travaux de terrassement au lieu dit "Cro-Magnon", pres de la gare du village des Eyzies (Dordogne), mettaient au jour une petite grotte, 3 presque completement comblée par de la terre et des débris de " ruche, & f u ~ dde la~e!!e se trmVaier,tl es restes & 5 syuelettp~ humains. Plusieurs foyers, avec des ossements d'animaux et une industrie lithique, étaient également dégagés. On a longtemps discuté sur l'age de ces squelettes, voire sur leur contemporanéité avec les vestiges archéologiques de la grotte. 11 ne fait plus de douie aujuui-d'hUi qLi'i!s I?'cpp&ienEeEt 2:: P8!&!ithique rieur: Aurignacien évolué ou peut-6tre Périgordien IV. Par com-paraison avec les datations qui ont été faites pour des gisements voisins et de m6me industrie, ils remonteraient k 20 ou 21.000 ans avant notre &re A peu pres. 98 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOhlMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES;. . . 3 Transportés aussitot aprks leur découverte a Paris, les restes humains de Cro-Magnon comprenaient essentiellement un sque-lette d'homme de 40 A 50 ans environ (Cro-Magnon 1, dit parfois a tort "le vieillard"), un squelette de femme de 20 a 30 ans (Cro- Magnon II), un second squelette d'homme de 30 a 40 ans (Cro- Magnon 111) dont la tete ktait réduite au calvarium. Les restes des deux autres sujets, un adulte limité a un segment de crane et quelques os d'un enfant, n'avaient pas d'intéret anthropologi-que. Ms leur arrivée, ces ossements furent examinés par Broca / qui en donnait aussitot (1868) une premi'ere description. Morant, beaucoup plus tard (1930), examinait a nouveau les cranes et, tout récemment enfin, G. Billy et moi-meme (1965) en avons repris l'étu-de compl& & apprte & ! e ~ rr; a&Q E c&.ain ficmhre de prkcisions et de données nouvelles. Toutes ces recherches concordent pour montrer que les Hom-mes de Cro-Magnon présentent un ensemble de caracteres spé-ciaux, t&s différents de ceux de toutes les races actuelles. Les on7.rilri++rio "r\r.\" 1,1.+..;1^ A^ T3-^^^ 1.4.: dL.,.".z" -.. T nLrirrn U~UG~GLKU,a p ~ c nL GLUUG UG DLUGCL, CLVCLIGL~LG LG u~puncna u u a u u L a - toire d'Anthropo10,gie du Muséum d'Histoire naturelle. A. de Quatre-fages, directeur de ce Laboratoire, et E. Hamy, son assistant, furent aussitdt frappés de ces caracth-es. 11s n'hésit6rent pas A faire de ces Hommes les prototypes d'une des deux races dolicho-céphales qu'ils reconnaissaient au Paléolithique, la seconde race étant celle de Néandertal. A cette race, ils donnerent le nom de "race de Cro-Magnon" (1874). Celle-ci est maintenant unanime-ment reconnue par tous les anthropologistes. Ses caracteres prin-cipaux sont les suivants : Cribe volumineux, dolichocephale ou mesocéphaie, a contour pentagonal quand on l'examine par en haut. Vofite crhienne basse et présentant un méplat 2 l'union des pariétaux et de l'occipital (chignon occipital) . Front large, glabelle et arcades sourcilieres bien marquées. Face basse et large, nettement dysharmonique au crane et Iégerement prognathe. Pommettes fortes et saiiiantes. Qrbites bases a bords presque rectilignes et contour rectangu-laire. Nez leptorhinien ou faiblement mésorhinien, avec une racine deprimée, mais des os nasaux se projetant bien en avant. Mandi-bule robuste, a menton saillant et gonions légerement déjetés en 4 HENRI V. VALLOIS dehors. Os longs massifs A einpreintes musculaires accusées. Fémurs ayant un pilastre prononcé. Tibias tres platycnémiques et péronés cannelés. Stature haute, avec un indice radio-huméral élevé. A leur race de Cro-Magnon, de Quatrefages et Hamy ont rapporté (1874, 1882) un certain nombre des restes humains fos-siles déja découverts en France a cette époque: les criines de Laugerie-Basse et de Bruniquei entre autres. R. Verneau plus tara (1906) montrait que les squelettes des couches moyennes du Pa-léolithique supérieur des grottes de Grimaldi (frontiere italienne) lui appartenaient également; les recherches toutes recentes pré-sentées 2i ce symposium par 6. Billy confirment cette assertion. Toujours dans le Paléolithique supérieur, on a encore rmcontré la race de Cro-Magnon en beaucoup d'autres gisernents europhü : sujet masculin d'Obercasse1 en Allemagne (Bonnet, 19191, impor-tante série de Fredmost en Tchécoslovaquie (Matiegka, 1937- 1938)' crgnes de San Teodoro (Graziosi, 1948) et d'Arene Candide (S. Sera! 1950) en Italie, etc. Toutes ces trouvailles montrent que cette race a eu une tres large diffusion. Et celle-ci, pour beaucoup, aurait été plus grande encore: non seulement les Hommes de Cro- Magnon se seraient étendus en dehors de YEurope, mais ils se seraient poursuivis plus ou moins longtemps apr6s le Paléolithique. Ils auraient en particulier atteint les Canaries comme nous allons le voir maintenant. C'est au Professeur R. Verneau que nous sommes redevables des prernGres recherches sur ce chapitre. S'appliquant la tota-lité des iles de l'Archipe1, embrassant l'ethnographie et l'archéolo-gie, mais avant tout l'anthropologie physique, elles furent consi-dérables. Elles ont apporté des données dont on ne saurait trop souligner l'importance l. Plusieurs auteurs apres lui ont encore 1 Celle-ci n'échappa pas aux autorités administratitives canariennes. Une rue de Las Palmas porte le nom du Dr. Verneau, et le titre de "Citoyen d'hon-neur des Canaries" lui fut solennellement décerné. 100 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CKO-MAGNON ET LES GUANCHES:. . . 5 étudié les milimes populations, essentiellement les Pr. E. Hooton et F. Balkenburger, et plus récemment le Dr. Fusté et XSme. la Br. 1. Schwidetzky. Je ferai un bref historique de toutes ces recherches. Des 1871 le Dr. Hamy, examinant les cr2nes de Cro-Magnon qui venaient d'etre déposés par Broca au Muséum, était frapp6 par leur ressemblance avec ceux d'anciens Canariens, recueillis dans la grotte sépulcrale du Barranco Hondo, Ténérife, et qui pro-venaient de l'ancienne collection Bouglinval. Pour vérifier le fait, A. de Quatrefages écrivit a S. Berthelot, alors Consul de France aux Canaries, et qui s'intéressait beaucoup l'histoire de ces iles, lui demandant de lui obtenir d'autres pieces. Dix nouveaux cr2nes arriverent ainsi en 1877, originaires de trois iles différentes, mais dont, un se111p es, !e typp cnrrespgndait hga~~cgmi~gpln E: celiri de Cro-Magnon. Un proM6me se posait ainsi, que de Quatrefages chargea R. Verneau d'élucider. Celui-ci y consacra de nombreuses années. Une premilere mission en 1877 et 1878 était suivie d'une seconde, de 1884 a 1887. Les recherches de Verneau durant ces d-.i-l~s éjnnrs &n_n&ynt l i e ~& & ngmhyei j~sp d!i&ign~: (esgen-tiellement en 1887 et 1891). En 1935, alors 2gé de 83 ans, R. Ver-neau retournait d'ailleurs une troisieme fois aux Canaries pour compléter sa documentation par l'étude des nombreuses pieces découvertes apres 1887. La mort, en 1938, est venue le surprendre alors que le gros mémoire, dans lequel il rassemblait les résultats de toutes ses recherches sur une question a laquelle il n'avait cessé de penser depuis plus de 60 ans, était dé& en partie achevé. Ce volume, tant souhaité, n'a malheureusement pu paraitre l. Mais R. Verneau m'honorait de son amitié et me parlait souvent de ce travai! a p ~ due details p&, vi concernaient 1- reparkition des 1 Ce mémoire me fut remis par sa famhlle qui me demanda de le termi-ner. Mais les évenements de 1940 survinrent et le manuscrit dut 6tre mis en lieu sor. Je ne le récupkrai qu'en 1948. Les lourdes charges professorales et administratives que j'assumais alors m'empechaient de m'en occuper. Puis j'appris que le Dr. FUsté, attaohé au Laboratoire d'bnthropologie de Barce-lone et dija, malgré son jeune age, anthropologiste qualifié, s'intkressait A la question canarienne. 11 me sembla tout désigné pour continuer une oeuvre qui intéressait directement son pays et je lui remis les documents qui m'avaient été confiés. La mort a malheureusement fauché, il y a quelques années, ce saivant plein d'avenir. Le mémoire de Verneau reste toujours en suspens. 6 HENRI V. VALLOIS types dans les différentes iles, ses conclusions ne différaient pas sensiblement de celles exposées apr6s ses premiers séjours. Elles avaient seulement l'avantage de s'appuyer sur un nombre beaucoup plus considérable d'observations, et celles-ci faites avec une techni-que craniométrique plus compl&e et plus moderne que celle en usage en 1884. R. Verneau, dans l'ancienne population canarienne, avait dis-tingué d'abord 3 puis finalement 4 types: un type primitif, auquel il réservait le nom de "type guanche" ; un "type sémitique", et un type "mixte", qu'il subdivisa plus tard en "type arabe" et "type brachycéphale". De ces types, le second et le troisieme, qui corres- - * pondaient respectivement aux dolichocéphales nord-africains ac- N E iueis (races m6diierranéenne et sud-urieiiiaiej, ainsi v e le qxi- O tri6me (race alpine ?), ne nous intéressent pas ici. Le premier, par- --- m ticulierement pur dans les grottes sépulcrales de Ténérife, plus ou %E moins mélangé dans les autres iles, avait tous ces caracteres cro- S E magnoides qui avaient frappé Hamy: c r h e tres volumineux a ten- - dance doiichocépñaie avec chignon occipiiai plus ou lilviiis mar- > qué; voiite basse, glabelle tres saillante; face basse et large et ! quelque peu prognathe; orbites basses et rectangulaires; os nasaux E proéminents mais enfoncés A leur racine ; indice nasal mésorhinien ; O maxillaire supérieur rétréci; gonions extroversés. A tres peu de E détails pres, c'étaient bien la les traits des Paléolithiques de Cro- - a Magnon. 2- Abstraction faite de quelques recherches effectuées sur des séries restreintes comme celles de Shrubsall (18961, von Luschan 2 (1896) et von Behr (1908), tous auteurs qui accueillaient la typo-logie de Verneau, il faut attendre E. Hooton (1925) pour voir pa-raitre un nouveau travail d'ensemble sur les anciens Canariens. Hooton y étudie 350 cranes, de 5 iles différentes. Partant, non de l'examen de la totalité des caracteres métriques et descriptifs comme l'avait fait Verneau, mais d'un point de vue A priori ins-piré des conceptions que venait de présenter Dixon pour sa nou-velle classification des races humaines (classification tout 2 fait abandonnée aujourd'hui et que son auteur lui-meme avait fini par appeler "mon crime"), Hooton reconnait, chez les anciens Ca-nariens, six races ou types différents: type guanche, type nordi- 102 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES;. . . 7 que, type méditerranéen, type brachycéphale alpin, type négroide et type australoide. Les différences d'avec la classification de Verneau sont profondes; le type guanche néanmoins a toujours les caracteres craniens que lui avait attribués l'auteur francais; l'interprétation de ce type par contre est toute autre comme on le verra plus loin. Réunissant les séries parisiennes étudiées par lui 2 celles de Hooton et de von Behr, ce qui faisait un total de 744 cribes, F. Fal-kenburger (1939) a repris la question en prenant comme base fon-damentale l'étude de la face. Utilisant les limites conventionnelles appliquées aux trois catégories de chacun des trois indices facial supérieur, nasal et orbitaire, il obtient 27 combinaisons qu'il groupe en 5 iypes fondameniaux désignés par iui sous ies iettres A 2 E. Les quatre premiers sont dolicho-mésocéphales et, parmi eux, le type A correspond, comme il le reconnait du reste lui-meme, au type guanche (c'est-A-dire cro-magnoide) de Verneau. Les qua-tre autres sont respectivement: un type négroide, produit, pour i'auteur, du croisement du précédent avec des N O ~ ~unS t;y pe médi-terranéen, un type rnixte tres hétérogkne et un type brachycéphale. Les travaux précédents avaient augmenté de une A deux unités le nombre des types de Verneau. 11s avaient changé la nature de quelques-uns. 1. Schwidetzk~ (1963) dans un tres important mé-moire, reposant sur l'étude personnelle des collections de Paris et du Musée de Madrid, ainsi que sur celles, considérablement accrues depuis 1891, des deux Musées canariens, soit un total de 2.022 era-nes et 2.060 os longs, réagit contre cette multiplication. Utilisant la méthode de l'analyse factorielle, elle estime que l'ensemble des caracteres criiniens des anciens Canariens se place sans difficultés entre deux peles, l'un ayant les traits du type cro-magnoide, l'autre qui correspond au type méditerranéen classique. Une subdivision binaire doit donc Gtre substituée aux précédentes. C'est A un résultat 2 peu prks identique y'arrive enfin M. Fusté dans ses publications, essentiellement limitées 2 la Grande Canarie (particulierement 1959 et 1965) mais dont les conclusions, comme il me l'avait dit plusieurs fois, s'appliquaient également aux autres iles qu'il avait étudiées: les Guanches comprenaient un élément cro-magnoide fondamental que l'on retrouve partout; 2 c6té de e HENRI V. VALLOIS lui, on a un élément "méditerranéen robuste" (proto-méditerra-néen, ou encore eurafricain) . Ces deux éléments constituaient la base de la population. 11 pouvait bien s'y ajouter et 16, un élé-ment méditerranéen gracile ou un autre arménoide, mais leur r6le était toujours tres secondaire. Quant l'élément négroide, les re-cherches faites par F'usté sur les Canariens actuels --dermatogly-phes et haptoglobulines- montrent catégoriquement qu'il n'exis-tait pas. Discuter toutes ces opinions n'est pas le but de cette commu-nication. L'essentiel est la constatation qu'en dépit de leurs diver-gences tous les auteurs sont d'accord -et c'est meme le seul point sur lequel ils soient unanimes- pour adrnettre l'existence chez 1~ iinciens Guancli_es d'm P1lPIment. dmt le type physique rappelle d'une maniere frappante celui des Hommes de Cro-Magnon du Pa-léolithique supérieur européen. Cet élément s'y rencontrerait bien caractérisé chez un quart ou un tiers au moins des sujets si l'on en croit le tableau suivant, établi par F. Falkenburger .(1939) en uti- 1;on-• ..,,,,, &té srs pi.qi.ea &ri~s, CP!!PS &S &ux aiitei~rs qui avaient, avant lui, publié leurs valeurs métriques individuelles : E 316 crhes (Falkenburger), fréquence du type cro-magnoide ............ 25% 78 cranes (von Behr), fréquence du type cro-magnoide .................. 35 ?ó 3% crhes (Hooton), frequence du type cro-magnoide ..................... 36 % -E a En dehors de ceux du crane, d'autres caracteres anthropologi- d ques ont encore été reconnus chez les Guanches qui confirment les conclusions précédentes. Et d'abord la stature. Les anciens auteurs 5 avaient déja signalé la fréquence relative chez les anciens Cana-riens d'hommes de haute taille. Verneau, pour ie Sud de Ténérife, trouve une stature masculine moyenne de 1'69 m &S 1'70 m et dé-clare que plus de 48 % des sujets dépassaient ce dernier chiffre. 1. Schwidetzky cependant, opérant sur un nombre beaucoup plus considérable d'ossements, n'obtient que 166'8 pour l'ensemble des anciens Canariens (masculin toujours) et 164,2 seuiement pour Ténérife. Mais oes différences tiennent peut-etre a ce que Verneau a utilisé, pour ses reconstitutions de la taille, les longueurs des six grands os des membres, tandis que Schwidetzky n'utilisait que l'humérus, le fémur et le tibia; elle n'a done considéré qu'un seul 104 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS segment dista1 contre deux proximaux. Or l'examen des tableaux individuels de Verneau montre que les Guanches avaient l'avant-bras et la jambe relativement longs par rapport au bras et a la cuisse: l'indice radio-huméral donné par Verneau pour Ténérife (hornmes et femmes) est de 77, l'indice tibio-fémoral de £44'3; ce dernier, pour Schwidetzky, est meme de 85'2 (hornrnes). Ces chiffres élevés rappellent ceux des Hommes du Paléolithique su-périeur. A cela s'ajoute encore la fréquence c h e ~le s Guanches de fémurs A. pilastre et de tibias platycnémiques (Ritter, 1944)' ca-racteres cro-magnoides, mais qu'on retrouve aussi, a vrai dire, chez beaucoup de Néolithiques européens. On a enfin essayé d'aller plus loin et cherché si certains des Canariens actuels ne présentent pas, eux aussi, des traits physi-ques particuliers. Verneau avait signalé la fréquence des yeux bleus et des cheveux blonds chez les insulaires du Sud de Ténérife. E. Pischer (1949) note les memes faits, en y ajoutant qu'ils se rencontrent sur les sujets dont la tete a un aspect cro-ma,gnoide, mais les recherches systématiques et beaucoup plus étendues de Fusté et de Schwidetzky ne montrent aucune relation de ce genre. Rien d.'ailleurs ne permet de dire que les Hommes de Cro-Magnon étaient des blonds aux yeux bleus: pour Paudler (1917-1918) par exemple, il faudrait distinguer des Cro-Magnons clairs ou race de Da1 et des &o-Magnons bruns ou race de Ber et ces derniers jus-tement seraient africains. Les Guanches cro-magnoides présentent déjk assez de ressemblances avec les Paléolithiques de Cro-Magnon pour qu'il n'y ait pas besoin d'en ajouter d'autres purement ima-g i n a i ~ s .M ais vient alors le grand probleme: comment doit-on interpréter ces ressemblances ? 111.-DES CRO-MAGNONS PALl3OLITHIQUES AUX CRO-MAGPU'ODE'S CANARIENS Lo-TGse de Ea forrnation sur place. Pour Hooton (1925)' les Cro-Magnoides canariens sont des hybrides d'origine locale. Leur dysharmonie cranio-faciale indi- 10 HENRI V. VALLOIS querait qu'ils sont le produit de croisements, effectués dans l'inté-rieur meme de l'Archipe1, entre deux des éléments qui peuplaient celui-ci : des dolichocéphales a f ace longue de race nordique, origi-naires de la région du Rif, et des brachycéphales a face courte de race alpine, originaires de la région de GaMs. C'est sans doute par un meme processus que se seraient formés, au Paléolithique supé-rieur, les Hommes de Cro-Magnon qui, loin de constituer une race indépendante, ne seraient done, eux aussi, qu'un ensemble de métis. Entre les anciens Canariens et les Cro-Magnons proprement dits, il n'existe ainsi aucune parenté : groupes formés a des époques et en des lieux différents, ils ne se ressemblent que par convergence. a 11 n'y a pas lieu de discuter cette these qui rappelle la concep- N E tinn h i o i! y I déj& !nngtemps par Kn!!ma_nn sur !'origine des O dolichocéphales brachyprosopes européens primitifs. Elle s'appuy- n-- m ait principalement sur les idées A priori de Dixon a propos des E "races de base" de l'humanité. Tant du point de vue historique que i génétique, elle est insoutenable. 11 suffira de dire qu'en ce qui con- -E Cerne !es Wommes de Yrn-Magnon prqranent dits, Ia théorie de 2 Mooton exigerait l'existence avant eux de brachycéphales ; or nous 0 savons pertinemment qu'il n'y en avait pas. En ce qui concerne "E d'autre part les Guanches, toutes les statistiques s'accordent pour reconnaitre que l'élément brachycéphale a toujours été chez eux tres minime; il n'aurait pu produire une brachyprosopie aussi -E forte et aussi étendue que celle que l'on constate. Un seul auteur a 2 du reste, Tamagnini (1932), a adopté l'interprétation d'Hooton. n n Aucun autre ne l'a suivie. 3 O 2.0-Th2se de ?G migraiinn directe des Hommes de Cro-Magnon. Emise comme une suggestion par de Quatrefages et Hamy en 1874, cette these a été longuement développée par Verneau dans toute une série de travaux. S'appuyant sur ses importantes études sur les anciens Canariens, elle a été d'emblée prise en considéra-tion par tous les anthropologistes; tres rapidement, elle est deve-cue classique. 11 n'y a aucun doute, dit Verneau, que l'élément cro-magnoide des Guanches ne soit le descendant direct des Cro-Magnons de la Vézere. Avec la fin de la période glaciaire, beaucoup d'especes ani- 106 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES 1-IOMMES DE CRO-MAGNON ET LES CUANCIIES; ... 11 males européennes auraieiit émigré en Afrique. Les Hommes du Paléolithique supérieur en auraient fait autant. Certains se sont portés vers 1'Italie ou on retrouve leurs traces, mais une impor-tante branche est entrée en Espagne et, de la, a gagné 1'Afrique du Nord d'ou elle a finalement atteint 1'Archipel canarien. Des marques de son passage se retrouveraient S& et la en Espagne. Un cribe de la grotte néo-ou énéolithique de Miracle, & Oviedo, avait un indice orbitaire tres bas: 78,05. Ses autres caracteres étaient, ajoute Verneau, mélangés mais la face aussi était basse et large. En Vieille Castille, pres de Ségovie, une petite série néoli-thique contenait des criines dolichocéphales avec un chignon occi-pita1 et des orbites basses; la face aussi était basse et large, woiqie imins w'& Ci=o-Magí;nua. En Aigérie, G'auire part, de Quatrefages et Mamy ont écrit que "les tombes des dolmens de Roknia ont donné un grand nombre de criines qui se rapprochent plus ou moins de ceux de Cro-Magnon". Encore maintenant chez les Kabyles, on retrouverait des représentants de ce type. Ainsi, conciut Verneau, la race de Cro-Magnon, émigrant vers le Sud, s'est développée en Espagne pendant la période néolithique ; venue ensuite en Afrique du Nord, ce serait "avant l'époque romaine" qu'elle serait arrivée aux Canaries. E'identité des coutumes funé-raires (ensevelissement dans des cavernes) des Cro-Magnons et des Guanches, et un certain nombre de faits ethnographiques, ajouteraient encore A leurs ressemblances. Cette th&se, je viens de le dire, a été sans difficulté acceptée. Elle était logique et, avec les documents anthropologiques que l'on possédait alors, il efit été difficile d'offrir une autre explication. 11 ne faut cependant pas se dissimuler qu'elle présentait des lacunes dont la principale résulte de l'énorme laps de temps qui sépare les Cro-Magnons des Eyzies de l'arrivée des Guanches dans leurs ?les. Les Paléolithiques de la Dordogne datent, on l'a vu, de 20 A 21.000 ans avant notrie &re. L'occupation des Canaries, disent les archéo-logues, remonte au maximum 2.000 ans avant celle-ci; encore les quelques dates données par le radio-carbone sont-elles beau-coup moins généreuses: la plus ancienne (une grotte sépulcrale du centre de Ténérife) n'est que de 292 ans de notre &re. Or, pendant les 18 ,A 20 millénaires qui séparent les troglodytes des Eyzies des 12 HENRI V. VALLOIS premiers Canariens, on ne trouve, dans le Paléolithique supérieur du Sud-Ouest de la France, c'est-a-dire sur le chemin vers 1'Es-pagne, que des Cro-Magnons dé& tres atténués: sujets de Bru-niquel, du Cap Blanc, de Saint-Germain-la-Riviere, de l'abri Pa-taud, du Mas d'Azil, peut-etre aussi de Sordes. A plus forte raison, ces caracteres s'affailslissent-ils chez les Enéolithiques de type primitif des grottes des Baumes-Chaudes et de L'Homme-mort (Engel, 1962). En Ehpagne, et pour le Paléolithique supérieur, un crane provenant d'urtiaga, pays basque, un autre du Parpalló, province de Valence, et un fragment de frontal du Bamanc Blanc, meme province, ont été considérés comme cro-magnoides, mais deux de ces déterminations n'ont été faites que sous réserves car, 1& encore, les caracteres typiques des Cro-Magnons sont atténués. 11s le sont encore plus chez les Méolithiques du meme pays cités par Verneau. En Afrique du Nord enfin, les cranes de Roknia, tres tardifs du reste comme iige, et qui n'ont jamais été soumis A une étude anthropologique sérieuse, ont un aspect plut6t proto-médi-terranéen. Quant aux Kabyles, les recherches modernes les décri-vent comme ayant une tendance nettement brachycéphale : ce n'est pas la un caractere de Cro-Magnon! La th&se de Verneau, pour logique qu'elle semblait, ne résolvait donc pas cette difficulté majeure: comment se fait-il qu'en deux lieux si distants et A =t: 20.000 ans d'intervalle, on retrouve les memes populations, alors que ni dans les époques, ni dans l'espace qui les sépare, on ne trouve d'intermédiaires bien caractérisés? La question devait rester sans réponse jusqu'en 1934. 3."-Thkse de Z'étape ibéro-maurusienne. En 1928-29, C. Arambourg, fouillant la grotte d'Afalou-bou- Rhummel, territoire des Beni-Segoual, sur le littoral de la petite Kabylie, pres d'Alger, mettait au jour les restes d'une cinquantaine de sujets, dont 30 A 35 criines permettaient une étude anthropolo-gique précise. L'industrie qui les accompagnait était du type ibéro-maurusien, c'est-&-dire du Mésolithique (Epipaléolithique) ancien d'Afrique du Nord. Transportés a Paris, ces restes furent remis a Marcellin Boule qui me demanda de les étudier avec lui et, tres vits, leur examen nous conduisait A un résultat inattendu : alors 108 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS qu'en Europe les Mésolithiques ont dé& dans leurs grandes lignes, une conformation voisine de celle des races actuelles de ce conti-nent, il en était tout autrement ici: les Ibéro-Maurusiens d'Afalou appartenaient a un type tres spécial, trks primitif d'aspect, et qui ri'avait aucun rapport avec les Méditerranéens -et plus forte raison les divers groiipes brachycéphales- qui peuplent aujourd'. hui 1'Algérie. Ce type cependant n'était pas inconnu. Quelques cribes analo-gues avaient déja été trouvés en 1912 par un préhistorien amateur dans l'escargotiere, également mésolithique, rnais celle-ci d'indus-trie capsienne, de Mechta-el-Arbi, département de Constantine. h u r inventeur, qui les croyait aurignaciens (!), y voyait des Néan-dertaliens, opinión également insoutenable et qui avait jeté sur eux un complet discrédit. L'examen que nous en avons fait M. Boule et moi-meme, nous a montré qu'en réalité ils apparte-naient au meme type que ceux que nous venions d'étudier. En vertu de la loi de priorité, ce type devait done &re appelé "type de Mechta" et c'est sous ce nom que nous l'avons décrit (1934). L'usage a cependant été pris par la suite de l'appeler "type de Mechta-Afalou". Ses caracteres essentiels étaient les suivants: squelette robuste, a tete volumineuse, dolicho-mésocéphale et pou-vant présenter un chignon; voílte assez élevée mais avec un front oblique et une glabelle et des arcades sourcilieres extremement développées; face basse et large, orthognathe ou légerement mésognathe; orbites chamaeconques a contour rectangulaire; nez fortement déprimé a sa racine, mais le dos du nez est nettement saillant ; indice nasal lég6rement platyrhinien ; mandibule tres ro-buste a menton bien accusé et gonions proéminents; stature éle-vée; fémurs a pilastre et tibias platycnémiques. Tous ces caracteres, a deux pres -le moindre abaissement de la voílte et la platyrhinie-, rappelaient nettement ceux des Hom-mes de Cro-Magnon, mais ils rappelaient encore plus -car ici la 3 J'assistais A la séance de 1912 de la SociBte d'Anthro!pologie de París ou ce préhistorien présenta le plus typique de ces cranes. La discussion fut violente. Le Dr. Henri-Martin et L. Manouvrier, bons juges en la mati+re, n'eurent cependant gas de peine A démontrer qu'aucun des caracteres néan-dertaliens typiques n'y Btait présent. 14 RENRI V. VALLOIS seule différence essentielle était la platyrhinie- ceux des Guan-ches cro-mangnoides (cf. tableau p. 17). La conclusión s'imposait: plus anciens que les Guanches, et ayant occupé bien avant eux la partie continentale de 1'Afrique du Nord dont on savait que les Canariens étaient originaires, les Hommes de Mechta-Afalou de-vaient 6tre considérés comme leurs anoetres. Ainsi se trouvait comblée une partie de la lacune signalée plus haut. Ce n'était plus apres le Néolithique et aux Canaries qu'apparaissait pour la pre-mimere fois en Afrique le type cro-magnoide, c'était durant le Méso-lithique et avec les Ibéro-Maurusiens d'Algérie. Cette th,&se fut pleinement adoptée par R. Verneau qui y voyait un complément et une confirmation de la sienne propre et voulut bien cet effet écrire dans le volume traitant des Hommes d'Afalm 1x1 chapitre spécial. Postérieurement 2 la publication de ce volume, de nouvelles O E découvertes ne devaient d'ailleurs pas tarder 2 montrer que le E 2 E type de Mechta avait eu, avec certaines variations locales, une lar@?e utpni~nb y z ~!et Mésg!ithiqde n=rd-&ic&n. Non sede- > ment on l'a retrouvé en Algérie dans divers gisements, l'impor- O-tante nécropole de Columnata entre autres, mais aussi au Maroc, m E 2 Dar és-Soltan, sur le littoral atlantique juste au Sud de Rabat O (Vallois, 1951) et surtout dans les nombreuses sépultures de Ta- n foralt, Maroc oriental, dont les ossements humains ont été i'objet E a d'un mémoire détaillé (D. Ferembach, 1962). On a constaté en n outre que ce type correspondait essentiellement aux gisements 2 n n industrie ibéro-maurusienne, ce qui, d'apres les recherches au 3 radio-carbone, le situe entre 10.500 et 8.500 ans 2 peu pr6s avant O a o t ~ e& e. &cepiiüniieiiei~ieiii cependani, üii peui encure le 1511- contrer dans des gisements, mésolithiques eux aussi quoique dans l'ensemble plus tardifs, A industrie capsienne; mais ceux-ci corres-pondent le plus souvent & d'autres Hommes, qui ne se rencontrent jamais dans 1'Ibéro-maurusien et peuvent donc 6tre considérés eoiiiim les Capsiens pai- encelleiice: ils soni d'mi iype méciiterra-néen - o u proto-méditerranéen- primitif (Vallois, 1950). Postérieurernent au Mésolithique, le type de Mechta-Afalou devient beaucoup plus rare. 11 semble qu'un certain nombre de ses porteurs -le phénomene a été bien suivi 2 Columnata- aient subi 110 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS peu ii p u ce procesms de gracilisation des différentes parties du squelette que l'on a observé pour beaucoup d'autres séries préhis-toriques de l'ancien monde. En conséquence, les caracteres les plus spécialisés du type s'atténuent et on n'a plus que des "Mechtoides" (M.C. Chamla, 1968). Des croisements avec les Proto-méditerra-néens ont pu aussi intervenir. Une chose certaine en tout cas est qu'ont subsiste des isolats oU persistait le type primitif: cas des Néolithiques du Djebel Fartas, au Nord de l'Au&s, et des grottes des Troglodytes, du Polygone et des Hyhnes, en Algérie occiden-tale. 11 n'y a done rien d'étonnat a ce que, peut-&re parce que refoulés progressivement par les Méditerranéens venus de l'Est, peut-etre pour d'autres causes, un de ces isolats, resté encore rela-tivement pur en quelque coin des montales du Maroc méridional, ait, vers la fin du Néolithique, gag& les Canaries. Du Cap Juby a la plus proche de ces iles, la distance n'est que de 105 km. et le pic de Teide, A Ténérife, est, par beau temps, bien visible de 1'Afrique continentale. TTn +nl r\n..nln-nn+ nai-t o r r n i r i %+A ln o i t rl'iin mrniina t r h c PPS- "U 1.51 ~ ~ U p l ~ l l L . z I I 1p. u b a " V I L ,.U I,, LA* U UII b&yurv u--.- --- treint; ce que nous savons maintenant de l'occupation de leurs iles par les Polynésiens en donne de multiples exemples. D'autres groupes africains ont suivi dont beaucoup certainement apparte-naient a des Roto-méditerranéens ou a leurs descendants, de telle sorte que, curieusement, les Guanches se trouvaient réfléchir, par leur cornposition anthropologique, le complexe ethnique d'Ibéro-maurusiens et de Capsiens qui occupait le sol nord-africain A l'épo-que mésolithique. Ce serait sortir du cadre de cette communication que d'exami-ner ici en détaii ies rapporis antinropoiogiques invoquPs ii i'appüi des raisonnements précédents. Je me contenterai de présenter dans le tableau ci-dessous les principales données métriques con-cernant les deux séries cro-magnoides de Guanches sélectionnées par F. Falkenburger et 1. Schwidetzky, la série totale des Guan-ches de ce dernier auteur, ies séries ibéro-maurusiennes d'Afaiou et de Taforalt, enfin le mane de Dar és-Soltan dont l'intéret vient de ce qu'il est jusqu'ici le seul représentant connu du type de Mechta sur le littoral atlantique. Ce tableau fait bien ressortir la parenté anthropologique de tous ces groupes dont la similitude des TABLEAU Module cranien ............... Longueur ma:dmale ......... Largeur maximale ........... Largeur frontale min. ....... Hauteur basion-bregma .... Hauteur face sup. ............ Largeur bizygomatique .... Hauteur orbitaire ............. Largeur orbitaire ............ Hauteur du nez ............... Largeur du nez ............... GUANCHES MECHTA-AFALOTT -- - Cro- Tous les Magnon 1 1 T Y PA~ Type 11 Guanches Afalou Taforalt Dar és-Soltar (Vallois-Eilly) (Falkenburger) (Schwidetzky) (Schwidetzky) ( ~ ~ ~ l ~ - v ~ l l (oFei rsem) bach) (Vallois) H. 209 H. 193 H. 1328-1825 26-21 14-6 H. Indice cranien ................. 74 75,5 75,6 75,4 75,2 74,5 68,9 " hauteur-longueur .... 65.3 71,2 71,4 70,8 74,2 74,4 71,8 " $hauteur-largeur ...... 89 94,4 95,l 95,8 98,4 98 104,2 ( ?) ' fronto-pari6tal ....... 68,6 - 69,4 69,3 68 64,9 71,8 (?) " facial sup6rieur ...... 48,6 50,5 49,7 52,5 47,8 46,4 47,3 " orbitaire ............... 583 78,5 74,6 78,4 74,4 74,4 - " nasal ..................... 47 47,4 50,l 48,3 54 52,l - I'indice orbitaire psrticuli&rement; les valeurs des séries de Grimaldi OUde Cro-Magnon représentent des chiffres extremes pour sa race, celle de 1 A noter clans ce tableau que les valeurs relevées sur 1'Hornme no 1 de Priedmost se rapprochent plus de celles des Guanches ou du type de Mechta. LES HOMNIES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES; ... 17 indices craniens, de hauteur-longueur, facial supérieur et orbitaire, ne peut manquer de frapper. Seule, je l'ai dit plus haut, la pla-tyrhinie des Ibéro-maurusiens, A Afalou surtout, fait tache sur le tableau. Peutietre résultait-elle d'une adaptation spéciale a un climat chaud et humide ? On sait que l'existence d'un rapport étroit entre cet indice et le milieu extérieur est admise par un certain nombre d'anthropologues. 1V.-L'ORIGINE DU TYPE DE MECHTA Les faits précédents étant acquis, et l'origine des Guanches cro-rnagnoides aux dépens du type de Mechta pouvant 6tre consi-dérée c o m e certaine, une partie importante du problime soulevé par les anciens Canariens n'en subsiste pas moins quoique sous une nouvelle forme: d'ou viennent les Hommes de Mechta-Afalou et comment expliquer leur ressemblance avec les Hommes de Cro- Magnon européens? L'intervalle entre eux n'est plus, comme pour les Guanches, de 20.000 ans mais seulement de 10.OQ0; la distance géographique par contre n'a que peu diminué. Trois hypoth~eses tss différentes peuvent 16tre proposées. (Fig. 1.) 1." La plus simple est de conserver la partie initiale de la théorie classique: une migration (ou simplernent une extension) vers 1'Afrique des Hommes de Cro-Magnon de 1'Europe occiden-tale. Mais on retombe alors sur l'objection déja signalée: les cr5- nes paléolithiques supérieurs qui jalonnent la route des Eyzies A Gibraltar ont des caracteres cro-ma'gniens beaucoup moins accusés que leurs soit-disant successeurs de Mechta-Afalou; leur face par exemple est moins brachyprosope et leurs arcades sus-orbitaires sont beaucoup moins saillantes. On peut en outre se demander, s'il s'agit d'une migration, quelle est la raison qui aurait poussé les 'Cm-Magnons 2 un te1 déplacement. Verneau invoque les re-cherches de Lartet d'apres lequel, A la fin du Quaternaire, une partie de la faune européenne aurait éraigré en Afrique; l'Homme aurait suivi. Mais on sait maintenant qu'en réalité c'est le phéno-mene inversr qui a eu lieu et que la faune froide wurmienne s'est plutdt déplacée vers le Nord. On ne peut guere non plus invoquer une poussée de la part de groupes humains venus de 1'Est; rien 18 HENRI V. VAUOIS de te1 ap&s l'arrivée des (20-Magnons n'e parait s'etre produit en Europe occidentale avant le début du Néolithique. Or, A cette épo-que, il y avait déjA plusieurs millénaires que les Ibéro-maurusiens étaient en Afrique du Nord. La traversée du détroit de Gibraltar pose enfin un autre problleme. Parcouru par un courant violent, ce détroit, malgré sa faible largeur, n'a pu etre franchi qu'a une époque ou la connaissance de la navigation était deja assez avan-cée. A la période néolithique, comme le supposait la these initiale de Verneau, c'était peut-&re le cas. Mais l'existence des Hommes de Mechta suppose que ce franchissement aurait eu lieu au Paléo-lithique supérieur. Ceci parait difficilement concevable. 11 s'agit , 1A il est vrai d'une question dont les archéologues discutent depuis ? pli~aieur&~e nnies. E O 2 . O Impressionnés par les objections précédentes, nous avons, n - =m M. Boule et moi, dans notre mémoire sur les Hommes dlAfalou, O E suggéré une autre hypothese. 11 est connu qu'en Europe occiden- E 2 E tale, et en France particuli&rement, les Hommes de Cro-Magnon suc&derit brÜsyUeme& de NSandrdai. Si troU;7e e, 2 et 1A certaines industries de transition, il n'y a rien de pareil pour les types humains : en un ou deux millénaires, et sans formes inter- m E rnédiaires, les Cro-Magnons ont completement supplanté les Néan- O 5 dertaliens moustériens. Bordée au Sud et a l'Ouest par des mers, n 1'Europe occidentale et centrale l'était alors aussi au Nord par le grand glacier scandinave. Les nouveaux venus ne pouvaient done arriver que de 1'Gt. Or nous savons qu'en Palestine, au début du j Wurmien et peut-&re aussi quelque peu avant, vivaient des Hom- 3 mes (crkne de Galilée, squelettes de Skhul et de Kafzeh, etc.) qui, O tout en ayant garüé des traits primitifs néandertaiiens-pour ceite raison on les appelle souvent les Néandertaloides de Palestine-, présentent en m6me temps des caracteres manifestes de Cro- Magnon. Différentes interprétations ont été données de ces Hom-mes, que nous n'avons pas 2 examiner ici, mais il est permis de supposer que ce sont certains d'entre eux qui, se dirigeant vers 1'Europe occidentale, en continuant A se différencier dans le mGme sens, ont finalement domé nos Cro-Magnons classiques. On peut alors se demander si un phénomhe paralllele ne se serait pas pro-duit au Sud de la Méditerranée. En d'autres termes, les Ibéro-mau- 114' ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS Irig. l.-Les hypoth8ses sur I'origine du type de Mechta: 1, origine lkrans-ibériqueu aux dépens des Cro-Magnos de 1'Europe accidentales ; 2, origine aux dépens des Pré-Cromagnoides de Palestirie, lesquels donnent en meme temps, 2', les Cro-Magnons dlEurope occidentale; 3, origine par différenciation sur place avec: les stades: T, Atlanthropus de Ternifine; R Pré-Neander-talien de Rabat; 1, NBandertaloide de Djebel Irhoud: et finalement A, Hornrnes de Mechta-Afalou; 4, passaie du type de Mechta aux Guamches. 20 HENRI V. VALLOIS rusiens de Mechta-Malou ne seraient-ils pas, comme les Cro- Magnons européens, les descendants du type pré-cromagnoide du Proche-Orient ? Leur parenté avec les Cro-Magnons européens n'en subsisterait pas moins; mais elle ne correspondrait plus A une filiation en ligne droite; elle serait seulement de cousinage. Le fait que la différenciation terminale des deux troncs se serait produite indépendamment pour chacun expliquerait d'autre part, mieux que l'hypoth'&se de la descendance directe, les quelques différences morphologiques qui existent entre eux et apparaissent a l'examen du tableau précédent. Cette seconde hypoth4se se heurtait cependant a une objection dont nous ne nous dissimulions pas l'importance: l'absence com-p!' 6te de d~~xll?endtes p!6nnt^!ogk humaine (!a mandibule néan-dertalienne tres ancienne de Hauta Fteah exceptée) dan toute la longue bande qui va de la Palestine la Tunisie. Elle nous a paru néanmoins mériter d'etre prise en considération. 3." Une troisi,&meh ypothiese peut encore e.t .r e avancée. Elle a comme base suggestioa, &mise pwr 1% prem;ere f ~ i ssem b!e-t-i! par Weidenreich ,(l947) et développée récemment par Coon (1962), d'apr6s laquelle les différents groupes humains, bien qu'ayant une origine unique, se seraient séparés tres t6t pour se développer, plus ou moins indépendamment chacun, dans une région propre et en passant par des stades paralleles. Si on applique cette con-ception A 1'Afrique du Nord, on trouve ainsi au début le stade pithécanthropien avec llAtlanthropus de Ternifine, Algérie (Aram-bourg, 1963), puis les formes prénéandertaliennes de Rabat (Vallois, 1945) et de Témara (Vallois, 1958), enfin les cranes mous-tériens tout récemment découverts 5 UjdM Irhoüd, Mar~c, et décrits comme néandertaliens (Ennouchi, 1962 et 19681, mais a.uxquels me parait mieux convenir l'étiquette de néandertaloides. Ainsi il y aurait eu en Afrique du Nord un'phylum dont les phases sont paralleles A celles que nous connaissons pour d'autres régions de l'ancien monde, Aínrique y compris, sans ioutefois leür Gtro rigoureusement identiques: llAtranthrope, en effet, n'est pas le décalque exact du Pithécanthrope de Java, la mandibule de Rabat n'est pas tout & fait la m16me que la mandibule prénéandertalienne aussi de Montmaurin et les cranes du Djebel Irhoud, malgré leur 116 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET &ES GUANCHES;. .. 21 aspect néandertalien général, different nettement des Néanderta-liens vrais dJEurope, comme des Néandertaliens sud-africains de Broken-Hill et de Saldanha. Si la conception de Weidenreich est exacte, la lignée que je viens de tracer parait fort vraisemblable, mais ne peut-on alors la pousser plus loin et se demander si, de meme que les &o- Magnons européens sont sans doute les descendants des Nkander-taloides de Palestine, les Hommes de Mechta-Afalou ne seraient pas les descendants des Néandertaloides marocains? Quelques ressemblances morphologiques pourraient I6tre invoquées 2 cet effet: par exemple la forte saillie des arcades sus-orbitaires des Hornmes de Mechta, qui avait fait croire a leur inventeur qu'il avait la des Néandertaliens; ou encore le moindre abaissement de leur vofite crhienne par rapport aux Cro-Magnons européens, caracGre que l'on retrouve chez les Hommes du Djebel Irhoud par rapport aux Néandertaliens classiques. Mais ce sont l& évidemment des arguments insuffisants et l'hypothese ainsi émise comporte elle aussi une lacune capitale: l'ignorance complete ou nous som-mes des Hommes qui vivaient dans cette région pendant les quel-que 30 ou 40.000 ans qu'a pu durer l'Atérien, c'est-k-dire tout le Paléolithique supérieur de 1'Afrique du Nord. Ces Hommes étaient-ils ou non les anoetres des Ibéro-maurusiens et, d'autre part, paraissent-ils susceptibles de provenir des Hommes du Djebel Irhoud? Aucune réponse, pour le moment, ne peut &re donnée ces questions. En définitive, on voit que le probleme des relations phylétiques entre les Guanches cro-magnoides des Canaries et les Hommes de Cro-Magnon du Paléolithique supérieur européen est encore loin d'etre completement résolu. Un tres grand pas a été fait par la découverte que ces Guanches descendaient d'un groupe anthropo-logique bien défini, les Mésolithiques nord-africains du type de Mechta-Afalou, ce qui reporte leur origine 5 10.000 ans a peu pres a,vant notre &re. Par contre, nous sommes toujours dans l'igno-rance de la nature exacte des rapports entre ces Mésolithiques et les Cro-Magnons proprement dits. Qu'entre les uns et les autres il y ait une grande ressemblance est incontestable. Mais cettr Núm. 15 11969) 117 22 HENRI V. VALLOIS ressemblance correspond-elle a une filiation directe, ou au fait d'une meme origine aux dépens d'une couche plus ancienne, loca-lisée au Froche-O,rient, ou seulement ii un parallélisme entre deux lignées ayant évolué indépendamment depuis au moins le Pléis-toohe moyen? Nous ne pouvons nous prononcer. Seules, les décou-vertes ultérieures donneront la clé du probl6me: trouvaille dans le Paléolithique supérieur espagnol de squelettes h, caract6res cro-magniens plus marqués que ceux des trop rares piieces connues jusqu'ici, trouvaille d'Hommes du Paléolithique supérieur de Lybie et de Tripolitaine, et, avant tout, trouvaille de cet Homme atérien qui a précédé les Ibéro-maurusiens sur leur propre territoire et dont, malgré de nombreuses recherches, nous ne savons encore a-l.. --1 A -:..- USUl ULllGLlL 1 - l t m . D'ici La, nous ne devons rien affirmer, mais la sagesse en science ne consiste-t-elle pas ?i mettre un frein notre imagination et ?i savoir attendre ce que nous apporteront les faits? BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Boule, M.; Vallois, H., et Verneau, R. : Anthropologie; in: Arambourg, C.; Boule, M.; Vallois, H., et Verneau, R.: Les grottes paiéolithiiques des Beni-Segoual, Algérie. "Archives de 1'Institut de Paléontologie humaine", vol. 13. París, 1934. 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Título y subtítulo | Les hommes de Cro-Magnon et les guanches; les faits acquis et les hypothèses |
Autor principal | Vallois, Henri V. |
Publicación fuente | Anuario de estudios atlánticos |
Numeración | Número 15 |
Sección | Antropología |
Tipo de documento | Artículo |
Lugar de publicación | Madrid ; Las Palmas |
Editorial | Cabildo Insular de Gran Canaria |
Fecha | 1969 |
Páginas | p. 097-119 |
Materias | Antropología prehistórica ; Razas indígenas ; Canarias |
Copyright | http://biblioteca.ulpgc.es/avisomdc |
Formato digital | |
Tamaño de archivo | 1416648 Bytes |
Texto | LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES; LES FAITS ACQUIS ET LES HY POTHESES PAR A la mémozre de deux anthropologastes quz s'adonn2rent avec passzon Péttde des anczens Canamens le Professeur René VEXNEAU, le Docteur Miguel FuSm3. Entrevue pour la premi6re fois en 1874, par de Quatrefages et Hamy, l'extraordinaire ressemblance entre les cribes de Cro- Magnon du Faléolithique supérieur frawais et les anciens Guan-ches des Canaries a d'emblée suscité la curiosité des anthropolo-gistes. Elle a donne lieu a d'importantes recherches. Elle a entrahe diverses hypoth6ses. Renforcée par le fait que, comme nos Paléoli-thiques supérieurs, les plus anciens des Guanches habitaient dans des cavernes et y enterraient leurs morts, qu'ils en étaient encore A l'age de Pierre -néolithique il est vrai et non plus paléolithi-que-, celle de ces hypotheses qui fait des Guanches les descen-dants directs des Hornrnes de Cro-Magnon est de beaucoup la plus répandue. Les découvertes faites depuis une trentaine d'années en Afrique du Nord tendent cependant A la modifier. Meme avec celles-ci, certains points restent encore obscurs et ne sont pas 2 1-IENRI V. VALLOIS résolus. C'est cet ensemble de problemes que je voudrais exami-ner ici. Ce faisant, je spécifierai d'abord que je m'en tiendrai unique-ment 5 ce ,qui concerne l'anthropologie physique; les données ayant trait ,A l'archéologie ou A l'ethnographie devant &re exami-nées dans d'autres communications de ce symposium. Le terme "Guanche" d'autre part a été pris dans différents sens: certains le lirnitent A ceux des anciens Canariens qui ressemblaient aux Hommes de Cro-Magnon (de Quatrefages et Hamy, Falkenbur-ger, etc.) ; d'autres, aux seuls anciens habitants de Ténérife (von Behr) ; suivant l'acception la plus générale, je l'utiliserai pour désigner l'ensemble des Canariens antérieurs i I'occupation es- N a pagonle, que1 soit leur localisation géographique ou leur type phy- E sique. 11 sera donc consideré ici comme ayant une valeur historique, O n - non anthropologique. =m O E E 2 1.-LES HOMMES DE CRGMAGNON Bien que ce soit le centenaire de leur découverte qui est 5 l'ori- - - 0 gine de ce syrnposium, je serai bref sur ce sujet. Les circonstances memes de leur trouvaille sont bien connues et j'ai eu l'occasion, O 5 la suite du Colloque cornmémoratif organisé aux Eyzies l'an d dernier (1%8), d'en rappeler l'essentiel. 11 me suffira de dire que c'est en mars 1868 que deux entrepreneurs, au cours de travaux de terrassement au lieu dit "Cro-Magnon", pres de la gare du village des Eyzies (Dordogne), mettaient au jour une petite grotte, 3 presque completement comblée par de la terre et des débris de " ruche, & f u ~ dde la~e!!e se trmVaier,tl es restes & 5 syuelettp~ humains. Plusieurs foyers, avec des ossements d'animaux et une industrie lithique, étaient également dégagés. On a longtemps discuté sur l'age de ces squelettes, voire sur leur contemporanéité avec les vestiges archéologiques de la grotte. 11 ne fait plus de douie aujuui-d'hUi qLi'i!s I?'cpp&ienEeEt 2:: P8!&!ithique rieur: Aurignacien évolué ou peut-6tre Périgordien IV. Par com-paraison avec les datations qui ont été faites pour des gisements voisins et de m6me industrie, ils remonteraient k 20 ou 21.000 ans avant notre &re A peu pres. 98 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOhlMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES;. . . 3 Transportés aussitot aprks leur découverte a Paris, les restes humains de Cro-Magnon comprenaient essentiellement un sque-lette d'homme de 40 A 50 ans environ (Cro-Magnon 1, dit parfois a tort "le vieillard"), un squelette de femme de 20 a 30 ans (Cro- Magnon II), un second squelette d'homme de 30 a 40 ans (Cro- Magnon 111) dont la tete ktait réduite au calvarium. Les restes des deux autres sujets, un adulte limité a un segment de crane et quelques os d'un enfant, n'avaient pas d'intéret anthropologi-que. Ms leur arrivée, ces ossements furent examinés par Broca / qui en donnait aussitot (1868) une premi'ere description. Morant, beaucoup plus tard (1930), examinait a nouveau les cranes et, tout récemment enfin, G. Billy et moi-meme (1965) en avons repris l'étu-de compl& & apprte & ! e ~ rr; a&Q E c&.ain ficmhre de prkcisions et de données nouvelles. Toutes ces recherches concordent pour montrer que les Hom-mes de Cro-Magnon présentent un ensemble de caracteres spé-ciaux, t&s différents de ceux de toutes les races actuelles. Les on7.rilri++rio "r\r.\" 1,1.+..;1^ A^ T3-^^^ 1.4.: dL.,.".z" -.. T nLrirrn U~UG~GLKU,a p ~ c nL GLUUG UG DLUGCL, CLVCLIGL~LG LG u~puncna u u a u u L a - toire d'Anthropo10,gie du Muséum d'Histoire naturelle. A. de Quatre-fages, directeur de ce Laboratoire, et E. Hamy, son assistant, furent aussitdt frappés de ces caracth-es. 11s n'hésit6rent pas A faire de ces Hommes les prototypes d'une des deux races dolicho-céphales qu'ils reconnaissaient au Paléolithique, la seconde race étant celle de Néandertal. A cette race, ils donnerent le nom de "race de Cro-Magnon" (1874). Celle-ci est maintenant unanime-ment reconnue par tous les anthropologistes. Ses caracteres prin-cipaux sont les suivants : Cribe volumineux, dolichocephale ou mesocéphaie, a contour pentagonal quand on l'examine par en haut. Vofite crhienne basse et présentant un méplat 2 l'union des pariétaux et de l'occipital (chignon occipital) . Front large, glabelle et arcades sourcilieres bien marquées. Face basse et large, nettement dysharmonique au crane et Iégerement prognathe. Pommettes fortes et saiiiantes. Qrbites bases a bords presque rectilignes et contour rectangu-laire. Nez leptorhinien ou faiblement mésorhinien, avec une racine deprimée, mais des os nasaux se projetant bien en avant. Mandi-bule robuste, a menton saillant et gonions légerement déjetés en 4 HENRI V. VALLOIS dehors. Os longs massifs A einpreintes musculaires accusées. Fémurs ayant un pilastre prononcé. Tibias tres platycnémiques et péronés cannelés. Stature haute, avec un indice radio-huméral élevé. A leur race de Cro-Magnon, de Quatrefages et Hamy ont rapporté (1874, 1882) un certain nombre des restes humains fos-siles déja découverts en France a cette époque: les criines de Laugerie-Basse et de Bruniquei entre autres. R. Verneau plus tara (1906) montrait que les squelettes des couches moyennes du Pa-léolithique supérieur des grottes de Grimaldi (frontiere italienne) lui appartenaient également; les recherches toutes recentes pré-sentées 2i ce symposium par 6. Billy confirment cette assertion. Toujours dans le Paléolithique supérieur, on a encore rmcontré la race de Cro-Magnon en beaucoup d'autres gisernents europhü : sujet masculin d'Obercasse1 en Allemagne (Bonnet, 19191, impor-tante série de Fredmost en Tchécoslovaquie (Matiegka, 1937- 1938)' crgnes de San Teodoro (Graziosi, 1948) et d'Arene Candide (S. Sera! 1950) en Italie, etc. Toutes ces trouvailles montrent que cette race a eu une tres large diffusion. Et celle-ci, pour beaucoup, aurait été plus grande encore: non seulement les Hommes de Cro- Magnon se seraient étendus en dehors de YEurope, mais ils se seraient poursuivis plus ou moins longtemps apr6s le Paléolithique. Ils auraient en particulier atteint les Canaries comme nous allons le voir maintenant. C'est au Professeur R. Verneau que nous sommes redevables des prernGres recherches sur ce chapitre. S'appliquant la tota-lité des iles de l'Archipe1, embrassant l'ethnographie et l'archéolo-gie, mais avant tout l'anthropologie physique, elles furent consi-dérables. Elles ont apporté des données dont on ne saurait trop souligner l'importance l. Plusieurs auteurs apres lui ont encore 1 Celle-ci n'échappa pas aux autorités administratitives canariennes. Une rue de Las Palmas porte le nom du Dr. Verneau, et le titre de "Citoyen d'hon-neur des Canaries" lui fut solennellement décerné. 100 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CKO-MAGNON ET LES GUANCHES:. . . 5 étudié les milimes populations, essentiellement les Pr. E. Hooton et F. Balkenburger, et plus récemment le Dr. Fusté et XSme. la Br. 1. Schwidetzky. Je ferai un bref historique de toutes ces recherches. Des 1871 le Dr. Hamy, examinant les cr2nes de Cro-Magnon qui venaient d'etre déposés par Broca au Muséum, était frapp6 par leur ressemblance avec ceux d'anciens Canariens, recueillis dans la grotte sépulcrale du Barranco Hondo, Ténérife, et qui pro-venaient de l'ancienne collection Bouglinval. Pour vérifier le fait, A. de Quatrefages écrivit a S. Berthelot, alors Consul de France aux Canaries, et qui s'intéressait beaucoup l'histoire de ces iles, lui demandant de lui obtenir d'autres pieces. Dix nouveaux cr2nes arriverent ainsi en 1877, originaires de trois iles différentes, mais dont, un se111p es, !e typp cnrrespgndait hga~~cgmi~gpln E: celiri de Cro-Magnon. Un proM6me se posait ainsi, que de Quatrefages chargea R. Verneau d'élucider. Celui-ci y consacra de nombreuses années. Une premilere mission en 1877 et 1878 était suivie d'une seconde, de 1884 a 1887. Les recherches de Verneau durant ces d-.i-l~s éjnnrs &n_n&ynt l i e ~& & ngmhyei j~sp d!i&ign~: (esgen-tiellement en 1887 et 1891). En 1935, alors 2gé de 83 ans, R. Ver-neau retournait d'ailleurs une troisieme fois aux Canaries pour compléter sa documentation par l'étude des nombreuses pieces découvertes apres 1887. La mort, en 1938, est venue le surprendre alors que le gros mémoire, dans lequel il rassemblait les résultats de toutes ses recherches sur une question a laquelle il n'avait cessé de penser depuis plus de 60 ans, était dé& en partie achevé. Ce volume, tant souhaité, n'a malheureusement pu paraitre l. Mais R. Verneau m'honorait de son amitié et me parlait souvent de ce travai! a p ~ due details p&, vi concernaient 1- reparkition des 1 Ce mémoire me fut remis par sa famhlle qui me demanda de le termi-ner. Mais les évenements de 1940 survinrent et le manuscrit dut 6tre mis en lieu sor. Je ne le récupkrai qu'en 1948. Les lourdes charges professorales et administratives que j'assumais alors m'empechaient de m'en occuper. Puis j'appris que le Dr. FUsté, attaohé au Laboratoire d'bnthropologie de Barce-lone et dija, malgré son jeune age, anthropologiste qualifié, s'intkressait A la question canarienne. 11 me sembla tout désigné pour continuer une oeuvre qui intéressait directement son pays et je lui remis les documents qui m'avaient été confiés. La mort a malheureusement fauché, il y a quelques années, ce saivant plein d'avenir. Le mémoire de Verneau reste toujours en suspens. 6 HENRI V. VALLOIS types dans les différentes iles, ses conclusions ne différaient pas sensiblement de celles exposées apr6s ses premiers séjours. Elles avaient seulement l'avantage de s'appuyer sur un nombre beaucoup plus considérable d'observations, et celles-ci faites avec une techni-que craniométrique plus compl&e et plus moderne que celle en usage en 1884. R. Verneau, dans l'ancienne population canarienne, avait dis-tingué d'abord 3 puis finalement 4 types: un type primitif, auquel il réservait le nom de "type guanche" ; un "type sémitique", et un type "mixte", qu'il subdivisa plus tard en "type arabe" et "type brachycéphale". De ces types, le second et le troisieme, qui corres- - * pondaient respectivement aux dolichocéphales nord-africains ac- N E iueis (races m6diierranéenne et sud-urieiiiaiej, ainsi v e le qxi- O tri6me (race alpine ?), ne nous intéressent pas ici. Le premier, par- --- m ticulierement pur dans les grottes sépulcrales de Ténérife, plus ou %E moins mélangé dans les autres iles, avait tous ces caracteres cro- S E magnoides qui avaient frappé Hamy: c r h e tres volumineux a ten- - dance doiichocépñaie avec chignon occipiiai plus ou lilviiis mar- > qué; voiite basse, glabelle tres saillante; face basse et large et ! quelque peu prognathe; orbites basses et rectangulaires; os nasaux E proéminents mais enfoncés A leur racine ; indice nasal mésorhinien ; O maxillaire supérieur rétréci; gonions extroversés. A tres peu de E détails pres, c'étaient bien la les traits des Paléolithiques de Cro- - a Magnon. 2- Abstraction faite de quelques recherches effectuées sur des séries restreintes comme celles de Shrubsall (18961, von Luschan 2 (1896) et von Behr (1908), tous auteurs qui accueillaient la typo-logie de Verneau, il faut attendre E. Hooton (1925) pour voir pa-raitre un nouveau travail d'ensemble sur les anciens Canariens. Hooton y étudie 350 cranes, de 5 iles différentes. Partant, non de l'examen de la totalité des caracteres métriques et descriptifs comme l'avait fait Verneau, mais d'un point de vue A priori ins-piré des conceptions que venait de présenter Dixon pour sa nou-velle classification des races humaines (classification tout 2 fait abandonnée aujourd'hui et que son auteur lui-meme avait fini par appeler "mon crime"), Hooton reconnait, chez les anciens Ca-nariens, six races ou types différents: type guanche, type nordi- 102 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES;. . . 7 que, type méditerranéen, type brachycéphale alpin, type négroide et type australoide. Les différences d'avec la classification de Verneau sont profondes; le type guanche néanmoins a toujours les caracteres craniens que lui avait attribués l'auteur francais; l'interprétation de ce type par contre est toute autre comme on le verra plus loin. Réunissant les séries parisiennes étudiées par lui 2 celles de Hooton et de von Behr, ce qui faisait un total de 744 cribes, F. Fal-kenburger (1939) a repris la question en prenant comme base fon-damentale l'étude de la face. Utilisant les limites conventionnelles appliquées aux trois catégories de chacun des trois indices facial supérieur, nasal et orbitaire, il obtient 27 combinaisons qu'il groupe en 5 iypes fondameniaux désignés par iui sous ies iettres A 2 E. Les quatre premiers sont dolicho-mésocéphales et, parmi eux, le type A correspond, comme il le reconnait du reste lui-meme, au type guanche (c'est-A-dire cro-magnoide) de Verneau. Les qua-tre autres sont respectivement: un type négroide, produit, pour i'auteur, du croisement du précédent avec des N O ~ ~unS t;y pe médi-terranéen, un type rnixte tres hétérogkne et un type brachycéphale. Les travaux précédents avaient augmenté de une A deux unités le nombre des types de Verneau. 11s avaient changé la nature de quelques-uns. 1. Schwidetzk~ (1963) dans un tres important mé-moire, reposant sur l'étude personnelle des collections de Paris et du Musée de Madrid, ainsi que sur celles, considérablement accrues depuis 1891, des deux Musées canariens, soit un total de 2.022 era-nes et 2.060 os longs, réagit contre cette multiplication. Utilisant la méthode de l'analyse factorielle, elle estime que l'ensemble des caracteres criiniens des anciens Canariens se place sans difficultés entre deux peles, l'un ayant les traits du type cro-magnoide, l'autre qui correspond au type méditerranéen classique. Une subdivision binaire doit donc Gtre substituée aux précédentes. C'est A un résultat 2 peu prks identique y'arrive enfin M. Fusté dans ses publications, essentiellement limitées 2 la Grande Canarie (particulierement 1959 et 1965) mais dont les conclusions, comme il me l'avait dit plusieurs fois, s'appliquaient également aux autres iles qu'il avait étudiées: les Guanches comprenaient un élément cro-magnoide fondamental que l'on retrouve partout; 2 c6té de e HENRI V. VALLOIS lui, on a un élément "méditerranéen robuste" (proto-méditerra-néen, ou encore eurafricain) . Ces deux éléments constituaient la base de la population. 11 pouvait bien s'y ajouter et 16, un élé-ment méditerranéen gracile ou un autre arménoide, mais leur r6le était toujours tres secondaire. Quant l'élément négroide, les re-cherches faites par F'usté sur les Canariens actuels --dermatogly-phes et haptoglobulines- montrent catégoriquement qu'il n'exis-tait pas. Discuter toutes ces opinions n'est pas le but de cette commu-nication. L'essentiel est la constatation qu'en dépit de leurs diver-gences tous les auteurs sont d'accord -et c'est meme le seul point sur lequel ils soient unanimes- pour adrnettre l'existence chez 1~ iinciens Guancli_es d'm P1lPIment. dmt le type physique rappelle d'une maniere frappante celui des Hommes de Cro-Magnon du Pa-léolithique supérieur européen. Cet élément s'y rencontrerait bien caractérisé chez un quart ou un tiers au moins des sujets si l'on en croit le tableau suivant, établi par F. Falkenburger .(1939) en uti- 1;on-• ..,,,,, &té srs pi.qi.ea &ri~s, CP!!PS &S &ux aiitei~rs qui avaient, avant lui, publié leurs valeurs métriques individuelles : E 316 crhes (Falkenburger), fréquence du type cro-magnoide ............ 25% 78 cranes (von Behr), fréquence du type cro-magnoide .................. 35 ?ó 3% crhes (Hooton), frequence du type cro-magnoide ..................... 36 % -E a En dehors de ceux du crane, d'autres caracteres anthropologi- d ques ont encore été reconnus chez les Guanches qui confirment les conclusions précédentes. Et d'abord la stature. Les anciens auteurs 5 avaient déja signalé la fréquence relative chez les anciens Cana-riens d'hommes de haute taille. Verneau, pour ie Sud de Ténérife, trouve une stature masculine moyenne de 1'69 m &S 1'70 m et dé-clare que plus de 48 % des sujets dépassaient ce dernier chiffre. 1. Schwidetzky cependant, opérant sur un nombre beaucoup plus considérable d'ossements, n'obtient que 166'8 pour l'ensemble des anciens Canariens (masculin toujours) et 164,2 seuiement pour Ténérife. Mais oes différences tiennent peut-etre a ce que Verneau a utilisé, pour ses reconstitutions de la taille, les longueurs des six grands os des membres, tandis que Schwidetzky n'utilisait que l'humérus, le fémur et le tibia; elle n'a done considéré qu'un seul 104 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS segment dista1 contre deux proximaux. Or l'examen des tableaux individuels de Verneau montre que les Guanches avaient l'avant-bras et la jambe relativement longs par rapport au bras et a la cuisse: l'indice radio-huméral donné par Verneau pour Ténérife (hornmes et femmes) est de 77, l'indice tibio-fémoral de £44'3; ce dernier, pour Schwidetzky, est meme de 85'2 (hornrnes). Ces chiffres élevés rappellent ceux des Hommes du Paléolithique su-périeur. A cela s'ajoute encore la fréquence c h e ~le s Guanches de fémurs A. pilastre et de tibias platycnémiques (Ritter, 1944)' ca-racteres cro-magnoides, mais qu'on retrouve aussi, a vrai dire, chez beaucoup de Néolithiques européens. On a enfin essayé d'aller plus loin et cherché si certains des Canariens actuels ne présentent pas, eux aussi, des traits physi-ques particuliers. Verneau avait signalé la fréquence des yeux bleus et des cheveux blonds chez les insulaires du Sud de Ténérife. E. Pischer (1949) note les memes faits, en y ajoutant qu'ils se rencontrent sur les sujets dont la tete a un aspect cro-ma,gnoide, mais les recherches systématiques et beaucoup plus étendues de Fusté et de Schwidetzky ne montrent aucune relation de ce genre. Rien d.'ailleurs ne permet de dire que les Hommes de Cro-Magnon étaient des blonds aux yeux bleus: pour Paudler (1917-1918) par exemple, il faudrait distinguer des Cro-Magnons clairs ou race de Da1 et des &o-Magnons bruns ou race de Ber et ces derniers jus-tement seraient africains. Les Guanches cro-magnoides présentent déjk assez de ressemblances avec les Paléolithiques de Cro-Magnon pour qu'il n'y ait pas besoin d'en ajouter d'autres purement ima-g i n a i ~ s .M ais vient alors le grand probleme: comment doit-on interpréter ces ressemblances ? 111.-DES CRO-MAGNONS PALl3OLITHIQUES AUX CRO-MAGPU'ODE'S CANARIENS Lo-TGse de Ea forrnation sur place. Pour Hooton (1925)' les Cro-Magnoides canariens sont des hybrides d'origine locale. Leur dysharmonie cranio-faciale indi- 10 HENRI V. VALLOIS querait qu'ils sont le produit de croisements, effectués dans l'inté-rieur meme de l'Archipe1, entre deux des éléments qui peuplaient celui-ci : des dolichocéphales a f ace longue de race nordique, origi-naires de la région du Rif, et des brachycéphales a face courte de race alpine, originaires de la région de GaMs. C'est sans doute par un meme processus que se seraient formés, au Paléolithique supé-rieur, les Hommes de Cro-Magnon qui, loin de constituer une race indépendante, ne seraient done, eux aussi, qu'un ensemble de métis. Entre les anciens Canariens et les Cro-Magnons proprement dits, il n'existe ainsi aucune parenté : groupes formés a des époques et en des lieux différents, ils ne se ressemblent que par convergence. a 11 n'y a pas lieu de discuter cette these qui rappelle la concep- N E tinn h i o i! y I déj& !nngtemps par Kn!!ma_nn sur !'origine des O dolichocéphales brachyprosopes européens primitifs. Elle s'appuy- n-- m ait principalement sur les idées A priori de Dixon a propos des E "races de base" de l'humanité. Tant du point de vue historique que i génétique, elle est insoutenable. 11 suffira de dire qu'en ce qui con- -E Cerne !es Wommes de Yrn-Magnon prqranent dits, Ia théorie de 2 Mooton exigerait l'existence avant eux de brachycéphales ; or nous 0 savons pertinemment qu'il n'y en avait pas. En ce qui concerne "E d'autre part les Guanches, toutes les statistiques s'accordent pour reconnaitre que l'élément brachycéphale a toujours été chez eux tres minime; il n'aurait pu produire une brachyprosopie aussi -E forte et aussi étendue que celle que l'on constate. Un seul auteur a 2 du reste, Tamagnini (1932), a adopté l'interprétation d'Hooton. n n Aucun autre ne l'a suivie. 3 O 2.0-Th2se de ?G migraiinn directe des Hommes de Cro-Magnon. Emise comme une suggestion par de Quatrefages et Hamy en 1874, cette these a été longuement développée par Verneau dans toute une série de travaux. S'appuyant sur ses importantes études sur les anciens Canariens, elle a été d'emblée prise en considéra-tion par tous les anthropologistes; tres rapidement, elle est deve-cue classique. 11 n'y a aucun doute, dit Verneau, que l'élément cro-magnoide des Guanches ne soit le descendant direct des Cro-Magnons de la Vézere. Avec la fin de la période glaciaire, beaucoup d'especes ani- 106 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES 1-IOMMES DE CRO-MAGNON ET LES CUANCIIES; ... 11 males européennes auraieiit émigré en Afrique. Les Hommes du Paléolithique supérieur en auraient fait autant. Certains se sont portés vers 1'Italie ou on retrouve leurs traces, mais une impor-tante branche est entrée en Espagne et, de la, a gagné 1'Afrique du Nord d'ou elle a finalement atteint 1'Archipel canarien. Des marques de son passage se retrouveraient S& et la en Espagne. Un cribe de la grotte néo-ou énéolithique de Miracle, & Oviedo, avait un indice orbitaire tres bas: 78,05. Ses autres caracteres étaient, ajoute Verneau, mélangés mais la face aussi était basse et large. En Vieille Castille, pres de Ségovie, une petite série néoli-thique contenait des criines dolichocéphales avec un chignon occi-pita1 et des orbites basses; la face aussi était basse et large, woiqie imins w'& Ci=o-Magí;nua. En Aigérie, G'auire part, de Quatrefages et Mamy ont écrit que "les tombes des dolmens de Roknia ont donné un grand nombre de criines qui se rapprochent plus ou moins de ceux de Cro-Magnon". Encore maintenant chez les Kabyles, on retrouverait des représentants de ce type. Ainsi, conciut Verneau, la race de Cro-Magnon, émigrant vers le Sud, s'est développée en Espagne pendant la période néolithique ; venue ensuite en Afrique du Nord, ce serait "avant l'époque romaine" qu'elle serait arrivée aux Canaries. E'identité des coutumes funé-raires (ensevelissement dans des cavernes) des Cro-Magnons et des Guanches, et un certain nombre de faits ethnographiques, ajouteraient encore A leurs ressemblances. Cette th&se, je viens de le dire, a été sans difficulté acceptée. Elle était logique et, avec les documents anthropologiques que l'on possédait alors, il efit été difficile d'offrir une autre explication. 11 ne faut cependant pas se dissimuler qu'elle présentait des lacunes dont la principale résulte de l'énorme laps de temps qui sépare les Cro-Magnons des Eyzies de l'arrivée des Guanches dans leurs ?les. Les Paléolithiques de la Dordogne datent, on l'a vu, de 20 A 21.000 ans avant notrie &re. L'occupation des Canaries, disent les archéo-logues, remonte au maximum 2.000 ans avant celle-ci; encore les quelques dates données par le radio-carbone sont-elles beau-coup moins généreuses: la plus ancienne (une grotte sépulcrale du centre de Ténérife) n'est que de 292 ans de notre &re. Or, pendant les 18 ,A 20 millénaires qui séparent les troglodytes des Eyzies des 12 HENRI V. VALLOIS premiers Canariens, on ne trouve, dans le Paléolithique supérieur du Sud-Ouest de la France, c'est-a-dire sur le chemin vers 1'Es-pagne, que des Cro-Magnons dé& tres atténués: sujets de Bru-niquel, du Cap Blanc, de Saint-Germain-la-Riviere, de l'abri Pa-taud, du Mas d'Azil, peut-etre aussi de Sordes. A plus forte raison, ces caracteres s'affailslissent-ils chez les Enéolithiques de type primitif des grottes des Baumes-Chaudes et de L'Homme-mort (Engel, 1962). En Ehpagne, et pour le Paléolithique supérieur, un crane provenant d'urtiaga, pays basque, un autre du Parpalló, province de Valence, et un fragment de frontal du Bamanc Blanc, meme province, ont été considérés comme cro-magnoides, mais deux de ces déterminations n'ont été faites que sous réserves car, 1& encore, les caracteres typiques des Cro-Magnons sont atténués. 11s le sont encore plus chez les Méolithiques du meme pays cités par Verneau. En Afrique du Nord enfin, les cranes de Roknia, tres tardifs du reste comme iige, et qui n'ont jamais été soumis A une étude anthropologique sérieuse, ont un aspect plut6t proto-médi-terranéen. Quant aux Kabyles, les recherches modernes les décri-vent comme ayant une tendance nettement brachycéphale : ce n'est pas la un caractere de Cro-Magnon! La th&se de Verneau, pour logique qu'elle semblait, ne résolvait donc pas cette difficulté majeure: comment se fait-il qu'en deux lieux si distants et A =t: 20.000 ans d'intervalle, on retrouve les memes populations, alors que ni dans les époques, ni dans l'espace qui les sépare, on ne trouve d'intermédiaires bien caractérisés? La question devait rester sans réponse jusqu'en 1934. 3."-Thkse de Z'étape ibéro-maurusienne. En 1928-29, C. Arambourg, fouillant la grotte d'Afalou-bou- Rhummel, territoire des Beni-Segoual, sur le littoral de la petite Kabylie, pres d'Alger, mettait au jour les restes d'une cinquantaine de sujets, dont 30 A 35 criines permettaient une étude anthropolo-gique précise. L'industrie qui les accompagnait était du type ibéro-maurusien, c'est-&-dire du Mésolithique (Epipaléolithique) ancien d'Afrique du Nord. Transportés a Paris, ces restes furent remis a Marcellin Boule qui me demanda de les étudier avec lui et, tres vits, leur examen nous conduisait A un résultat inattendu : alors 108 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS qu'en Europe les Mésolithiques ont dé& dans leurs grandes lignes, une conformation voisine de celle des races actuelles de ce conti-nent, il en était tout autrement ici: les Ibéro-Maurusiens d'Afalou appartenaient a un type tres spécial, trks primitif d'aspect, et qui ri'avait aucun rapport avec les Méditerranéens -et plus forte raison les divers groiipes brachycéphales- qui peuplent aujourd'. hui 1'Algérie. Ce type cependant n'était pas inconnu. Quelques cribes analo-gues avaient déja été trouvés en 1912 par un préhistorien amateur dans l'escargotiere, également mésolithique, rnais celle-ci d'indus-trie capsienne, de Mechta-el-Arbi, département de Constantine. h u r inventeur, qui les croyait aurignaciens (!), y voyait des Néan-dertaliens, opinión également insoutenable et qui avait jeté sur eux un complet discrédit. L'examen que nous en avons fait M. Boule et moi-meme, nous a montré qu'en réalité ils apparte-naient au meme type que ceux que nous venions d'étudier. En vertu de la loi de priorité, ce type devait done &re appelé "type de Mechta" et c'est sous ce nom que nous l'avons décrit (1934). L'usage a cependant été pris par la suite de l'appeler "type de Mechta-Afalou". Ses caracteres essentiels étaient les suivants: squelette robuste, a tete volumineuse, dolicho-mésocéphale et pou-vant présenter un chignon; voílte assez élevée mais avec un front oblique et une glabelle et des arcades sourcilieres extremement développées; face basse et large, orthognathe ou légerement mésognathe; orbites chamaeconques a contour rectangulaire; nez fortement déprimé a sa racine, mais le dos du nez est nettement saillant ; indice nasal lég6rement platyrhinien ; mandibule tres ro-buste a menton bien accusé et gonions proéminents; stature éle-vée; fémurs a pilastre et tibias platycnémiques. Tous ces caracteres, a deux pres -le moindre abaissement de la voílte et la platyrhinie-, rappelaient nettement ceux des Hom-mes de Cro-Magnon, mais ils rappelaient encore plus -car ici la 3 J'assistais A la séance de 1912 de la SociBte d'Anthro!pologie de París ou ce préhistorien présenta le plus typique de ces cranes. La discussion fut violente. Le Dr. Henri-Martin et L. Manouvrier, bons juges en la mati+re, n'eurent cependant gas de peine A démontrer qu'aucun des caracteres néan-dertaliens typiques n'y Btait présent. 14 RENRI V. VALLOIS seule différence essentielle était la platyrhinie- ceux des Guan-ches cro-mangnoides (cf. tableau p. 17). La conclusión s'imposait: plus anciens que les Guanches, et ayant occupé bien avant eux la partie continentale de 1'Afrique du Nord dont on savait que les Canariens étaient originaires, les Hommes de Mechta-Afalou de-vaient 6tre considérés comme leurs anoetres. Ainsi se trouvait comblée une partie de la lacune signalée plus haut. Ce n'était plus apres le Néolithique et aux Canaries qu'apparaissait pour la pre-mimere fois en Afrique le type cro-magnoide, c'était durant le Méso-lithique et avec les Ibéro-Maurusiens d'Algérie. Cette th,&se fut pleinement adoptée par R. Verneau qui y voyait un complément et une confirmation de la sienne propre et voulut bien cet effet écrire dans le volume traitant des Hommes d'Afalm 1x1 chapitre spécial. Postérieurement 2 la publication de ce volume, de nouvelles O E découvertes ne devaient d'ailleurs pas tarder 2 montrer que le E 2 E type de Mechta avait eu, avec certaines variations locales, une lar@?e utpni~nb y z ~!et Mésg!ithiqde n=rd-&ic&n. Non sede- > ment on l'a retrouvé en Algérie dans divers gisements, l'impor- O-tante nécropole de Columnata entre autres, mais aussi au Maroc, m E 2 Dar és-Soltan, sur le littoral atlantique juste au Sud de Rabat O (Vallois, 1951) et surtout dans les nombreuses sépultures de Ta- n foralt, Maroc oriental, dont les ossements humains ont été i'objet E a d'un mémoire détaillé (D. Ferembach, 1962). On a constaté en n outre que ce type correspondait essentiellement aux gisements 2 n n industrie ibéro-maurusienne, ce qui, d'apres les recherches au 3 radio-carbone, le situe entre 10.500 et 8.500 ans 2 peu pr6s avant O a o t ~ e& e. &cepiiüniieiiei~ieiii cependani, üii peui encure le 1511- contrer dans des gisements, mésolithiques eux aussi quoique dans l'ensemble plus tardifs, A industrie capsienne; mais ceux-ci corres-pondent le plus souvent & d'autres Hommes, qui ne se rencontrent jamais dans 1'Ibéro-maurusien et peuvent donc 6tre considérés eoiiiim les Capsiens pai- encelleiice: ils soni d'mi iype méciiterra-néen - o u proto-méditerranéen- primitif (Vallois, 1950). Postérieurernent au Mésolithique, le type de Mechta-Afalou devient beaucoup plus rare. 11 semble qu'un certain nombre de ses porteurs -le phénomene a été bien suivi 2 Columnata- aient subi 110 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS peu ii p u ce procesms de gracilisation des différentes parties du squelette que l'on a observé pour beaucoup d'autres séries préhis-toriques de l'ancien monde. En conséquence, les caracteres les plus spécialisés du type s'atténuent et on n'a plus que des "Mechtoides" (M.C. Chamla, 1968). Des croisements avec les Proto-méditerra-néens ont pu aussi intervenir. Une chose certaine en tout cas est qu'ont subsiste des isolats oU persistait le type primitif: cas des Néolithiques du Djebel Fartas, au Nord de l'Au&s, et des grottes des Troglodytes, du Polygone et des Hyhnes, en Algérie occiden-tale. 11 n'y a done rien d'étonnat a ce que, peut-&re parce que refoulés progressivement par les Méditerranéens venus de l'Est, peut-etre pour d'autres causes, un de ces isolats, resté encore rela-tivement pur en quelque coin des montales du Maroc méridional, ait, vers la fin du Néolithique, gag& les Canaries. Du Cap Juby a la plus proche de ces iles, la distance n'est que de 105 km. et le pic de Teide, A Ténérife, est, par beau temps, bien visible de 1'Afrique continentale. TTn +nl r\n..nln-nn+ nai-t o r r n i r i %+A ln o i t rl'iin mrniina t r h c PPS- "U 1.51 ~ ~ U p l ~ l l L . z I I 1p. u b a " V I L ,.U I,, LA* U UII b&yurv u--.- --- treint; ce que nous savons maintenant de l'occupation de leurs iles par les Polynésiens en donne de multiples exemples. D'autres groupes africains ont suivi dont beaucoup certainement apparte-naient a des Roto-méditerranéens ou a leurs descendants, de telle sorte que, curieusement, les Guanches se trouvaient réfléchir, par leur cornposition anthropologique, le complexe ethnique d'Ibéro-maurusiens et de Capsiens qui occupait le sol nord-africain A l'épo-que mésolithique. Ce serait sortir du cadre de cette communication que d'exami-ner ici en détaii ies rapporis antinropoiogiques invoquPs ii i'appüi des raisonnements précédents. Je me contenterai de présenter dans le tableau ci-dessous les principales données métriques con-cernant les deux séries cro-magnoides de Guanches sélectionnées par F. Falkenburger et 1. Schwidetzky, la série totale des Guan-ches de ce dernier auteur, ies séries ibéro-maurusiennes d'Afaiou et de Taforalt, enfin le mane de Dar és-Soltan dont l'intéret vient de ce qu'il est jusqu'ici le seul représentant connu du type de Mechta sur le littoral atlantique. Ce tableau fait bien ressortir la parenté anthropologique de tous ces groupes dont la similitude des TABLEAU Module cranien ............... Longueur ma:dmale ......... Largeur maximale ........... Largeur frontale min. ....... Hauteur basion-bregma .... Hauteur face sup. ............ Largeur bizygomatique .... Hauteur orbitaire ............. Largeur orbitaire ............ Hauteur du nez ............... Largeur du nez ............... GUANCHES MECHTA-AFALOTT -- - Cro- Tous les Magnon 1 1 T Y PA~ Type 11 Guanches Afalou Taforalt Dar és-Soltar (Vallois-Eilly) (Falkenburger) (Schwidetzky) (Schwidetzky) ( ~ ~ ~ l ~ - v ~ l l (oFei rsem) bach) (Vallois) H. 209 H. 193 H. 1328-1825 26-21 14-6 H. Indice cranien ................. 74 75,5 75,6 75,4 75,2 74,5 68,9 " hauteur-longueur .... 65.3 71,2 71,4 70,8 74,2 74,4 71,8 " $hauteur-largeur ...... 89 94,4 95,l 95,8 98,4 98 104,2 ( ?) ' fronto-pari6tal ....... 68,6 - 69,4 69,3 68 64,9 71,8 (?) " facial sup6rieur ...... 48,6 50,5 49,7 52,5 47,8 46,4 47,3 " orbitaire ............... 583 78,5 74,6 78,4 74,4 74,4 - " nasal ..................... 47 47,4 50,l 48,3 54 52,l - I'indice orbitaire psrticuli&rement; les valeurs des séries de Grimaldi OUde Cro-Magnon représentent des chiffres extremes pour sa race, celle de 1 A noter clans ce tableau que les valeurs relevées sur 1'Hornme no 1 de Priedmost se rapprochent plus de celles des Guanches ou du type de Mechta. LES HOMNIES DE CRO-MAGNON ET LES GUANCHES; ... 17 indices craniens, de hauteur-longueur, facial supérieur et orbitaire, ne peut manquer de frapper. Seule, je l'ai dit plus haut, la pla-tyrhinie des Ibéro-maurusiens, A Afalou surtout, fait tache sur le tableau. Peutietre résultait-elle d'une adaptation spéciale a un climat chaud et humide ? On sait que l'existence d'un rapport étroit entre cet indice et le milieu extérieur est admise par un certain nombre d'anthropologues. 1V.-L'ORIGINE DU TYPE DE MECHTA Les faits précédents étant acquis, et l'origine des Guanches cro-rnagnoides aux dépens du type de Mechta pouvant 6tre consi-dérée c o m e certaine, une partie importante du problime soulevé par les anciens Canariens n'en subsiste pas moins quoique sous une nouvelle forme: d'ou viennent les Hommes de Mechta-Afalou et comment expliquer leur ressemblance avec les Hommes de Cro- Magnon européens? L'intervalle entre eux n'est plus, comme pour les Guanches, de 20.000 ans mais seulement de 10.OQ0; la distance géographique par contre n'a que peu diminué. Trois hypoth~eses tss différentes peuvent 16tre proposées. (Fig. 1.) 1." La plus simple est de conserver la partie initiale de la théorie classique: une migration (ou simplernent une extension) vers 1'Afrique des Hommes de Cro-Magnon de 1'Europe occiden-tale. Mais on retombe alors sur l'objection déja signalée: les cr5- nes paléolithiques supérieurs qui jalonnent la route des Eyzies A Gibraltar ont des caracteres cro-ma'gniens beaucoup moins accusés que leurs soit-disant successeurs de Mechta-Afalou; leur face par exemple est moins brachyprosope et leurs arcades sus-orbitaires sont beaucoup moins saillantes. On peut en outre se demander, s'il s'agit d'une migration, quelle est la raison qui aurait poussé les 'Cm-Magnons 2 un te1 déplacement. Verneau invoque les re-cherches de Lartet d'apres lequel, A la fin du Quaternaire, une partie de la faune européenne aurait éraigré en Afrique; l'Homme aurait suivi. Mais on sait maintenant qu'en réalité c'est le phéno-mene inversr qui a eu lieu et que la faune froide wurmienne s'est plutdt déplacée vers le Nord. On ne peut guere non plus invoquer une poussée de la part de groupes humains venus de 1'Est; rien 18 HENRI V. VAUOIS de te1 ap&s l'arrivée des (20-Magnons n'e parait s'etre produit en Europe occidentale avant le début du Néolithique. Or, A cette épo-que, il y avait déjA plusieurs millénaires que les Ibéro-maurusiens étaient en Afrique du Nord. La traversée du détroit de Gibraltar pose enfin un autre problleme. Parcouru par un courant violent, ce détroit, malgré sa faible largeur, n'a pu etre franchi qu'a une époque ou la connaissance de la navigation était deja assez avan-cée. A la période néolithique, comme le supposait la these initiale de Verneau, c'était peut-&re le cas. Mais l'existence des Hommes de Mechta suppose que ce franchissement aurait eu lieu au Paléo-lithique supérieur. Ceci parait difficilement concevable. 11 s'agit , 1A il est vrai d'une question dont les archéologues discutent depuis ? pli~aieur&~e nnies. E O 2 . O Impressionnés par les objections précédentes, nous avons, n - =m M. Boule et moi, dans notre mémoire sur les Hommes dlAfalou, O E suggéré une autre hypothese. 11 est connu qu'en Europe occiden- E 2 E tale, et en France particuli&rement, les Hommes de Cro-Magnon suc&derit brÜsyUeme& de NSandrdai. Si troU;7e e, 2 et 1A certaines industries de transition, il n'y a rien de pareil pour les types humains : en un ou deux millénaires, et sans formes inter- m E rnédiaires, les Cro-Magnons ont completement supplanté les Néan- O 5 dertaliens moustériens. Bordée au Sud et a l'Ouest par des mers, n 1'Europe occidentale et centrale l'était alors aussi au Nord par le grand glacier scandinave. Les nouveaux venus ne pouvaient done arriver que de 1'Gt. Or nous savons qu'en Palestine, au début du j Wurmien et peut-&re aussi quelque peu avant, vivaient des Hom- 3 mes (crkne de Galilée, squelettes de Skhul et de Kafzeh, etc.) qui, O tout en ayant garüé des traits primitifs néandertaiiens-pour ceite raison on les appelle souvent les Néandertaloides de Palestine-, présentent en m6me temps des caracteres manifestes de Cro- Magnon. Différentes interprétations ont été données de ces Hom-mes, que nous n'avons pas 2 examiner ici, mais il est permis de supposer que ce sont certains d'entre eux qui, se dirigeant vers 1'Europe occidentale, en continuant A se différencier dans le mGme sens, ont finalement domé nos Cro-Magnons classiques. On peut alors se demander si un phénomhe paralllele ne se serait pas pro-duit au Sud de la Méditerranée. En d'autres termes, les Ibéro-mau- 114' ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS Irig. l.-Les hypoth8ses sur I'origine du type de Mechta: 1, origine lkrans-ibériqueu aux dépens des Cro-Magnos de 1'Europe accidentales ; 2, origine aux dépens des Pré-Cromagnoides de Palestirie, lesquels donnent en meme temps, 2', les Cro-Magnons dlEurope occidentale; 3, origine par différenciation sur place avec: les stades: T, Atlanthropus de Ternifine; R Pré-Neander-talien de Rabat; 1, NBandertaloide de Djebel Irhoud: et finalement A, Hornrnes de Mechta-Afalou; 4, passaie du type de Mechta aux Guamches. 20 HENRI V. VALLOIS rusiens de Mechta-Malou ne seraient-ils pas, comme les Cro- Magnons européens, les descendants du type pré-cromagnoide du Proche-Orient ? Leur parenté avec les Cro-Magnons européens n'en subsisterait pas moins; mais elle ne correspondrait plus A une filiation en ligne droite; elle serait seulement de cousinage. Le fait que la différenciation terminale des deux troncs se serait produite indépendamment pour chacun expliquerait d'autre part, mieux que l'hypoth'&se de la descendance directe, les quelques différences morphologiques qui existent entre eux et apparaissent a l'examen du tableau précédent. Cette seconde hypoth4se se heurtait cependant a une objection dont nous ne nous dissimulions pas l'importance: l'absence com-p!' 6te de d~~xll?endtes p!6nnt^!ogk humaine (!a mandibule néan-dertalienne tres ancienne de Hauta Fteah exceptée) dan toute la longue bande qui va de la Palestine la Tunisie. Elle nous a paru néanmoins mériter d'etre prise en considération. 3." Une troisi,&meh ypothiese peut encore e.t .r e avancée. Elle a comme base suggestioa, &mise pwr 1% prem;ere f ~ i ssem b!e-t-i! par Weidenreich ,(l947) et développée récemment par Coon (1962), d'apr6s laquelle les différents groupes humains, bien qu'ayant une origine unique, se seraient séparés tres t6t pour se développer, plus ou moins indépendamment chacun, dans une région propre et en passant par des stades paralleles. Si on applique cette con-ception A 1'Afrique du Nord, on trouve ainsi au début le stade pithécanthropien avec llAtlanthropus de Ternifine, Algérie (Aram-bourg, 1963), puis les formes prénéandertaliennes de Rabat (Vallois, 1945) et de Témara (Vallois, 1958), enfin les cranes mous-tériens tout récemment découverts 5 UjdM Irhoüd, Mar~c, et décrits comme néandertaliens (Ennouchi, 1962 et 19681, mais a.uxquels me parait mieux convenir l'étiquette de néandertaloides. Ainsi il y aurait eu en Afrique du Nord un'phylum dont les phases sont paralleles A celles que nous connaissons pour d'autres régions de l'ancien monde, Aínrique y compris, sans ioutefois leür Gtro rigoureusement identiques: llAtranthrope, en effet, n'est pas le décalque exact du Pithécanthrope de Java, la mandibule de Rabat n'est pas tout & fait la m16me que la mandibule prénéandertalienne aussi de Montmaurin et les cranes du Djebel Irhoud, malgré leur 116 ANUARIO DE ESTUDIOS ATLANTICOS LES HOMMES DE CRO-MAGNON ET &ES GUANCHES;. .. 21 aspect néandertalien général, different nettement des Néanderta-liens vrais dJEurope, comme des Néandertaliens sud-africains de Broken-Hill et de Saldanha. Si la conception de Weidenreich est exacte, la lignée que je viens de tracer parait fort vraisemblable, mais ne peut-on alors la pousser plus loin et se demander si, de meme que les &o- Magnons européens sont sans doute les descendants des Nkander-taloides de Palestine, les Hommes de Mechta-Afalou ne seraient pas les descendants des Néandertaloides marocains? Quelques ressemblances morphologiques pourraient I6tre invoquées 2 cet effet: par exemple la forte saillie des arcades sus-orbitaires des Hornmes de Mechta, qui avait fait croire a leur inventeur qu'il avait la des Néandertaliens; ou encore le moindre abaissement de leur vofite crhienne par rapport aux Cro-Magnons européens, caracGre que l'on retrouve chez les Hommes du Djebel Irhoud par rapport aux Néandertaliens classiques. Mais ce sont l& évidemment des arguments insuffisants et l'hypothese ainsi émise comporte elle aussi une lacune capitale: l'ignorance complete ou nous som-mes des Hommes qui vivaient dans cette région pendant les quel-que 30 ou 40.000 ans qu'a pu durer l'Atérien, c'est-k-dire tout le Paléolithique supérieur de 1'Afrique du Nord. Ces Hommes étaient-ils ou non les anoetres des Ibéro-maurusiens et, d'autre part, paraissent-ils susceptibles de provenir des Hommes du Djebel Irhoud? Aucune réponse, pour le moment, ne peut &re donnée ces questions. En définitive, on voit que le probleme des relations phylétiques entre les Guanches cro-magnoides des Canaries et les Hommes de Cro-Magnon du Paléolithique supérieur européen est encore loin d'etre completement résolu. Un tres grand pas a été fait par la découverte que ces Guanches descendaient d'un groupe anthropo-logique bien défini, les Mésolithiques nord-africains du type de Mechta-Afalou, ce qui reporte leur origine 5 10.000 ans a peu pres a,vant notre &re. Par contre, nous sommes toujours dans l'igno-rance de la nature exacte des rapports entre ces Mésolithiques et les Cro-Magnons proprement dits. Qu'entre les uns et les autres il y ait une grande ressemblance est incontestable. Mais cettr Núm. 15 11969) 117 22 HENRI V. VALLOIS ressemblance correspond-elle a une filiation directe, ou au fait d'une meme origine aux dépens d'une couche plus ancienne, loca-lisée au Froche-O,rient, ou seulement ii un parallélisme entre deux lignées ayant évolué indépendamment depuis au moins le Pléis-toohe moyen? Nous ne pouvons nous prononcer. Seules, les décou-vertes ultérieures donneront la clé du probl6me: trouvaille dans le Paléolithique supérieur espagnol de squelettes h, caract6res cro-magniens plus marqués que ceux des trop rares piieces connues jusqu'ici, trouvaille d'Hommes du Paléolithique supérieur de Lybie et de Tripolitaine, et, avant tout, trouvaille de cet Homme atérien qui a précédé les Ibéro-maurusiens sur leur propre territoire et dont, malgré de nombreuses recherches, nous ne savons encore a-l.. --1 A -:..- USUl ULllGLlL 1 - l t m . D'ici La, nous ne devons rien affirmer, mais la sagesse en science ne consiste-t-elle pas ?i mettre un frein notre imagination et ?i savoir attendre ce que nous apporteront les faits? BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Boule, M.; Vallois, H., et Verneau, R. : Anthropologie; in: Arambourg, C.; Boule, M.; Vallois, H., et Verneau, R.: Les grottes paiéolithiiques des Beni-Segoual, Algérie. "Archives de 1'Institut de Paléontologie humaine", vol. 13. París, 1934. 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